A situation exceptionnelle…

Loi dérogatoire ou loi d’habilitation? Quel que nom qu’on puisse lui faire porter, le texte adopté en procédure d’urgence lors de la dernière session extraordinaire de notre parlement a été promulgué par le chef, après la déclaration de conformité de la Cour constitutionnelle. Il ne reste qu’à l’appliquer. Et elle doit être appliquée. C’est l’occasion pour nous de nous rendre compte de l’effectivité de la notion de souveraineté que nous aimons revendiquer pour nos actes à l’échelon de l’Etat. Déjà, nos partenaires techniques et financiers (Ptf) ont reconnu et admis la nécessité de la prise en compte des potentiels électeurs laissés en rade. Ils devraient être en mesure de continuer à appuyer le processus jusqu’à son terme. Il suffit, a notre avis, de leur demander assistance en leur soumettant un plan de financement complémentaire.

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La mise en œuvre technique de la loi, elle, parait complexe. Sa complexité tiendrait de son caractère exceptionnel dû à la matière à laquelle elle entend s’appliquer, dans un délai si court. A entendre, sur Canal 3, le chargé du matériel de la Céna, M. Garba Yaya, 5 jours sont loin de suffire à faire l’affaire. Pour lui, l’institution ne parviendrait pas à intégrer tous les gens en âge de voter, lesquels ont été finalement autorisés à se faire enrôler.

 

A l’appui de ses explications données tantôt à titre personnel, tantôt au nom de la Céna, M. Garba Yaya met en relief l’exemple de la localité de Ségbana que la Céna ne peut rallier en aller-retour, en moins de 4 jours de traversée. En y ajoutant le temps de recensement des nouveaux inscrits, le délai de 5 jours accordé par la loi dérogatoire reste largement insuffisant. Il faudra en plus compter avec toutes les régions enclavées de notre pays. Or, les conseillers de la Céna ne sont que 11 au total. Et le chargé du matériel semblait donc conclure que, de son avis personnel, la nouvelle mission de la Céna est impossible. Elle est tout de même faisable.

La loi indique qu’il faudra impérativement enrôler tout le monde. Adoptée de façon exceptionnelle, à 60 voix pour, 0 contre 4 abstentions, elle enjoint à toutes les institutions de la République de prendre toutes les mesures exceptionnelles qui s’imposent afin de donner corps à son contenu. Les représentants du peuple à l’Assemblée nationale ne manquent pas de savoir qu’il peut y avoir des difficultés de mise en œuvre. Ils estiment, cependant, qu’il y a possibilité pour son application. Et la mesure est non négociable. On se rappelle qu’elle intervient notamment pour corriger l’injustice causé aux nombreux compatriotes qui étaient en voie de voir hypothéquer leur droit constitutionnel de vote, pour des raisons de calculs politiciens.

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«A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle», dit-on. Contrairement aux propos de M. Garba Yaya, les structures en charge des élections, dont la sienne, ne devraient sous aucun prétexte être en panne d’inspiration. Face au nombre réduit de leurs membres respectifs, la Céna et la Cps/Mirena pourraient par exemple faire jouer leurs membres suppléants. Les titulaires et suppléants de leurs démembrements (Ced, Cea, Cec…) sont d’office à leur disposition pour faciliter l’enrôlement des laissés pour compte. On pourrait aussi solliciter du personnel à déployer sur le terrain en vue d’atteindre les objectifs fixés par la loi dérogatoire, auprès d’institutions telles que l’Assemblée nationale, la présidence de la République, les formations politiques (mouvance et opposition), la société civile et la presse nationale publique comme privée. Il s’agit simplement, à l’arrivée, de pouvoir les organiser selon les modes de fonctionnement des institutions de cette nature. Dans tous les cas, la vigilance de tous doit être de mise.

Par leur vigilance qui a permis le report de la présidentielle, les Béninois viennent de prouver, encore une fois, que le passage en force de la Lépi, tel que voulu par une certaine classe politique ne peut se faire qu’ailleurs et pas chez-nous. La raclé est tout aussi monumentale pour une frange de la communauté internationale officiant au Bénin. Parmi nos partenaires techniques et financiers, il s’en était trouvé pour jubiler et sabler du champagne quand la liste a été transmise à la Céna par la Cps/Mirena. Aujourd’hui, ceux-là doivent être en train de se mordre le doigt. On dira d’eux qu’ils ne connaissent pas le pays de leur juridiction.

Le général Mathieu Kérékou, du temps de sa superbe, aurait confié à l’un de ses pairs de la sous-région –que ses compatriotes, les Béninois, étaient loin d’être des moutons de panurge. Nous étions en 1989-1990, période de forte effervescence sociale et de remise en cause politique profonde ayant vu se tenir la bienheureuse conférence nationale des forces vives du pays. Le pouvoir d’Etat, dans ses aspects les plus essentiels, était en passe de lui échapper. Et pour tout conseil, un chef d’Etat voisin -suivez mon regard- lui suggère de s’accrocher et de confisquer au peuple la légitimité de son autodétermination. On sait, qu’après sa réplique, le général Kaméléon a dû laisser se jouer le jeu démocratique. Lequel ébranle le continent africain, y compris particulièrement le pays du chef d’Etat donneur de conseils. Là-bas, chez-lui, les bouleversements nés des revendications sociopolitiques ont été contenus. Les vues du pouvoir autocratique sont passées comme lettre à la poste, nonobstant l’organisation d’une conférence nationale, comme ce fut le cas au Bénin. Vingt ans après, l’expérience démocratique des Béninois s’est davantage renforcée de sorte que des diktats qui n’avaient pas pu être s’imposés, pendant les dernières décennies, ne le peuvent plus jamais. Que cela soit écrit, comme l’a dit le Pharaon.

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