La dernière décision prise par la Haac de suspendre le forum de discussions d’ «Actu matin» et l’émission «A palabre» ressemble comme deux gouttes d’eau à la plainte que le Chef de l’État a envoyée à cette institution le 19 septembre par le truchement de son ministre de l'Intérieur.
Au lieu d’être une plainte, il s’agit d’une vraie injonction à une institution constitutionnelle dite de «contre pouvoir».
On en sait de plus sur ce qui fonde les dernières sanctions prises par la Haac à l’encontre de la chaîne de télévision privée Canal3. Il s’agit d’une plainte du Chef de l’État envoyée par son ministre de l’intérieur. Dans ce courrier, le Chef de l’État accuse Actu matin de véhiculer des informations de nature à menacer l’ordre public sans citer des déclarations ou des propos qui attestent son affirmation. La plainte du Chef de l’État fait aussi curieusement allusion à la demande de suspension de l’émission «Bonjour citoyen» de l’Ortb par le gouvernement. Ces éléments donnent du Chef de l’État l’image d’un président décidé à fermer un à un tous les espaces de liberté d’opinion et de contradiction. Dernière mauvaise impression que dégage cette plainte, c’est que la Haac apparaît comme une institution totalement inféodée au pouvoir. Or, la Haac est une institution constitutionnelle, indépendante qui ne devrait recevoir ses ordres d’aucune autre. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on la cité parmi les institutions de contre-pouvoir. Normalement, tout citoyen, fut-il le Chef de l’État, devrait se conformer à ses règles à savoir envoyer une plainte qui est étudiée avec la possibilité donnée à la victime de se défendre. Mais dans sa plainte, le Chef de l’État s’est mis à donner des injonctions comme si la Haac était un ministère de son gouvernement. Malheureusement, la Haac l’a suivi point par point, en faisant un grand plaisir au Chef de l’État visiblement très allergique à la contradiction.
La lettre de Yayi à la Haac
République du Bénin Cotonou, le 19 septembre 2012
Présidence de la République
Le Président
Réf N ° 834 /PR/CAB/ SP- e
A Monsieur le Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication
Objet:Demande de sanctions à l’encontre de Canal 3 et autres organes de presse
Monsieur le Président,
A l’issue de sa plénière du mercredi 05 septembre 2012, la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC), après avoir analysé le traitement de l’information par certains organes de presse, traitement fait de dérives graves et de dérapages sur fond d’injures, de diffamations, d’informations sans preuve, d’intoxication et d’offense au Chef de l’Etat, a rendu publique une déclaration solennelle en vue de mettre un terme à ces déviances.
Si le contenu de cette déclaration me paraît pertinent, salutaire et responsable, force est de constater qu’il n’est malheureusement pas suivi d’effets immédiats dans sa mise en œuvre.
Ainsi, l’on continue d’assister au quotidien à son non respect.
A titre d’exemples, la chaîne de télévision Canal 3 continue de produire et de diffuser impunément des émissions qui portent atteinte à l’ordre public, à l’éthique et à la déontologie en matière de l’information en recevant sur ses plateaux des invités dont les propos sont contraires au contenu de votre déclaration.
En effet, le dimanche 16 septembre 2012, au cours de l’émission «Sous l’Arbre à Palabres »Ies invités ont consacré l’essentiel de leurs interventions à stigmatiser des confessions religieuses sur la base d’informations sans preuves concernant le dossier relatif à la construction et à l’exploitation du Port Sec de Tori.
‘Le mardi 18 septembre 2012, cette même chaîne ,a servi de relais à la diffusion de la conférence de ,presse de Maître Lionel AGBO au cours de laquelle l’intéressé a particulièrement accusé les membres du cabinet du Président de la République de corruption, de détournement et d’enrichissement illicite au su du Chef de l’Etat et de lui-même selon ses propres déclarations. Il s’agit là manifestement d’affirmations graves, mensongères et d’offense au Chef de l’Etat ainsi qu’à ses collaborateurs en vertu des lois :
• n° 60-12 du 30 juin 1 960 sur la liberté de la Presse
• n» 97-010 du 20 août 1997 portant libéralisation de l’espace audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication audiovisuelle en République du Bénin,
•et du Code d’éthique et de, déontologie en matière d’information.
Dans le même ordre d’idées, l’émission «Actu Matin» continue, de véhiculer des informations de nature à menacer l’ordre public à, travers des propos haineux, tendancieux et séditieux visant à compromettre l’unité et la cohésion nationale.
En revanche, cette chaîne se refuse à accorder Ie même accès à ses organes aux personnes qui soutiennent l’action du gouvernement.
Au regard de tout ce qui précède, je vous invite à :
1- prendre des sanctions à l’encontre de la chaîne de Télévision Canal 3 pour diffusion de la Conférence de presse sus-citée conformément à la loi organique n°92-021 du 211août 1992 relative à la Haac , la loi n°97-010 du 20 août 1997 citée plus haut et le Code d’éthique et déontologie en matière de l’information.,
2- suspendre pour trouble à l’ordre public, dont l’appréciation relève de la compétence du gouvernement, les émissions «Sous l’Arbre à Palabres» et «Actu Matin» qui présentent tous les risques de fragilisation de la cohésion nationale comparables aux émissions. de radio africaine appelée «Mille Collines» de triste mémoire.
Une telle décision mettrait la HAAC en cohérence avec ses décisions antérieures notamment la décision n° 08-001/HAAC du 04 janvier 2008 portant suspension de l’émission «Ma part de vérité» sur la chaîne Golf TV.
Etant donné qu’il s’agit d’une question sensible de trouble à l’ordre public, l’absence d’une prompte réaction de votre part m’obligerait à prendre les mesures appropriées pour garantir l’ordre, la tranquillité et la sécurité de notre peuple. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons que le gouvernement avait déjà été amené à faire cesser l’émission «Bonjour Citoyen» sur la Chaîne de Télévision nationale ORTB.
Par ailleurs, les mêmes mesures devront s’adresser à toutes émissions radiodiffusées, télévisées et de presse écrite-qui sont de nature à ternir l’image des institutions de la République, du Président de la République et à semer la haine et la discorde au sein de nos concitoyens.
En espérant que votre institution mesurera la gravité de la situation et l’urgence que requiert la suite à réserver à ma correspondance, je vous prie de recevoir l’expression de ma considération distinguée.
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