À quelques mois des élections générales de 2026, l’Ambassadeur Dr. Théodore C. Loko, enseignant-chercheur et citoyen engagé, signe une lettre ouverte aux candidats. Dans ce texte d’une rare profondeur, il appelle à une réflexion sur la responsabilité politique, la mémoire nationale et la nécessité d’un contrat social renouvelé. Au-delà des promesses électorales, il invite les futurs dirigeants à unir compétence et conscience pour redonner sens à la démocratie béninoise.
ÉLECTIONS GÉNÉRALES AU BÉNIN EN 2026
Objet : Lettre ouverte aux candidats
Mesdames et Messieurs,
Très respectés concitoyens,
Dans quelques mois, le peuple béninois sera de nouveau appelé aux urnes pour choisir celles et ceux à qui il confiera la direction de la République.
Cet exercice démocratique, que beaucoup d’autres peuples nous envient, ne doit pas être réduit à une simple compétition électorale : il représente une épreuve de maturité pour notre nation et un test de fidélité envers les valeurs qui fondent notre vivre-ensemble.
À l’heure où les discours se multiplient, où les promesses se succèdent, il m’a semblé nécessaire d’adresser cette lettre ouverte, non pour juger, mais pour inviter à réfléchir. Réfléchir sur ce que nous sommes devenus depuis 1960, et sur ce que nous voulons être demain. Réfléchir surtout sur le lien fragile et vital entre socialisation politique et politiques publiques, entre citoyenneté vécue et pouvoir exercé.
Du passé à l’avenir : une mémoire à assumer
Notre histoire nationale n’a jamais été une ligne droite. Après l’indépendance, le Bénin — alors Dahomey — a connu des décennies d’instabilité, de rivalités régionales et de luttes d’élites. Ce passé chaotique, souvent évoqué avec distance, a pourtant façonné notre rapport au politique: un rapport fait de méfiance, mais aussi de résilience.
Entre 1960 et 1972, chaque gouvernement promettait le renouveau, mais chaque coup d’État ramenait la désillusion. Le pouvoir d’alors, faute de réelle socialisation politique, se vivait comme un butin. L’État ne formait pas encore des citoyens ; il servait des clans. Cette mémoire-là, il ne faut pas la renier — il faut l’assumer, pour ne plus la reproduire.
L’État éducateur : quand le politique voulait former la conscience
Avec la Révolution de 1972, le général Mathieu Kérékou a tenté de reconstruire le pays sur des bases idéologiques nouvelles. L’État devint éducateur, la politique devint doctrine. L’école, les médias, les cérémonies patriotiques avaient pour mission de « faire aimer la Révolution » et d’incarner un idéal d’homme nouveau.
Certes, cette période a permis de redonner une fierté nationale et un certain sens du collectif. Mais elle a aussi confondu éducation civique et endoctrinement, formation et formatage. Les politiques publiques furent subordonnées à la politique tout court. De cette époque, gardons la leçon : un peuple ne se transforme pas par décret, mais par participation consciente.
La Conférence nationale : le peuple retrouve sa voix
En février 1990, le Bénin a donné une leçon d’histoire à toute l’Afrique. À la Conférence nationale, le peuple a repris la parole. Ce moment fondateur fut une socialisation politique collective : chacun apprit que gouverner n’est pas régner, et qu’obéir ne signifie pas se taire.
De cette expérience est née notre démocratie pluraliste. La Constitution de 1990, inspirée par les idéaux de liberté, de responsabilité et de décentralisation, a redéfini le rôle de l’État : non plus diriger le peuple, mais le servir.
C’est dans cet esprit que les politiques publiques ont commencé à se penser comme des instruments au service du bien commun, et non des stratégies de pouvoir. Voilà le socle moral de notre démocratie.
L’État et la société civile : deux visages d’une même nation
Depuis les années 1990, la vitalité de la société civile béninoise a été remarquable. Syndicats, ONG, associations communautaires, mouvements religieux et citoyens engagés ont contribué à consolider la démocratie.
Mais cette vitalité ne suffit pas si l’État ne joue pas son rôle de garant du cadre éthique et juridique. La société civile innove, sensibilise et interpelle ; l’État, lui, régule, redistribue et protège. L’un ne peut aller sans l’autre.
Or, nous observons depuis quelques années une tendance à la recentralisation du pouvoir, à la concentration des décisions entre quelques mains, au détriment de la participation citoyenne. Ce déséquilibre menace la dynamique démocratique que nous avons si patiemment bâtie.
La décentralisation : une promesse encore inachevée
La réforme de 2003 avait fait rêver : donner plus de responsabilités aux communes, rapprocher l’État du citoyen, encourager la participation locale. Et, dans bien des cas, elle a porté ses fruits : les conseils communaux sont devenus des écoles de gouvernance, les associations locales des espaces de solidarité.
Mais beaucoup reste à faire. La formation des élus demeure insuffisante, les moyens financiers manquent, la coordination avec l’État central reste fragile. Vous, candidats de 2026, avez la responsabilité d’achever cette œuvre. Car la démocratie béninoise ne grandira pas dans les bureaux climatisés de Cotonou, mais dans les quartiers, les écoles, les marchés et les champs du pays profond.
L’école et les médias : les forges de la conscience civique
L’école béninoise et les médias libres sont les deux piliers de notre socialisation politique contemporaine. L’école enseigne les droits, les devoirs et la citoyenneté ; les médias assurent la liberté d’expression et le débat public.
Pourtant, ces deux institutions souffrent : les enseignants manquent de moyens, les journalistes manquent parfois de protection, et l’espace médiatique se polarise. Sans une éducation politique de qualité et une information libre et responsable, aucune politique publique, aussi ambitieuse soit-elle, ne pourra produire la cohésion nationale que nous espérons.
Les nouveaux défis : technocratie et citoyenneté
Depuis peu de temps, des réformes courageuses ont été entreprises pour moderniser l’administration et rationaliser la dépense publique. Ces efforts méritent reconnaissance. Mais la politique ne peut se réduire à une question de performance : elle est aussi une question de sens, de justice et de proximité.
La tentation technocratique — celle de gouverner par les chiffres — risque de déshumaniser la relation entre l’État et le citoyen. La réussite économique ne vaut que si elle se traduit par une inclusion réelle, par une confiance retrouvée, par un espoir partagé.
Un appel à la responsabilité politique
Mesdames et Messieurs les candidats,
vous vous présentez à une élection décisive pour l’avenir du Bénin. Vous ne portez pas seulement des programmes : vous incarnez une culture politique. Celle que vous transmettrez à travers vos discours, vos alliances, vos comportements, sera celle que les jeunes apprendront demain.
La socialisation politique d’une nation se nourrit moins des institutions que des exemples. Soyez donc des modèles de respect, de vérité et de service. Refusez les discours de division, les calculs ethniques et les promesses sans lendemain. Faites de vos campagnes des espaces d’éducation démocratique.
Pour un contrat social renouvelé
À l’approche de 2026, le Bénin a besoin d’un nouveau contrat social, fondé non sur la méfiance, mais sur la coresponsabilité. La société civile doit retrouver son audace, l’État son humilité, et le citoyen son pouvoir d’agir.
Le véritable enjeu des élections à venir n’est pas de savoir qui gagnera, mais quelle culture politique triomphera : celle du pouvoir fermé, ou celle de la citoyenneté ouverte.
C’est à vous qu’il revient, chers candidats, d’écrire ce chapitre.
Faites en sorte que l’histoire, demain, puisse se souvenir de 2026 non comme d’une compétition de plus, mais comme d’un moment où le Bénin a choisi d’unir la compétence à la conscience, l’efficacité à la solidarité, la politique à l’éthique.
Pour la République,
Pour la dignité du peuple béninois,
Pour la vérité du service public.
Signé
Ambassadeur Dr. Théodore C. LOKO (à la retraite)
Enseignant-chercheur
Un citoyen engagé pour la démocratie et le bien commun
Cotonou, le 06 octobre 2025




Tout ça ; ce sont de belles phrases, des mots. En réalité ; c’est un appel qui n’attire plus une lecture des acteurs politiques qui sont plutôt dans le dogme. Ambassadeur, Docteur, Enseignant – chercheur ??? Ça n’émeut plus personne dans notre pays.
Cherchez l’erreur