Les États-Unis franchissent une étape décisive dans la modernisation de leurs forces blindées. Le 15 septembre dernier, la 1ère Division de cavalerie a procédé à son premier exercice de tir réel avec le système Switchblade 600 sur la base de Fort Cavazos, au Texas. Cette démonstration s’inscrit dans le cadre de l’initiative « Pegasus Charge », un programme visant à intégrer les technologies de pointe dans les unités d’assaut lourdes. L’enjeu principal : adapter les formations blindées américaines aux réalités des champs de bataille contemporains, où les drones jouent un rôle déterminant.
Une réponse aux transformations du combat moderne
Les conflits récents ont bouleversé les doctrines militaires traditionnelles. La guerre en Ukraine a révélé l’efficacité redoutable des systèmes aériens sans pilote, utilisés aussi bien pour la reconnaissance que pour des frappes ciblées. Les forces ukrainiennes comme russes déploient quotidiennement des milliers d’appareils, transformant le ciel en zone de confrontation permanente. Les pertes mensuelles atteignent plusieurs milliers d’unités, principalement en raison du brouillage électronique et des systèmes de défense antiaérienne. Cette évolution technologique ne se limite pas au théâtre européen. Lors du récent conflit de douze jours entre Israël et l’Iran, les drones ont également démontré leur capacité à pénétrer les défenses sophistiquées et à frapper des objectifs stratégiques en profondeur. Face à ces constats, le Pentagone a accéléré l’intégration de munitions rôdeuses dans ses unités conventionnelles, marquant une rupture avec l’usage exclusif par les forces spéciales.
Le capitaine Jeffrey Weller, commandant de la troupe de reconnaissance multifonctionnelle au sein de la 2ème Brigade de combat blindée, a souligné que ce système permettait d’engager des véhicules ou de petits groupes d’adversaires à des distances bien supérieures aux capacités antérieures. L’exercice conduit à Fort Cavazos a validé la capacité du Switchblade 600 à neutraliser des cibles situées entre cinq et quinze kilomètres en avant des lignes amies, une portée qui correspond précisément aux besoins opérationnels des formations lourdes. Avant le tir réel, les soldats ont bénéficié d’une formation intensive de cinq jours dispensée par AeroVironment, le fabricant du système. Cette préparation a couvert l’installation, l’armement et la programmation des missions de vol et de frappe. Le spécialiste Drake Cross, opérateur de drones ayant une expérience sur d’autres plateformes de surveillance, a déclaré qu’il s’agissait de sa première expérience avec un système armé capable de délivrer des munitions létales directement sur objectif.
Caractéristiques techniques et déploiement opérationnel
Le Switchblade 600 représente une évolution majeure par rapport à son prédécesseur, le modèle 300. Mesurant environ un mètre cinquante et pesant 34 kilogrammes, cet appareil lancé depuis un tube embarque une charge militaire dérivée du missile antichar Javelin. Sa propulsion électrique lui confère une discrétion acoustique appréciable, tandis que son autonomie atteint quarante à quarante-cinq minutes de vol. La portée maximale s’établit à 43 kilomètres, offrant aux commandants une flexibilité tactique considérable. L’opérateur contrôle le système via une tablette lui permettant de visualiser en temps réel les images transmises par les caméras embarquées. Une particularité notable réside dans la possibilité d’annuler une frappe en cours de vol, une fonction cruciale pour minimiser les dommages collatéraux si la situation évolue.
L’intégration du Switchblade 600 dans les unités blindées américaines marque également une rupture stratégique. Jusqu’à présent, ce type d’armement restait l’apanage des forces d’opérations spéciales et de certaines unités d’infanterie légère. La 1ère Division de cavalerie figure parmi les premières formations conventionnelles à recevoir cette technologie, confirmant la volonté du commandement de généraliser son usage. Les tests menés en juillet dernier au terrain d’essai de Yuma, en Arizona, avaient déjà validé une capacité inédite : le largage depuis un drone MQ-9A Reaper en vol. Cette configuration permet d’étendre considérablement le rayon d’action du système, puisqu’un Switchblade 600 largué depuis 30 000 pieds d’altitude peut parcourir plus de 175 kilomètres. Les opérateurs au sol peuvent alors reprendre le contrôle après la séparation, créant ainsi une chaîne d’engagement distribuée et résiliente. Cette évolution transforme le Reaper en plateforme mère capable de déployer des effecteurs plus petits dans des zones contestées, tout en restant à distance des systèmes de défense adverses.
La prochaine étape pour la 1ère Division de cavalerie consistera à utiliser le Switchblade 600 lors de sa rotation au Centre d’entraînement national de Fort Irwin, en Californie, permettant d’affiner les tactiques et procédures d’emploi dans un environnement d’entraînement réaliste face à des adversaires simulés.



