Elections décanales à l’Université d’Abomey-Calavi : entre anomalies et irrégularités

Le processus démocratique de désignation des nouveaux Doyens, Directeurs, vice-Doyens et Directeurs adjoints des établissements de formation et de recherche de l’Uac lancé depuis plusieurs semaines est entaché de plusieurs irrégularités. De nouvelles mesures ministérielles non conformes aux dispositions en vigueur suscitent des remous.

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Des risques planent. De très forts risques d’irrégularité planent sur le processus électoral devant aboutir au soir du 27 décembre prochain à la désignation des futurs Doyens, Directeurs, vice-Doyens et Directeurs adjoints des établissements de formation et de recherche de l’Université d’Abomey-Calavi. Et le grand vent de contestation qui pointe déjà à l’horizon, pourrait mettre un coup de frein regrettable à la longue marche de démocratisation entamée depuis peu dans les Universités nationales du pays. Des modifications nouvelles, en effet, apportées par des Arrêtés ministériels aux dispositions régissant les élections décanales alors que le processus était déjà enclenché, provoquent des remous. Le Recteur a en effet, le 12 novembre 2012, par Arrêté n°039-12/UAC/SG/SA sur la base de l’Arrêté ministériel n°2009-023/MESRS/CAB/DC/SGM/DRH/SP-C du 10 novembre 2009, lancé le processus électoral en fixant le calendrier du déroulement.  Mais quelques jours après, précisément les 19 et 20 novembre dernier, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a pris deux nouveaux Arrêtés. Le premier de n°2012-624/MESRS/DC/SGM/DRFM/DRH/R-UAC/R-UP/SA en date du 19 novembre 2012 est relatif à la règlementation de l’élection et le second, lui, fixe le calendrier de son déroulement. Ces deux Arrêtés ministériels qui apportent des dispositions nouvelles, viennent ainsi changer les règles du jeu alors que le processus est en cours. Ne dit-on pas pourtant, qu’on ne change pas les règles du jeu au cours du jeu ?

Si la prise d’Arrêtés modifiant les règles de jeu au cours du jeu est une irrégularité évidente, certaines dispositions des Arrêtés sont entachées de plusieurs anomalies qui remettent en cause la nature démocratique du processus.

 

Anomalies et restrictions trop contraignantes

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Le délai de l’installation de la Commission universitaire de supervision des élections est la première anomalie. Le délai de 35 jours au plus tard avant la date du scrutin pour l’installation de la Commission universitaire de supervision des élections n’a pas été respecté. La Commission a été installée le 28 novembre alors que les élections sont prévues pour le 27 décembre prochain, c’est-à-dire moins de 35 jours pourtant requis par l’Arrêté ministériel n°2012-624/MESRS/DC/SGM/DRFM/DRH/R-UAC/R-UP/SA du 19 novembre 2012 notamment en ses articles 16 et 17. La contradiction entre le calendrier de déroulement des élections établi par le Recteur et celui institué par l’Arrêté ministériel n°2012-627/MESRS/DC/SGM/DRFM/DRH/R-UAC/R-UP/SA du 20 novembre est l’autre anomalie notable.

En plus des anomalies, l’arrêté ministériel du 19 novembre comporte des restrictions qu’on pourrait qualifier de trop contraignantes du fait du milieu d’application. L’article 20 de cet Arrêté fait en effet, état d’élections à scrutin de liste à deux tours. Avec cet article, en plus des restrictions traditionnelles liées à la qualification et au grade, le professeur titulaire, désireux d’être Doyen ou Directeur et remplissant toutes les conditions de grade, d’ancienneté et de rattachement administratif dans son entité doit trouver un autre volontaire, candidat au 2nd poste avant de voir sa candidature validée. Encore que l’acolyte devra aussi remplir les conditions d’éligibilité. Ce qui n’est aisé que dans les partis politiques où les gens sont regroupés par affinité. Cette disposition très restrictive suscite des interrogations et de débats chez les observateurs avertis des questions juridictionnelles. Si ces derniers ne comprennent pas pourquoi un enseignant candidat au poste de Doyen ou de Directeur devrait-il être obligé de trouver un autre candidat au poste de vice-Doyen ou de Directeur-adjoint pour valider sa propre candidature, ils pensent que cette disposition porte atteinte à la liberté alors garantie par la Constitution du 11 décembre 1990. Car la décision de se porter candidat est personnelle.

Liste unique et recul démocratique

Cette disposition de scrutin de liste est, dans plusieurs établissements de formation et de recherche des universités nationales du Bénin, à l’origine du phénomène très regrettable de liste unique. Une situation qui, au vu du nombre important de dossiers de candidature enregistré, pourrait justifier les soupçons de manipulation et de textes «taillés sur mesures». Faut-il encore le préciser, cette disposition fait déjà l’objet de plusieurs contestations qui se font de plus en plus vives. A la Faculté des sciences de la santé par exemple, le Conseil facultaire a manifesté clairement son refus de s’engager dans le processus électoral même si au finish, une liste unique qui serait celui d’un dissident est retenue. Les dernières informations recueillies quant à cette liste font état de stratégies de boycott qui seraient en train d’être peaufinées. Le Professeur Joël Aïvo a quant à lui, déposé auprès de la Haute juridiction qu’est la Cour Constitutionnelle, un recours contre l’arrêté ministériel pour inconstitutionnalité (Elections décanales à l’université : recours en inconstitutionnalité de Joël Aivo contre le ministre de l’enseignement supérieur).

En 2006, de pareilles contestations de dispositions similaires avaient provoqué le refus de certains conseils facultaires de s’engager dans le processus électoral. Ce qui avait conduit à la prise d’arrêté pour proroger le mandat des Doyens, Directeurs, vice-Doyens et Directeurs-adjoints avec pour conséquence le report des élections décanales de janvier 2006. On se demande alors jusqu’où conduiront les nouvelles contestations.

Les uns et les autres sont donc appelés à jouer leur partition afin que soient solutionnées ces irrégularités et qu’on évite les malheureuses conséquences qui en découlent ; les mêmes causes produisant les mêmes effets. Et que le processus de démocratisation enclenché dans les universités nationales du Bénin ne prenne un coup.

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