De l’annonce du premier cas de sida dépisté sur son territoire à nos jours, le Bénin a déployé des forces dans la lutte contre la pandémie.
En trois décennies d’intenses activités des efforts sont fournis pour des résultats encore en deçà des attentes.
Aujourd’hui encore, le mal progresse inexorablement sur le terrain de la santé publique qu’il désaffecte à petit feu, compromettant le développement économique du pays. Selon le Programme national de lutte contre le Sida (Pnls), le nombre de personnes (adultes et enfants) infectées au Bénin par le Vih/Sida est estimé, au 31 décembre 2010, à environ 70 mille âmes. «La prévalence de l’infection se situe à 2% avec une différence significative entre le milieu urbain (2,2%) et le milieu rural (1,3%)», indique la même source qui renseigne que le diagnostic révèle une atteinte beaucoup plus importante chez les femmes dans une proportion de deux femmes pour un homme. La féminisation de l’épidémie dans le pays est donc une réalité tangible et suggère à l’évidence que les enfants soient aussi exposés à la progression du phénomène, notamment par le biais de la maternité. Il y a trois ans, l’Onusida faisait noter dans son rapport que pour l’ensemble du continent africain, «les nouveaux cas d’infection frappent particulièrement les femmes et les enfants, soit près de 1300 enfants qui y meurent chaque jour.
Sonnant l’alerte au plan national, on avertit au Pnls que «le risque d’explosion de l’épidémie persiste encore, étant entendu que la prévalence du Vih est de 26,5% parmi les travailleuses du sexe».
Pourtant, des progrès aussi minimes soient-ils ont pu être accomplis dans la lutte contre le fléau. D’abord, du point de vue des mentalités. A ce niveau, il y a une nette évolution qui fait dire que des paris ont été tenus.
Si au début, beaucoup de gens n’ont pas cru à la réalité existentielle du mal –certains sont demeurés incrédules à ce jour- désormais, c’est la minorité qui est à la remorque. Les nombreuses actions de sensibilisation en direction des populations leur ont ouvert les yeux sur les ravages que cause le sida. Aussi, des malades du Sida –ce ne sont pas les plus nombreux- ont-ils fini par sortir du bois pour témoigner. Parfois à visage découvert, parfois sous anonymat. De plus par le passé, l’immense majorité des gens pouvait se taper plusieurs partenaires sexuels tout en refusant l’usage du condom, jugé d’inhibitif.
En 1999, près de 4 Béninois sur 100 (4.10% de la population) portaient le Vih dans le sang. Aujourd’hui, le taux de prévalence est tombé et s’est stabilisé à 2%.
Manque de volonté politique et déficit institutionnel
Ensuite, du point de vue de la lutte menée à proprement parler, il y a eu aussi du succès comme en témoigne Modeste Koami Gouton, Spécialiste de plaidoyer VIH, qui travaille sur un programme international (Plaidoyer Sud) couvrant 4 pays africains (Burkina, Cameroun, RDC et Bénin) et exécuté au Bénin par CeRADIS. Notre Monsieur Plaidoyer note, en effet, que «Parmi les avancées essentielles, il y a le mérite de faire mettre en place une Coalition ARV regroupant des organisations de la société civile, le réseau des associations des personnes vivant avec le Vih en vue de la prévention des risques de rupture dans la fourniture des ARV (médicaments antirétroviraux). Il y a ensuite l’élaboration puis l’adoption d’un plan de stratégie nationale de lutte contre le Sida et les IST, lequel met l’accent sur le renforcement de la capacité d’action des acteurs en lutte contre le fléau». Et d’ajouter que «ce plan est celui qui intègre désormais les groupes à hauts risques comme les homosexuels, les prisonniers, les travailleuses du sexe et les consommateurs de stupéfiants». «Malheureusement, constat-t-il, il se pose au Bénin, un problème de leadership qui fait qu’aucun des acteurs mis ensemble ne s’est senti suffisamment intéressé par l’enjeu pour prendre le devant des actions à mener en synergie avec les principaux partenaires impliqués».
Les besoins en matière de réponse nationale au VIH/sida deviennent de plus en plus croissants au point où l’Etat ne doit pas attendre uniquement les Partenaires techniques et financiers pour mener une lutte conséquente contre la pandémie du Sida. La mise en place d’une ligne budgétaire conséquente dans le budget général de l’Etat lui permettra, selon le Dr Mireille Ahoyo, chef service gestion des stocks au Pnls, de faire résolument face au financement qui entrave l’efficacité de la réponse. L’appui des structures qui mènent la lutte contre le Vih/Sida doit être renforcé et l’Etat est tenu de prendre la mesure de la situation des malades. Car, compte tenu des besoins actuels, seuls les apports extérieurs ne suffiraient plus à faire efficacement face au mal. Sur les 62 000 personnes infectées aux Bénin seules 21000, soit le 1/3, est sous Antirétroviraux, alors que parmi le reste et selon les chiffres fournis par les responsables du Plns, 2000 cas de décès sont enregistrés par an pour faute de soins. «La clé de voute du succès qui permettra de sauver le pays du déluge reste pour les pouvoirs publics, de s’impliquer à fond comme au Burkina Faso et dans d’autres pays de la sous-région où le chef de l’Etat lui-même est celui qui indique le chemin et la marche à suivre», conseille M. Gouton, qui observe que chez-nous «le président de la République qui, depuis 6 ans est au pouvoir, en sa qualité de président du Comité national de lutte contre le Sida n’a jamais présidé la moindre réunion de ladite structure alors qu’il est le garant des politiques nationales de développement au cœur desquelles la lutte contre Vih-Sida devrait avoir une place de choix, étant plus une question de développement qu’autre chose». Dr. Mireille Ahoyo, elle, prévient que «quand le Fonds mondial de lutte contre le Sida aura pris fin, il faudra au Bénin trouver le milliard et demi de F Cfa nécessaire à l’achat des ARV distribués aux 21 mille personnes vivant avec le virus», en attendant que soient pris en charge les 2/3 restant.
Ainsi, en dépit des efforts louables consentis, notamment par la communauté des bailleurs de fonds et les progrès accomplis dans la lutte, beaucoup restent à faire et les goulots d’étranglement sont aujourd’hui plus d’ordre institutionnel et organisationnel. Et ne sont en rien liés à une quelconque faiblesse de la réceptivité des populations quant à la connaissance du phénomène et leurs comportements pour y faire face avec efficacité.
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