La Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) a rendu public son rapport annuel pour l’année 2024. L’organe de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a enregistré 928 Déclarations d’Opérations Suspectes (DOS), soit une progression de 15 % par rapport à 2023. Au total, 46 dossiers ont été transmis au Procureur du Pool judiciaire financier. Le document révèle également une augmentation marquée des flux en espèces déclarés et identifie de nouvelles pratiques illicites, allant des sociétés écran aux cryptomonnaies.
Hausse des signalements et vigilance accrue
Les chiffres publiés par la CENTIF traduisent un renforcement de la vigilance des acteurs financiers. En 2024, les Déclarations de Transactions en Espèces (DTE) ont bondi de 17 millions à 42,7 millions FCFA. Les banques et établissements financiers représentent plus de 80 % des signalements, ce qui confirme leur rôle central dans la détection précoce des anomalies. Les infractions les plus fréquentes concernent la fraude, qui constitue environ 60 % des cas, suivie de la corruption, des infractions fiscales et des violations liées aux changes.
Au-delà des typologies classiques, de nouveaux modes opératoires ont été identifiés : manipulation de contrats d’assurance-vie, recours à des sociétés fictives, transferts occultes dans le secteur extractif ou encore utilisation de plateformes de jeux en ligne. L’émergence des cryptomonnaies figure également parmi les préoccupations relevées. La CENTIF insiste sur la nécessité d’adapter le cadre légal pour mieux contrôler ces nouveaux canaux de blanchiment.
Un organe au cœur d’affaires sensibles
Les conclusions de la CENTIF n’ont pas qu’une portée statistique : elles alimentent directement des enquêtes judiciaires. Ces dernières années, plusieurs dossiers de détournements présumés de deniers publics ont été instruits grâce à ses rapports. On peut citer l’affaire des 45 milliards liés à un marché d’armements, ou encore celle concernant l’ex-député Farba Ngom, proche de l’ancien président Macky Sall. Dans ces cas, les analyses financières de la cellule ont servi de base aux investigations du Pool judiciaire financier et renforcé la coopération avec les autres organes de contrôle.
L’année 2024 restera également marquée par la sortie officielle du Sénégal de la liste grise du GAFI, le 25 octobre. Cette évolution illustre les progrès réalisés en matière de conformité internationale, même si les défis demeurent nombreux : lenteur dans le traitement de certains dossiers, insuffisances du cadre juridique face aux innovations financières, manque de coopération internationale et faible sensibilisation des acteurs non financiers, notamment dans le secteur informel.
En dépit de ces limites, la CENTIF confirme son rôle d’outil incontournable dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, en combinant veille financière et transmission des dossiers aux juridictions compétentes.



