Un chef visiblement seul!

Le récent appel du chef de l’État aux militaires –à qui il a pu demander de se mêler du fonctionnement de l’administration publique, en lieu et place des fonctionnaires attitrés à radier- sonne comme faux dans un paysage où, depuis vingt ans et plus, tous les corps de la communauté nationale se sont engagés à «se régler les comptes» par voie légale. Même imparfaitement et, dans la droite ligne des recommandations et de l’esprit des assises de la Conférence nationale de février 1990. La grande muette, y compris, a confessé ses péchés et s’est résolue, depuis longtemps, à ne plus s’ingérer dans la politique politicienne qui l’impliquerait au-delà de ses missions républicaines de participation aux taches de développement, et surtout de défense de l’intégrité du territoire. Que diantre a pu pousser le chef des armées, le magistrat suprême de la République à recourir et à requérir la force des militaires dans un dossier qui, pourtant, relève de l’ordre administratif des choses? A ce stade de la crise avec les partenaires sociaux, il est à parier qu’il n’y a pas une équipe de gens entourant le chef de l’Etat pour l’aider à élaborer les solutions idoines de compromis pour ramener la paix. De ce point de vue, l’idée de la mesure même, semble tenir de quelqu’un qui est sous pression, voire aux abois. Et n’en pouvant plus de supporter les «caprices» d’une frange de la société (1% de la population globale), il en appelle lui-même délibérément à l’affrontement comme pour se soulager et enfin voir le bout du tunnel qui le sorte de la tourmente à laquelle il est apparemment soumis. Hélas! L’affreuse idée a persisté dans la tête du président de la République, donc bien préméditée, pour être annoncée à la hiérarchie militaire au grand complet. Visiblement, Boni Yayi aura, soit réussi à convaincre ce qu’il lui reste de collaborateurs immédiats soit que ces derniers n’ont pas eu le courage ou pu le refréner dans ses ardeurs. Les rumeurs racontent que l’homme serait un dur à cuir qui n’écoute presque personne. Il n’en ferait qu’à sa tête lorsqu’il se convainc d’être dans la bonne direction. Finalement, le chef de l’Etat donne l’air d’être seul, livré à lui-même, dans ce bras de fer avec les syndicats. Ce sentiment, racontent des sources, il l’aurait exprimé dans un monologue audible marmonné. C’était à son retour au salon d’honneur de l’aéroport de Cotonou, après avoir raccompagné au pied de la «Us Force One», l’avion présidentiel, le numéro un américain Georges W. Bush, alors en visite éclair au Benin en février 2008. «Ils m’ont lâché! Je suis seul… », aurait-il constaté avec amertume.

Le dialogue encore et toujours…

Le plus grand désaveu Boni Yayi ait jamais subi, depuis dans sa gestion du pays est la réponse des patrons de l’armée béninoise. Qui lui font remarquer –lui le mieux placé pour le savoir- que les voies de la négociation restent toujours ouvertes et qu’il lui fallait continuer à négocier. Quelle leçon de sagesse!

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Au fond, l’armée se sait dans l’impossibilité morale et juridique d’intervenir après les engagements pris de se tenir à l’écart de la vie civile et politique de notre pays. Cela est consigné, noir sur blanc, dans l’Acte fondateur de la République du Bénin en date du 10 décembre 1990. Si le garant du respect de cet acte, autrement appelé Constitution, en arrive à enfreindre certaines de ses dispositions les plus significatives, il y a lieu de crier au scandale. Au parjure, diraient certains, qui choisiraient de se dresser contre l’autorité, au point d’en appeler à la désobéissance civile. Encore un droit constitutionnel fondamental consacré dont tout citoyen devrait apprendre à se servir. Et les partenaires sociaux auront beau jeu de se répandre en contre-attaque pour sauvegarder les acquis de leurs luttes contre les comportements autocratiques des différents pouvoirs qui se succèdent au sommet de l’Etat. Le pouvoir n’aura qu’à faire usage de la seule arme la plus efficace: celle de la négociation pour le compromis ou le consensus librement consentis.

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