Houngan d'Abomey: Plus qu'une danse, une affirmation d'engagement et de détermination

Au cœur du Bénin, dans l’ancienne capitale du Royaume du Danxomè, Abomey, réside un héritage culturel d’une force et d’une histoire singulière : la danse Houngan. Bien au-delà d’une simple expression chorégraphique, le Houngan est un patrimoine vivant de l’aire culturelle Adja-Tado, incarnant l’esprit combatif et la détermination sans faille des légendaires guerrières du royaume : les Amazones.

La danse Houngan était fondamentalement une danse royale de cour. Son contexte d’exécution était solennel et d’une importance stratégique capitale : elle était exécutée par les troupes lors de la revue générale par le roi avant un départ imminent pour le champ de bataille.

Le rôle de cette danse était doublement symbolique et psychologique. Pour les guerrières, c’était l’occasion de communier une dernière fois avec la cour royale et de galvaniser leur propre ardeur. Pour le roi et l’ensemble du royaume, c’était une démonstration visuelle de l’engagement total et de la combativité des troupes. Elle illustrait la place centrale de ces guerrières intrépides dans la culture du royaume d’Abomey et leur lien intrinsèque avec la philosophie des cours royales.

Les Amazones, interprètes inimitables

Les interprètes exclusives de cette danse étaient les Amazones, ces guerrières féminines redoutables qui formaient l’élite militaire du royaume d’Abomey. Elles dansaient spécifiquement le Houngan pour montrer leur détermination inébranlable et leur volonté de vaincre l’ennemi à Sa Majesté.

Leur tenue de danse, aussi symbolique que leur rôle, était composée d’une grande culotte bouffante au niveau de l’entrejambe, resserrée aux genoux, et d’un petit boubou sans manche fait de bandes de tissus, laissant entrevoir des parties du corps sous les bras. Cet habillement, mélangeant aisance de mouvement et prestance, soulignait le caractère à la fois guerrier et noble de la danse.

Mouvements, musique et symbolisme entre grâce et agressivité

Le Houngan est reconnu comme l’une des danses les plus énergiques du patrimoine culturel béninois. Les mouvements des Amazones étaient un paradoxe fascinant : elles dansaient avec dextérité et opulence, tout en dégageant toute l’agressivité possible.

Souvent munies de machettes en main, les guerrières exprimaient leur désir de terrasser l’ennemi. Elles mettaient en avant la grâce et la noblesse inhérentes à leur statut royal, combinées à la fureur froide qu’elles promettaient d’exercer sur le champ de bataille. Le Houngan était ainsi l’incarnation même de la combativité et du désir de victoire des troupes.

L’instrumentation qui accompagnait cette danse guerrière était riche et puissante : elle comprenait un long tam-tam, deux petits tam-tams, deux gongs, une corne de buffle et des castagnettes. Ce dispositif musical créait un rythme hypnotique et galvanisant, indispensable pour accompagner la démonstration de force physique et psychologique des guerrières.

Un héritage toujours vivant

Bien que la danse Houngan ait été, historiquement, l’apanage des Amazones au sein du palais royal d’Abomey, elle a su traverser les siècles et les changements politiques pour s’inscrire durablement dans la culture béninoise. Aujourd’hui, si la danse continue d’être exécutée au sein du palais royal, elle a également essaimé hors du palais grâce à l’action des différentes troupes artistiques et culturelles basées sur l’ensemble du territoire. Cela témoigne de l’importance de ce rythme royal du Sud Bénin non seulement comme un souvenir historique, mais comme une expression d’identité culturelle encore très vivante. Même dans les églises et particulière dans l’église catholique, la danse Houngan continue de marquer les cérémonies religieuses les plus prestigieuses. Dans le diocèse d’Abomey par exemple et dans d’autres, c’est le Houngan qui accompagne la procession de l’évêque lors des grandes célébrations.

En regardant la danse Houngan s’exécuter, le public ne voit pas seulement un spectacle : il assiste à une leçon d’histoire incarnée, se connectant à l’esprit indomptable des Amazones et à l’engagement profond qui a forgé le Royaume d’Abomey. Le Houngan reste un symbole de détermination absolue, un patrimoine qui rappelle la place unique des femmes dans l’histoire militaire et culturelle du Bénin.

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