Sénégal : Les redevances du nouveau projet de loi RUTEL alimentent les débats

L’Assemblée nationale se prépare à examiner, dès lundi, différents projets de loi dont celui modifiant la redevance sur l’utilisation du réseau des télécommunications publiques (RUTEL). Le texte introduit de nouveaux prélèvements sur les transactions d’argent mobile, dans un pays où plus de 90 % des adultes possèdent un portefeuille électronique. Les autorités espèrent ainsi renforcer les recettes fiscales, mais la mesure soulève des interrogations sur ses effets pour les usagers et pour l’inclusion financière. Entre impératif budgétaire et acceptabilité sociale, le débat s’annonce animé.

Une réforme au cœur des discussions parlementaires

La nouvelle session extraordinaire convoquée par l’Assemblée nationale portera sur trois textes : la révision de la RUTEL, un nouveau Code des investissements et une modification du Code général des impôts. C’est toutefois la fiscalité du mobile money qui concentre l’attention, car elle touche directement les pratiques quotidiennes des ménages et des commerçants. La réforme prévoit un prélèvement de 0,5 % sur les transferts et de 1,5 % sur les paiements marchands, assorti d’un taux additionnel de 2 % pour certains règlements commerciaux.

Si l’objectif est clair – générer environ 220 milliards de FCFA en trois ans – la perception du dispositif reste contrastée. Les défenseurs du texte rappellent que les 1,5 % sur les paiements marchands ne constituent pas une taxe supplémentaire : ils sont considérés comme des acomptes prévisionnels, déductibles de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. Pour les entreprises déjà intégrées dans le système fiscal, il s’agit donc d’un simple paiement anticipé.

Entre perception et réalité économique

Malgré cette précision, les inquiétudes persistent. Pour de nombreux commerçants, voir 1,5 % prélevés à chaque transaction donne le sentiment de subir une perte immédiate de revenu. Dans l’économie informelle, où la déclaration fiscale reste limitée, ce mécanisme est perçu comme une taxe nette, sans contrepartie en fin d’exercice. Le risque est alors que ces acteurs répercutent le coût sur les consommateurs, ce qui pourrait renchérir les prix et fragiliser l’adhésion au mobile money.

L’expérience d’autres pays africains renforce ces craintes selon Financial Afrik: au Cameroun, une taxe de 0,2 % avait provoqué un recul des transactions, tandis qu’en Ouganda, l’imposition généralisée des opérations avait entraîné un effondrement brutal des volumes avant d’être partiellement corrigée. Ces précédents montrent que la fiscalité du numérique, si elle n’est pas calibrée avec prudence, peut ralentir l’innovation et éroder la confiance des usagers.

Pour le Sénégal, l’enjeu est de taille : concilier la nécessité de redresser les finances publiques avec la préservation d’un acquis majeur de la dernière décennie, l’inclusion financière. Tout l’équilibre de la réforme dépendra de la capacité des autorités à convaincre que cette mesure n’est pas une charge nouvelle, mais un outil de modernisation fiscale au service de l’État et des citoyens.

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