Quelle marge de manœuvre pour Dioncounda Traoré ?

Le discours du président de transition du Mali Dioncounda Traoré était attendu. Quatre mois après le coup de force du capitaine Sanogo, et deux mois après l’agression dont il a été victime, les observateurs étaient curieux de savoir si ce « président par défaut » allait enfin prendre « les choses en main » pour en finir avec la partition de facto du Mali. 

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Quatre mois en effet après le coup de force improvisé de Sanogo, les islamistes ont eu le temps de consolider leur emprise sur le nord et chasser les indépendantistes Touareg des principales villes que sont Tombouctou, Gao et Kidal. Pendant ce temps, le sud « utile » est en proie aux divisions de la classe politique et le premier ministre désigné, l’astro-physicien Cheick Modibo Diarra peine à prendre ses marques. Visiblement boudé par une partie de la classe politique qui parle de lui comme d’une « erreur de casting », ostracisé par les présidents de la Cedeao réticents à le reconnaître comme l’un des leurs, Cheick Modibo Diarra a surpris plus d’un à la veille du discours présidentiel par le ton guerrier de ses propos. « Non, je ne démissionnerai pas », a-t-il martelé lors d’une interview à la chaîne télévisée Africable.

C’est pourquoi Dioncounda Traoré était attendu, pour ainsi dire, au tournant. Et, il n’a pas déçu les adversaires et les partisans du Premier ministre. Les premiers ont vu dans l’annonce présidentielle de la création de nouveaux organes de transition, le signe d’une mise à la touche de Cheik Modibo Diarra. Le Haut conseil d’Etat qu’il présidera lui-même avec deux vice-présidents dont l'un sera chargé des questions de défense et de sécurité et de la gestion de la crise dans le Nord, relèguera le chef de gouvernement dans un rôle de second plan. D’autant que c’est lui-même Dioncounda et non Modibo Diarra qui mènera les consultations pour la formation du gouvernement d'union nationale. La position des seconds, qui ont les yeux rivés sur une nouvelle distribution des postes à occuper, n’est pas pour autant tranchée. Un membre du camp des partisans des putschistes a pu laisser entendre que les propositions présidentielles étaient bonnes. Mais il a aussitôt précisé qu’il fallait en discuter dans le cadre d’un forum national. Bonjour, les débats ! Mais la question qui vient à l’esprit de manière lancinante est de savoir de quelle marge de manœuvre dispose Dioncounda pour imposer cette nouvelle donne. Car les partisans du premier ministre, à commencer par le capitaine putschiste Sanogo, l’homme qui a choisi Diarra, au nom de sa virginité politique n’ont pas dit leur dernier mot. Autant dire que la partie est loin d’être gagnée par le président de la transition qui risque de trouver en face de lui,« ses ex-agresseurs »et surtout ,les partisans de la politique de la table rase qui ont soif d’en découdre avec la vieille classe politique accusée d’avoir conduit le pays au chaos. Quand on sait que leur allié principal, le capitaine Sanogo et sa soldatesque retranchée au camp de Kati à une vingtaine de kilomètres de Bamako ont toujours pignon sur rue (ils détiennent des partisans de Att prétendument impliqués dans une tentative de contre coup d’état), on peut craindre pour le consensus recherché.

Cependant, Dioncounda Traoré pourrait compter sur la mobilisation de ce qu’on appelle « la communauté internationale » apparemment très remontée contre la poussée islamiste dans le monde. Il pourrait surfer sur cette bienveillance supposée de la communauté internationale pour amener les partisans de Sanogo à composer. Mais la communauté internationale est elle-même divisée en plusieurs camps aux intérêts divergents. Entre la France qui n’a d’yeux que pour la libération de ses otages, l’Algérie qui ne dédaigne pas d’avoir éloigné les intégristes de sa frontière sud et les Etats-Unis qui pensent que les islamistes maliens ne sont pas une menace sérieuse pour la sécurité de son territoire, il faudrait un télescope ultra sensible pour trouver les points de convergence. Reste la Cedeao et ses leaders qui semblent avoir choisi le camp Dioncounda ! Mais cette Cedeao elle-même est en partie responsable de la déliquescence actuelle : Un jour, elle donne le statut d’ancien chef d’Etat à Sanogo, un autre, elle le lui retire. Un jour, elle reconnaît les pleins pouvoirs au premier ministre Diarra pour former son gouvernement. Un autre jour, c’est le président Dioncounda qui est investi des mêmes pleins pouvoirs. Alors, la marge de manoeuvre de Dioncounda semble très étroite. En tenant compte des intérêts et des réalités propres de son pays, il devrait rester sourd aux injonctions de la communauté internationale si instable qui le pousse à isoler les putschistes. Ainsi, il pourrait désigner un membre qualifié de leur camp -en dehors du fantasque capitaine Sanogo- au poste de vice président de ce haut conseil d’Etat avec pour mission de mener la guerre contre les islamistes. Il aurait ainsi les coudées franches pour former un «  gouvernement de large union, », et conduire le pays vers des élections démocratiques avec une liste électorale fiable comme le Mali et d’autres pays n’en ont jamais connu. Pourvu que les politiciens lui en laissent le temps !

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