L’odyssée d’un reporter d’élections dans l’Amérique d’Obama

Du 31 octobre au mercredi 08 novembre  dernier une trentaine de journalistes triés sur le volet dans les cinq continents ont pris part aux Etats Unis à un programme dénommé 2012 Election night program : Boston.

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Une expérience unique dont le clou aurait dû être sans conteste la soirée  électorale du 06 novembre dernier au siège de campagne du candidat malheureux Mitt Romney. Le lecteur comprendra plus loin pourquoi ça n’a pas été.

Ils étaient 25 au total dans le groupe dit de Boston auquel j’ai  eu l’insigne honneur de prendre part. Dont cinq d’Afrique,  venus de pays aussi divers par la langue que l’Algérie, le Mozambique, le Maroc, le Malawi et bien sûr le Bénin, notre pays. Les autres viennent des pays connus comme le Brésil, Singapour,  la  Thailande, (voir liste) que d’autres moins connus comme l’Estonie,  St Kitts and Nevis, minuscule île des Caraïbes, ou le lointain Bhoutan situé dans les chaînes de l’Himalaya. Seul critère exigé : être journaliste bien sûr et maitriser parfaitement la langue de Shakespeare. Deux étapes étaient prévues pour ce programme qui n’était en réalité  que l’un de ceux initiés – nous l’avons découvert à l’étape de Manchester en croisant d’autres confrères –  par le Washington Foreign Press Center, une branche du Département d’Etat américain, l’équivalent de notre ministère des Affaires étrangères : l’étape de Manchester dans l’Etat du Newhampshire un des fameux   « swing states » et celle de Boston, capitale de l’Etat du Massachussets, Etat d’origine du candidat Mitt Romney. Tout était prévu par les organisateurs du programme. Un programme dont le contenu a été mis à la disposition des participants deux semaines à l’avance. Une page facebook a même été créée où  chacun devait faire part  au besoin des difficultés  éventuelles auxquelles on serait confronté. Les Américains étant des gens très pragmatiques, aucun accueil officiel n’était prévu ni à l’aéroport ni à l’hôtel de regroupement. L’arrivée de tous les participants était prévue pour le 31 octobre. Les activités proprement dites devant commencer le jeudi 01 novembre.

L’ouragan Sandy

Mais c’était compter sans l’ouragan Sandy qui a dévasté la côte-est des Etats-Unis dont New York et la ville de New-wark dans l’Etat du New Jersey était l’épicentre. Déjà deux jours avant le 30 octobre, date du départ de Cotonou, les informations les plus alarmistes étaient diffusées en boucle sur toutes les chaînes de radio et de télévision du monde entier sur les dégâts causés par l’Ouragan dans la mer des Caraïbes. Notre vol prévu pour 00 h le 30 octobre partait de Cotonou pour Manchester via Bruxelles et New-York précisément. Les préparatifs habituels de départ se poursuivent, en l’absence d’une décision officielle d’annulation du programme. Sur les chaînes d’information,  les mauvaises nouvelles se succèdent. Une première alerte viendra d’un appel téléphonique d’un représentant de la compagnie aérienne. C’était à 11 h, alors que je me dirige  vers le Consulat d’un grand pays de l’Union Européenne pour le visa. « C’est Monsieur… m’entends-je dire par une voix masculine faisant un effort pour paraître serein et poli. Le vol sur Manchester est annulé à cause de l’orage. Je commence alors à prendre de nouvelles dispositions pour informer la famille et mes collaborateurs,  quand dix minutes exactement plus tard, la même voix m’informe que l’information donnée plus tôt ne me concerne pas, puisque dit-elle, je suis sur le vol de 19 h qui n’est pas annulé. Je refais alors demi-tour pour continuer les courses que j’avais entamées et je croyais que mes malheurs étaient définitivement terminés. Erreur. Nous sommes déjà à 17h et un autre appel venant de la même personne se présentant comme le chef d’escale de la compagnie  se fait plus précis. Le vol sur Manchester est annulé mais possibilité m’est donnée de faire escale à Bruxelles  quitte à payer moi-même l’hôtel pour un éventuel vol le lendemain. Bruxelles est une ville inconnue. Je proteste  en disant ne pas comprendre pourquoi une compagnie ayant perçu les frais de voyage ne peut pas loger un passager retenu pour des raisons indépendantes de sa volonté. Rien n’y fait et je consens à la solution de l’hôtel à mes frais. Pourtant les malheurs sont loin de prendre fin. Quand j’arrive à l’aéroport à 21 h c’est pour m’entendre dire que mon vol est annulé pour les raisons que je sais et que la compagnie ne veut pas prendre de risques. Je sors de mes gonds et exige de voir le chef d’escale qui m’a parlé  toute la journée. On me répond que je ne peux pas le voir et l’on m’envoie plutôt vers un bureau à l’étage pour voir un agent qui devrait m’expliquer les choses. C’est alors que je commence à hurler pour exiger la présence de ce chef d’escale qui dit tout et le contraire de tout. Il finit par se présenter pour se confondre en excuses pour n’avoir pas informé ses collaborateurs de mon cas. Mais réitère ses propos du matin sur l’hôtel. Ainsi suis-je autorisé à prendre le vol. A Bruxelles, tout se passe comme sur des roulettes. La compagnie de Cotonou n’a pas prévu de vol sur New York. Mais l’instant d’après, on me dirige vers une compagnie américaine partenaire qui m’enregistre en un temps deux mouvements sur le vol sur Washington. Quelqu’un aurait dû savoir tout ça à Cotonou, non ? New York ravagée par l’ouragan était certes isolée du monde mais pas l’Amérique tout entière quand même. De Washington  je reprends un autre vol sur Manchester où j’arrive tard dans la nuit du mercredi 31 octobre au-delà de minuit  (soit 06 heures du matin à Cotonou) dans l’hôtel où on m’attendait déjà, sans ma valise qui contenait tout et tout. Je ne devrais la récupérer après moult péripéties que la veille de notre départ de Manchester pour Boston.  soit quatre jours après mon arrivée

Bienvenue dans l’Etat du Newhampshire.

Le lendemain, jeudi 1er novembre, les activités proprement dites commencent. A l’appel, il manque quelques participants dont ceux de la Jamaïque et d’autres pays de l’Est  qui rejoindront le groupe deux ou trois jours plus tard. Toujours à cause de super Sandy. Les dégâts  sont énormes. La vile de New York est sous les eaux. Métro  et trafics urbains suspendus. La ville des deux anciens célèbres « twin towers »  réduits  en un tas de gravas un certain 11 septembre 2001 est de nouveau méconnaissable : l’inondation l‘a transformée en une ville fantôme où le métro et le transport urbain et aérien sont suspendus. La campagne électorale qui abordait la dernière ligne droite a été aussi suspendue… par les candidats eux-mêmes. Le président Obama est  en première ligne. Et contrairement au président Bush qui avait mis beaucoup de temps à ordonner les secours aux victimes de l’ouragan Katrina qui avait dévasté le New Orleans, il prend les devants et démontre sa capacité à gérer les situations de crise. Il venait de signer sa réélection. C’est au pas de charge que les activités se déroulent  juste le temps de prendre le petit déjeuner et le déjeuner au rythme des visites aux dignitaires des deux camps et des exposés savants sur le système électoral américain. Ainsi , les participants  se sont rendus tour à tour au States House de  Concord, la capitale de l’Etat du Newhampshire dont Manchester est l’une des plus importantes villes et à l’université de Newhampshire. C’est à Concord qu’ils assisteront deux jours avant le scrutin du 06 novembre au meeting géant  du candidat Obama dans la rue adjacente au States House. Ce jour du jeudi 1er novembre  de la découverte du système électoral américain. C’est le secrétaire d’Etat adjoint de l’Etat, David Scanlan, qui entretiendra les journalistes sur les procédures de votes et les lois en vigueur dans l’Etat. Dans l’après midi du même jour à l’université du Newhampshire, un professeur de sciences politiques  parlera des thèmes de campagne et des électeurs de l’Etat du Newhampshire.

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Vendredi 02 novembre 2012

Au programme, trois activités. la première une visite dans les faubourgs du Newhampshire à la rencontre d’un baron du parti démocrate, responsable de la collecte des fonds de campagne. L’homme, un quinquagénaire, est une sorte de gentleman campagnard qui n’a rien perdu de ses réflexes d’expert en sciences environnementales. Toute la résidence est construite en bois directement abattus dans la forêt de pins qui l’entoure. Il avait reçu en ces lieux mêmes quelques mois plutôt le président Obama  accompagné de toute sa famille dont les photos ornent le séjour. Nous avons droit à un petit déj copieux  avec des produits home made. L’entretien a été centré sur la méthode de collecte de fonds pour le parti et les chances de succès de son candidat. L ‘après midi, retour à l’université de Newhampshire à bord de deux bus qui vont nous accompagner tout au long du séjour à Manchester pour  ses deux exposés, l’un sur l’élection présidentielle et l’autre sur l’accès aux bureaux de vote et les problèmes des droits civiques « Access to voting and civil rights issues. » Nous avons la surprise d’apprendre que dans cet Etat relativement pauvre, les électeurs ne se déplacent pas par légions et la politique de certains lobbys est de faire voter tout électeur résident dans la localité muni d’une pièce d’identité ou non, inscrit ou non sur la liste électorale. Ce qui n’a pas manqué de susciter de vives discussions sur l’épineuse question de l’identification des électeurs dans les pays de démocratie récente.

Samedi 03 novembre

Journée entièrement consacrée à des visites sur les lieux de campagne électorale des deux camps. L’on découvre les similitudes et les grandes différences avec ce qui se passe sous nos cieux. On découvre que les meetings ou réunions électorales  ne se déroulent presque jamais sur la place publique, exception faite des grands meetings des candidats à l’élection présidentielle qui se tiennent souvent dans d’immenses stades ou autres enceintes publiques. Les meetings auxquels nous avons assisté se tenaient dans de petites salles qui peuvent contenir une cinquantaine de militants aidés par ce qu’on appelle ici des volunteers, sorte de bénévoles dévoués à la cause du candidat. Pas de banderoles ni d’affiches collées sur les murs des édifices publics (bâtiments ou ponts). Rien que des affichettes plantées le long des voies où se tient le meeting. L’après midi, un détour touristique dans la petite ville de Lexington tout près de Manchester, où un guide de musée en goguettes et tenue de l’époque nous a reconstitué l’histoire de la guerre d’indépendance dans la localité.

Dimanche 4 novembre : bienvenue à Boston

Avant de prendre place à l’hôtel réservé pour les participants, visite à été rendue à une « curieuse » communauté de personnes féminines du 3ème âge auto-baptisée « grandmothers for Obama ». C’est toujours dans la petite ville de Lexington, une immense maison de retraite regroupant des personnes du 3ème âge des deux sexes. Les grandmothers for Obama est une organisation de femmes volontaires qui ont choisi d’œuvrer pour la réélection du candidat Obama. Créée en 2008, elle fait partie des organisations à la base  dédiées à la campagne du candidat Obama. Elles disposent d’une base de données de tous les électeurs du 3ème âge qui ont au moins une fois de leur vie voté pour le parti démocrate. Leur travail consiste, téléphone à l’appui et avec d’autres outils de Tic, à convaincre les électeurs indécis à exercer pleinement leur droit de vote. Un fichier est régulièrement tenu par chacune de ces vénérables grand-mères sur lequel est inscrit les noms des électeurs contactés et des observations sur le sens dans lequel ira leur vote

Lundi 05 novembre veille du scrutin : géant meeting du candidat Obama  et Romney à Concord

Retour dans l’Etat du Newhampshire, le temps d’une matinée pour assister au meeting du candidat Obama. Spectacle grandiose tel qu’on le voit sur le petit écran. Sauf qu’ici c’est du « live ». Pour accéder au lieu du meeting  les journalistes doivent montrer patte blanche. Une première fouille de tout le monde avec identifications des outils de travail par les agents du célèbre Fbi et d’autres affichant sur leurs uniformes  la mention « secret agents ». Une deuxième fouille des outils est effectuée puis  vient la fouille au corps individuelle qui précède l’autorisation d’aller sur le lieu du meeting. Ce dernier vaut un article complet  en terme d’émotions et de  la fierté d’assister à un spectacle inédit. Quand le meeting proprement dit commence  avec l’annonce de l’arrivée du candidat, c’est la ruée vers les caméras pour prendre les meilleures photos. Dans la nuit du 05 novembre, c’est le tour du candidat Romney de nous accueillir dans l’immense enceinte du stade de basket ball. Auparavant, les journalistes ont fait un tour dans la faculté de droit  baptisée du nom de Kennedy dans la célèbre université de Harvard. Là, des professeurs et personnalités du monde des médias proches du Tea party nous ont entretenu sur les objectifs de ce courant  d’obédience extrême droite  du parti républicain. Débats houleux sur l’idée d’une Amérique forte, gendarme autoproclamé du monde. Flèches décochées sans fioritures à l’actuel tenant du pouvoir accusé d’avoir affaibli l’Amérique et de l’avoir ravalée au rang indigne des puissances insignifiantes. « Sommes-nous bien dans l’un des plus grands temples du savoir du monde » ? « Bien sûr »,  répond-on à la question de savoir si les enseignements ne sont pas politiquement orientés « politically  biased », mes cours sont orientés mais j’argumente et mes apprenants sont appelés à faire de même. La messe est dite. Au pays de la liberté totale, tout est permis, le droit de voter ou de ne pas voter  et celui de se plaindre de ceux qui sont élus « the right to vote or not and the right to complain… »

A suivre…

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