La noix de cajou est souvent présentée comme un « or brun » agricole. Pourtant, au Sénégal, sa commercialisation reste largement dominée par l’exportation brute. Une tonne vendue à l’état brut peut rapporter 800 dollars, alors que le même volume semi-transformé atteint 4 000 dollars et grimpe jusqu’à 7 000 dollars lorsqu’il est totalement transformé pour l’exportation. Cette différence illustre un manque à gagner colossal pour l’économie nationale et pour les acteurs locaux qui peinent à valoriser la filière.
Une production accaparée par les exportateurs étrangers
Selon Sud FM près de 95 000 tonnes de cajou, représentant une valeur de 80 milliards de francs CFA ont quitté cette année le territoire. À peine 5 % reste disponible pour la transformation locale, bien en dessous des besoins réels. Les unités industrielles de Ziguinchor, par exemple, réclament au moins 7 000 tonnes pour tourner à plein régime.
Ce déséquilibre fragilise tout l’écosystème. Le président de l’interprofession cajou Sénégal, Boubacar Conta, a rappelé que plus de 3 000 emplois avaient été perdus l’année dernière, faute de matière première pour les usines. Des familles entières se retrouvent sans revenus stables alors même que le potentiel économique de la filière pourrait transformer durablement la région.
Un accompagnement jugé insuffisant
Les opérateurs locaux dénoncent également un soutien limité de l’État. Malgré les instructions du Premier ministre en faveur d’un appui à la transformation locale, les mécanismes concrets tardent à se mettre en place. Certains acteurs regrettent même que l’implication institutionnelle ait été plus forte sous l’autorité d’anciens gouverneurs de région, qui encadraient davantage la campagne de commercialisation.
Le contraste est saisissant : pendant que les exportateurs étrangers maximisent leurs profits à l’international, les unités locales ferment les unes après les autres. La société sénégalaise perd ainsi une valeur ajoutée essentielle, mais aussi une opportunité de créer un tissu industriel solide dans le sud du pays.
La filière cajou n’est pas seulement une affaire de chiffres, elle représente un levier d’autonomie économique et de création d’emplois durables. Renforcer la transformation locale serait l’équivalent de transformer une simple graine en arbre : un investissement qui porte ses fruits bien au-delà de la saison des récoltes.


