Algérie vs Maroc : qui gagne la bataille du dessalement

L’eau douce est devenue un enjeu stratégique au Maghreb, où la sécheresse récurrente et la pression démographique accentuent la rareté des ressources. Face à ce défi, les pays de la région misent sur une technologie autrefois réservée aux zones désertiques du Golfe : le dessalement de l’eau de mer. Longtemps perçu comme un pari coûteux, ce procédé s’impose désormais comme une solution incontournable pour garantir la sécurité hydrique. L’Algérie et le Maroc, chacun à son rythme, multiplient les projets d’usines et rivalisent d’ambition pour transformer l’eau salée en or bleu.

L’Algérie, pionnière par le nombre

L’Algérie a pris de l’avance. Depuis le début des années 2000, elle a construit un vaste réseau côtier de stations de dessalement, réparties de Skikda à Oran. Le pays en compte aujourd’hui environ vingt-cinq, produisant près de trois millions de mètres cubes d’eau par jour. Cette capacité assure environ 18 % des besoins nationaux, un chiffre que les autorités souhaitent plus que doubler d’ici 2030.

Des sites comme Fouka-2, récemment inauguré, ou celui d’Oran montrent la montée en puissance de cette stratégie. Ces installations, alimentées principalement par le gaz naturel, garantissent un approvisionnement continu pour les grandes agglomérations et les zones industrielles. L’État a engagé plusieurs milliards de dollars pour étendre cette capacité, avec un objectif clair : sécuriser durablement l’eau potable des régions côtières et libérer la pression sur les nappes phréatiques.

Cependant, cette avance repose encore largement sur des procédés énergivores. Si quelques projets intègrent désormais des panneaux solaires, l’intégration des énergies renouvelables reste partielle. Le défi pour Alger sera de réduire les coûts d’exploitation et l’impact environnemental du rejet de saumures, sans compromettre la production.

Le Maroc, une stratégie tournée vers la durabilité

Face à la même urgence, le Maroc privilégie une autre approche : moins d’unités, mais de plus grande taille et associées aux énergies vertes. L’usine d’Agadir, qui alimente déjà la ville et les cultures environnantes, doit passer de 275 000 à 400 000 m³ par jour grâce à une extension couplée à un parc éolien. Casablanca-Settat et Rabat-Kenitra s’apprêtent à accueillir des complexes parmi les plus vastes du continent, capables à eux seuls de produire plusieurs centaines de millions de mètres cubes d’eau par an.

L’objectif fixé à l’horizon 2030 est ambitieux : atteindre 1,7 milliard de m³ d’eau dessalée par an, soit près de la moitié des besoins urbains. Cette stratégie privilégie les partenariats publics-privés, mobilisant des entreprises locales et internationales comme Veolia ou Acciona, et misant sur la complémentarité entre dessalement et énergies renouvelables.

Le royaume avance donc moins vite en nombre de stations, mais plus vite en modernisation technologique. Les usines marocaines tendent à devenir plus efficaces sur le plan énergétique, avec une empreinte carbone réduite. Dakhla, au sud, montre cette vision : la station y sera alimentée par le vent du littoral atlantique pour irriguer des zones agricoles et approvisionner la ville.

Une rivalité aux allures de complémentarité

Si l’Algérie conserve la première place par la quantité d’eau produite, le Maroc la talonne par la taille et l’efficacité de ses projets. L’un mise sur la couverture rapide du territoire, l’autre sur la performance durable. Les deux trajectoires traduisent une même urgence : faire face à la baisse des pluies et à l’épuisement des barrages.

À terme, leurs expériences pourraient même se rejoindre. L’Algérie explore déjà des solutions hybrides combinant gaz et solaire, tandis que le Maroc étudie des dispositifs de dessalement plus modulables et moins coûteux. Cette dynamique régionale pourrait, à moyen terme, transformer la façade méditerranéenne en pôle technologique de l’eau, capable de concilier développement et résilience climatique.

Dans cette « bataille du dessalement », il n’y a donc pas un vainqueur mais deux trajectoires convergentes. L’Algérie démontre la capacité à déployer rapidement un maillage national, tandis que le Maroc affine un modèle économe en énergie et tourné vers l’avenir. Entre quantité et durabilité, les deux nations expérimentent deux réponses à un même défi : rendre l’eau, bien commun vital, accessible malgré la sécheresse persistante.

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