l’exemple qui doit faire école
Depuis la fin des joutes électorales à haut suspense, le Ghana fait figure de modèle de démocratie en Afrique, au même titre que l’Afrique du Sud, le Botswana, renvoyant dans les profondeurs du classement des pays comme le Mali et notre pays le Bénin.
Les processus électoraux de nos deux derniers pays, bien qu’exemplaires par certains côtés, au regard des grosses dérives observées partout ailleurs en Afrique, demeurent encore fragiles. Parce que, au Mali comme au Bénin, les lendemains des élections ont toujours été tendus et le pire a toujours été évité de justesse. Au Mali, la réélection d’ Alpha Oumar Konaré en 1996 et celle d’ATT en 2007 n’ont pas été sans heurts. Souvenons-nous, ici au Bénin de 1991, 1996 et surtout de 2001 avec la cascade des désistements des candidats au deuxième tour qui a abouti au match …très amical d’avril 2001. Souvenons-nous particulièrement de 2006 et des frayeurs orchestrées par le pouvoir pour que les élections pourtant prévues de longue date n’aient même pas lieu.
Souvenons-nous de toutes les entraves savamment montées par le pouvoir issu des élections de 2006, comme ces discussions interminables autour du budget de la Cena entre le ministre des finances et les présidents des Cena des législatives et des communales, avec les conséquences que l’on sait sur la mise en place et le fonctionnement harmonieux des structures d’organisation des élections. Souvenons-nous des débats interminables à L’Assemblée Nationale sur la composition de la Cena et de ses démembrements dont les fameux Cea de triste réputation. Souvenons-nous aussi de toutes ces menaces de boycott et de rétention du matériel électoral des agents recenseurs et électoraux pour non paiement de primes. Constatons enfin que plus de huit mois après la proclamation des résultats des communales par la Cena, des conseils communaux attendent encore d’être installés parce que l’Exécutif en a décidé ainsi, en violation de la loi.
Rien de tel n’a été déploré lors des dernières élections couplées, législatives et présidentielle du Ghana. Certes, les démocrates d’ici et d’ailleurs sur le continent ont eu quelques frayeurs, lorsque le président de la commission électorale du Ghana a annoncé d’abord son incapacité à désigner un vainqueur après le décompte des votes, ensuite la reprise des élections dans une seule circonscription pour départager les deux candidats retenus au second tour. Ici au Bénin, on a dû se demander pourquoi n’avoir pas fait voter les électeurs de cette circonscription avant même de procéder au décompte des votes, comme on l’a fait chez nous à plusieurs reprises, pour ne pas influencer le vote de ces électeurs retardataires. On imagine avec effroi ce qui se passerait ici le jour où on ordonnerait la reprise des élections dans la circonscription de Toucountouna , ce, après proclamation des résultats définitifs, avec ses quelques milliers de voix pour départager les deux candidats arrivés à égalité au second tour. On imagine comment le vaincu contesterait la victoire de son adversaire surtout s’il a été victime d’annulation de voix dans son propre fief, comme l’a prétendu le vaincu Nana Akuffo Addo.
Il ressort de ce qui précède que le processus électoral ghanéen n’est pas exempt de défauts. Il y a là -bas comme chez nous ici et ailleurs en Afrique, de fortes possibilités de remise en cause de tout le système qui semble encore reposer sur la seule bonne volonté des acteurs politiques.
On sent au Ghana comme chez nous qu’un fou du pouvoir soutenu par toute clientèle politique décidait de s’accrocher au pouvoir, tout le pays pourrait basculer dans la violence. Cependant, le processus électoral ghanéen dans son ensemble demeure exemplaire pour les démocrates du Bénin sur trois aspects qui nous paraissent essentiels : la fiabilité de la liste électorale, la place et le rôles des partis politiques, de la commission électorale et le juge du contentieux électoral. Près de deux décennies de processus démocratique ne nous ont pas permis de créer de vrais partis politiques autour des visions politiques qui rassemblent les populations au-delà des frontières tribales.
Les listes électorales restent toujours peu fiables et sont la principale source des contestations post électorales. Depuis les désistements en cascades de 2001, et surtout en 2006 où il n’a même pas été possible d’organiser la campagne du second tour, tout le monde a perçu la nécessité de revoir le délai entre la proclamation des résultats du premier tour de la présidentielle et l’organisation du second tour. Tout le monde a perçu la confusion des rôles du juge du contentieux électoral qu’est la cour Constitutionnelle. Mais personne ne veut clarifier les choses pour permettre une meilleure organisation de la présidentielle, parce qu’on a tous peur d’ouvrir la boîte de Pandore en touchant à une faille patente de notre loi fondamentale.
Vincent FOLY