Animation de la vie politique: Vers la pensée politique unique au Bénin selon Boni Yayi

La démocratie béninoise est menacée, selon l’ancien président Boni Yayi, par une tendance croissante à la pensée politique unique. Cette inquiétude majeure fait suite à une série de turbulences centrées sur le parti d’opposition, Les Démocrates, et se serait exacerbée par la récente rencontre entre Boni Yayi et le président Patrice Talon, ainsi que par les revers judiciaires et les tensions internes au sein de l’opposition dans le cadre des élections de 2026.

Depuis l’arrivée au pouvoir du régime de la « Rupture », le cadre politique du Bénin a connu plusieurs réformes critiquées par l’opposition, notamment en ce qui concerne le Code électoral. Ce cadre a introduit des exigences accrues pour la participation des partis politiques aux scrutins. Dans les faits, cette évolution a conduit à une configuration où une seule formation politique d’opposition est représentée au parlement béninois face à deux partis soutenant l’exécutif (Union Progressiste le Renouveau et Bloc Républicain). Dans ce contexte, le parti Les Démocrates occupe une place considérée comme importante dans les débats institutionnels, en participant aux échanges politiques et en relayant certaines préoccupations exprimées par des acteurs ne s’identifiant pas à la mouvance présidentielle.

L’Échec juridique et la rencontre Yayi-Talon

Le rejet, par la Cour constitutionnelle, des requêtes introduites par le parti au sujet des nouvelles dispositions du Code électoral a constitué un tournant dans son organisation interne. Ses dirigeants ont, par la suite, annoncé travailler sur plusieurs scénarios politiques en préparation des élections de 2026 (législatives, communales et présidentielle).

C’est dans ce climat que l’ancien président Boni Yayi, en sa qualité d’ancien Chef d’État, a rencontré le président Patrice Talon le vendredi 24 octobre 2025. Dans son adresse au peuple béninois cette semaine, l’ancien président a révélé la teneur de cet échange. Yayi a affirmé avoir demandé à Talon de tout mettre en œuvre pour garantir la participation du parti Les Démocrates aux élections générales de 2026.

À l’issue de cet entretien, Boni Yayi a fait part de ses préoccupations dans son adresse au peuple béninois. L’ancien président retient que le chef de l’État actuel « renonce progressivement à faire du Bénin un État de droit et de démocratie » et que, selon le président Talon, « tout le monde doit être à la mouvance autour de lui. Plus de démocratie, plus d’opposition au Bénin ».

Les fissures internes : un coup de grâce

Parallèlement aux pressions externes dénoncées par certains cadres du parti et l’ancien Président Boni Yayi, le parti Les Démocrates est secoué par une menace d’implosion due à de profondes désunions internes. Le fardeau de l’échec juridique a engendré des frustrations. La récente rencontre avec le Président Talon a été perçue par certains cadres comme une trahison ou, au mieux, une démarche unilatérale non concertée, exacerbant la méfiance au sein des instances dirigeantes entre les « historiques » et les « nouveaux » cadres.

L’ancien président Boni Yayi a lui-même dénoncé un « vaste plan de déstabilisation, de débauchage d’un certain nombre de hauts responsables et de députés du parti Les Démocrates » s’appuyant sur « l’intimidation, les promesses d’incitation financière et les menaces de tous genres ».

Le spectre de l’hégémonie et de l’apathie citoyenne

Dans l’hypothèse où le parti Les Démocrates perdrait son influence ou sa capacité d’action, l’équilibre politique pourrait s’en trouver modifié. L’absence d’une formation disposant d’une présence nationale pour exprimer des positions différentes de celles de la majorité réduirait le niveau de pluralisme au sein de la vie publique. Le débat démocratique pourrait devenir moins diversifié, avec une représentation limitée de courants politiques.

Dans un contexte où le débat politique apparaîtrait limité et l’opposition jugée peu influente, il existe un risque de baisse de participation citoyenne, certains électeurs pouvant considérer que leur voix ou leur opinion a un impact réduit. Pour Boni Yayi, la situation est claire : « Il s’agit là d’une violation fondamentale de notre Constitution ». Il appelle le peuple, les forces politiques, la Société civile et les confessions religieuses à privilégier le dialogue politique pour trouver une issue à cette situation.

Le Bénin traverse une phase politique à enjeux. Certains observateurs estiment que, pour préserver un pluralisme effectif, des efforts sont attendus à la fois du parti Les Démocrates — notamment en matière de réorganisation interne — et des autorités, en vue de favoriser un climat politique inclusif. L’enjeu central reste de maintenir un espace politique où différentes opinions peuvent s’exprimer et participer au débat public.

Laisser un commentaire