Couacs de la lutte contre la corruption et implication des héritiers : la part de la loi et celle de la constitution

Lorsqu’un mal sévit toujours en dépit des incriminations à son encontre ; lorsqu’il a atteint toutes les ramifications de la société et que le bon exemple n’a plus sa place dans l’arène ; 

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lorsque le mal tend à se banaliser de manière à n’avoir cure autant de la contrition que de l’opprobre, alors il convient de se poser la question de l’efficacité de la lutte que mènent les Autorités pour le subjuguer ; efficacité tant en termes d’instruments que de stratégies.

Peut-être conviendrait-il de s’armer de la perspicacité et du courage nécessaires pour descendre jusqu’aux profondeurs et  se poser des questions qui peuvent déranger, il est vrai : la lutte qu’a engagée le Chef de l’Etat contre la corruption et autres infractions connexes, est-elle en parfaite symbiose avec les dispositions de notre Constitution afférentes à la répression des infractions commises par une catégorie de citoyens ; cette lutte n’est-elle pas à certains égards prisonnière de la Constitution ; la justice qui doit sanctionner le mal n’est-elle pas, elle-même, devenue prisonnière discursivement ? Ce sont des questionnements qui jettent effectivement le trouble dans les esprits. Mais peut-être devrions-nous commencer par recadrer le mal dans l’esprit du citoyen ordinaire.

La part de la loi et la banalisation des délits économiques

A sa lecture, la loi portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes fait bien la différence entre la corruption et le détournement mais son intitulé ne fait pas ressortir nettement cette différence à l’esprit du citoyen ordinaire. Les ‘’autres infractions connexes’’ ne parlent pas à son entendement : il n’y voit pas à priori le détournement de deniers publics qui l’intéresse au plus haut point ; d’où l’amalgame des deux délits voire de tous les délits économiques que l’on constate lorsque l’on discute avec l’homme de la rue. En raison de cette situation, la corruption est devenue terme sibyllin et générique de toutes malversations dans l’esprit du profane alors que dans la perspective sémantique, elle ne devrait désigner que l’action de soudoyer ; d’assurer le concours d’une tierce personne à prix d’argent. Si l’on utilise le terme à bon escient, l’on ne devrait donc parler de corruption, que lorsqu’il y a un service à rendre. Or tous les délits économiques n’impliquent pas le service. Utiliser le terme corruption pour toutes sortes d’infractions à caractère économique, même des fois dans le vocabulaire officiel, banalise donc les délits et singulièrement le détournement de deniers publics. Devenu ainsi générique par abus de langage le terme jette un flou éthéré sur les malversations en général et donne l’impression de diluer et d’amoindrir les responsabilités. Le substantif spécifique détournement a l’avantage de frapper les esprits parce qu’évocateur et significatif du délit commis. Au demeurant il individualise et responsabilise clairement son auteur aux yeux du profane. 

Hormis toutes ces considérations, l’essentiel n’est-il pas que le public s’y retrouve. Qu’il comprenne que c’est effectivement par abus de langage que le détournement de deniers publics, la plus haute malversation qui soit, est devenu corruption et que l’acte demeure fondamentalement un vol qu’il soit perpétré par un col blanc ou un col bleu ; une haute personnalité en boubou d’apparat ou costume et cravate impeccables ou qu’il le soit par le sans emploi du coin. Il y en a vraiment ras le bol de cette gangrène et l’on ne peut continuer de la subir ainsi. La lutte que mène le Chef de l’Etat et les institutions spécialisées peine à avoir raison du phénomène. Alors que finir par faire ?

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La part des sanctions pénales et leurs limites : la   non implication des héritiers

La loi portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes    s’articule autour de deux éléments en termes de répression: la peine d’emprisonnement et l’amende. Or de nos jours, force est reconnaître que  l’enfermement ne dérange plus le criminel ; quant à l’amende qui prescrit de payer généralement mais non exclusivement, le triple de la valeur des sommes demandées sans qu’elle ne soit jamais au- dessous d’un seuil défini, le criminel peut toujours arguer de ne pouvoir jamais la payer et rester les bras croisés : elle est donc aléatoire tout compte fait. Par ailleurs nous estimons que la loi n’a pu et ne pouvait trouver la bonne parade à la corruption rampante, lancinante et quotidienne des agents publics nationaux que ce soit dans les bureaux ou sur les routes ; et pour cause : la preuve, sauf cas de flagrant délit, n’est pas aisée à constituer. Au demeurant, il nous apparait qu’en dernière analyse, le problème de la corruption des agents de l’Etat ne peut trouver une solution convenable qu’avec la restauration dans l’administration du leadership d’antan qui de nos jours fait cruellement défaut et qui entraîne l’insubordination et le laxisme généralisés ; cela d’autant que rien n’est prévu pour permettre à l’usager de porter son appréciation sur les services qui lui sont rendus vaille que vaille et permettre de situer les responsabilités mais aussi de sanctionner, le cas échéant.

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Pour ce qui est des délits portant sur des montants élevés, peut-être devrait-on déjà revisiter les sanctions pénales prescrites par la loi. De notre point de vue, elles devraient être d’une sévérité radicale si l’on veut vraiment lutter efficacement contre le fléau en frappant là où ça peut vraiment faire mal: faire restituer par l’accusé, sans préjudice de la sanction pénale prévue par la loi, mais aussi le cas échéant, par les héritiers, l’intégralité de la somme détournée. En clair cela signifie que lorsque quelqu’un décide de commettre un délit de corruption et de détournement, il devrait avoir à l’esprit que ce faisant il implique sa famille ; il devrait être conscient du fait que s’il ne pouvait payer l’amende que la loi lui infligera, ses enfants devront y suppléer. L’on peut être moralement certain que lorsque la progéniture du potentiel délinquant sera ainsi amenée dans la danse, la chanson changera de ton. Et si pour une raison ou une autre cela ne pouvait se passer ainsi, il faudra alors envisager la saisie de tous les avoirs et biens immeubles de l’accusé pour être vendus et les résultats des ventes récupérés jusqu’à hauteur de la somme détournée ; à charge pour les héritiers de compléter lesdits résultats si d’aventure ils n’atteignent pas la somme détournée. Avec de telles dispositions opposables à tout délinquant dans le secteur public comme dans le secteur privé, l’on réfléchira à deux fois avant de détourner l’argent public ; les malversations reculeront à n’en pas douter : c’est, à tout le moins, notre conviction de profane certes mais de citoyen. Nous nous excusons toutefois auprès de ceux que, notamment les privatistes, nos propositions pourraient choquer au prime abord en raison, nous en convenons, de leur brutalité ; mais l’on a jusqu’alors trop fait dans la dentelle avec les spoliateurs du peuple. La seule prison était en fait complice de la corruption et du détournement de deniers publics. La prison assortie d’une amende ainsi que le prévoit la loi est justice mais le paiement de l’amende demeure aléatoire. Ce qui intéresse en réalité le peuple qui réalise maintenant, mieux que par le passé, les conséquences ravageuses de la corruption et des détournements de deniers publics sur son bien-être, ce n’est plus la prison pour les malfaiteurs mais la restitution coûte que coûte de ce qu’ils ont pris dans les caisses de l’Etat.

Peut-être aurons-nous quelque profit à suivre de près la récente initiative du gouvernement sénégalais qui, au demeurant comprend un ministère de la bonne gouvernance, visant à négocier avec les nombreux auteurs de détournements de sommes faramineuses et défiant tout entendement, sous l’ancien régime. Il leur est proposé de restituer 80% des sommes qu’ils ont détournées contre l’assurance de la grâce présidentielle en temps opportun. Il est vrai que la rue se demande pourquoi seulement 80%

L’esprit de la lutte contre la corruption et la constitution : le cas spécifique des membres du gouvernement

Maintenant que les rideaux sont tombés sur les débats à l’Assemblée Nationale ayant permis aux Honorables députés de se prononcer sur la poursuite d’anciens ministres soupçonnés de ‘’corruption ‘’, l’on pourrait discuter des problèmes que posent cette procédure de manière sereine. Il convient de reconnaître avant tout que c’est une grande fierté pour notre pays de proclamer ainsi à la face du monde, la détermination du Chef de l’Etat et des Honorables députés à lutter contre la corruption et autres infractions connexes qui érodent et sapent, on ne peut plus durement, le développement du pays. Les chiffres sont éloquents et parlent d’eux-mêmes : l’on nous a appris tout récemment qu’il se pourrait que ce soit 15% des richesses nationales qui font l’objet de corruption et de détournements dans notre pays : le chiffre reste à vérifier toutefois.Cet élément ajouté à d’autres plombe tout effort du Gouvernement pour avoir raison de la pauvreté d’autant que la linéaire et trop forte pression démographique s’y mêle et que, selon les déclarations officielles, le taux de croissance prévu pour 2013 aura du mal à atteindre l’objectif des 7% nécessaires pour amorcer une lutte efficace contre la pauvreté. Il est évident que de tous ces paramètres, celui qui mortifie le peuple et qu’il ne peut plus supporter c’est l’appropriation délictuelle des biens qu’il a produits par ceux à qui il en a confié la gestion. Et ne voilà t-il pas que, sous l’arbre à palabres, le profane se mit à discuter de la question avec le jeune professionnel du droit ? Les interrogations fusèrent ainsi qu’il suit :

Pourquoi une juridiction spéciale pour juger les anciens ministres?

Point n’est besoin d’aller chercher bien loin, lui répond le jeune juriste en toute certitude : il n’y a qu’à se référer à la Constitution en son article 136 qui dispose : la Haute Cour de justice est compétente pour juger les membres du gouvernement coupables d’infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Pour être complet, poursuivit-il, je précise qu’outre le fait qu’ils sont jugés par une juridiction spéciale, leur mise en accusation est sujette à une procédure bien particulière : l’autorisation préalable de l’Assemblée nationale à la majorité qualifiée des 2/3 de ses membres. En d’autres termes, si son autorisation n’est pas requise, il n’y aura ni poursuite ni procès. C’est ainsi, conclut déjà notre juriste.

Cette réponse, on ne peut plus cinglante devrait en effet tuer et clore le débat. Mais après un temps de silence qui traduit tout à la fois décontenance et perplexité, le profane rassembla ses esprits et attaqua avec ses incertitudes : vous avez dit une juridiction particulière et une procédure spéciale pour les ministres sur la sellette; et pourquoi donc serait-ce ainsi? Mais je viens de vous dire que c’est ce que prescrit la Constitution répondit l’interlocuteur quelque peu agacé. Obstiné, le profane chercha tout de même à poursuivre la discussion en lui demandant ce qu’il en pensait personnellement. Alors la perplexité changea de camp ; le professionnel ne s’en était sorti qu’en s’agrippant fermement à la Constitution. Vous comprenez que la Constitution est la loi fondamentale de notre pays à laquelle on ne peut pas toucher n’importe comment ; je suis juriste et ne peux dire que le droit conclut-il sèchement.

Alors, rétorqua le profane un tantinet indigné: Vous rendez-vous compte qu’en soustrayant les anciens ministres coupables d’infractions dans l’exercice de leurs fonctions, aux juridictions de droit commun, vous ouvrez la voie à une justice à deux vitesses : l’une pour les citoyens ordinaires, l’autre pour les ministres quand bien même ils auraient commis un délit de même nature ? Est-ce qu’un crime, en l’occurrence le vol, change de nature selon qu’il est commis par un citoyen ordinaire ou par un ministre de la République ? N’est-ce pas alors que la Constitution semble demander que ce dernier soit traité avec la délicatesse et les honneurs dus à son rang au moment où il s’appropriait les biens du peuple que celui-ci a acquis à la sueur de son front ; est-ce bien cela monsieur le juriste? 

Le professionnel dans un geste large d’avocat cherchant à intimider son vis-à-vis leva le bras en retroussant sa manche et dit : Oh ! là là ; Attendez, attendez…. Cet ‘’ attendez’’ qui signifie toujours que l’on craint de perdre la partie et que l’on cherche à recentrer le débat à son avantage. Il ne s’agit tout de même pas de n’importe qui : il s’agit de membres du gouvernement ; de personnalités nommées par le Chef de l’Etat lui-même ; on ne peut quand même pas les traiter comme les derniers venus, voyons cher ami. Le profane ricana ; il comprit que l’argumentation de son vis-à-vis ne tenait plus la route et il asséna malicieusement : vous n’allez quand même pas me dire que le Chef de l’Etat a nommé des collaborateurs pour spolier le peuple et ruiner le pays d’autant que c’est lui-même qui a entamé la procédure de poursuite en justice à leur encontre.

 Mais le juriste revint à la barre : je vous apprends, au cas où vous ne le sauriez pas, que la Haute Cour de justice est aussi compétente pour juger le Président de la République. Vous n’allez quand même pas demander qu’un Chef d’Etat soit jugé par une juridiction de droit commun ; vous convenez avec moi qu’il ne peut être jugé que par la Haute cour de justice ; mais alors enchaîna t-il, si vous en convenez pourquoi ne comprenez-vous donc pas que la même Cour connaisse des délits de toute l’ équipe dont il est responsable ; c’est logique tout de même. Le juriste venait peut-être de marquer un point sur le fil.

Le profane rebondit cependant : Votre raisonnement a du mordant certes, mais je n’ai jamais dit qu’il fallait que le Chef de l’Etat soit jugé par une juridiction de droit commun. Bien au contraire il me parait  judicieux de dissocier, en la matière, son cas de celui de ses ministres : c’est lui qui les a nommés et ils n’ont pas mérité de sa confiance aussi ne serait-il ni séant ni juste qu’il se retrouve devant la même juridiction qu’eux, le cas échéant. Que ce soit une Haute Cour de justice qui juge le Président de la République ne me dérange en rien et ne choque point mon entendement ; même que cette Cour comprenne des hommes politiques ne me gêne pas non plus. Le Chef de l’Etat est une institution politique élue au suffrage universel direct ; une institution qui émane du peuple et le peuple est fondé à participer à son jugement. Juriste et profane s’étaient apparemment neutralisés : l’on pouvait estimer, avec quelque condescendance pour notre juriste il est vrai, qu’ils avaient tous les deux gagné chacun une manche : il fallait la belle.

Pourquoi une procédure spéciale?

 Le profane s’étant rendu compte qu’il avait tout de même réussi à refroidir les ardeurs de son interlocuteur enfonça le clou. Vous m’avez dit au début de nos échanges que l’Assemblée nationale devait donner son autorisation préalable à toute poursuite de ministres. Est-ce toujours dans la logique des honneurs ou est-ce affaire d’immunité à lever ? Le juriste  répondit avec grande assurance qu’il ne s’agit point d’immunité ; seuls les membres de l’Assemblée nationale jouissent de l’immunité parlementaire conformément aux dispositions de l’article 90 de la Constitution. Ah ! Je vous remercie pour la précision mais cela, je le savais déjà monsieur le juriste ; je voulais seulement vous le faire dire et vous signifier par la même occasion que je ne m’explique pas d’autant l’interférence de l’Assemblée nationale, une entité éminemment politique dans une affaire qui relève du domaine juridique.

De plus vous devriez convenir avec moi que  la procédure est dangereuse et contre productive en termes de stratégie de lutte contre la ‘’corruption ‘’. En effet le risque est réel et, on ne peut plus grand, que les présumés coupables fassent pression de mille manières sur les députés afin que la majorité qualifiée des 2/3 ne soit pas atteinte ; cela n’est point hypothèse d’école. Une corruption au bout d’une autre corruption ! L’emballement.

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Bien calé sur ses appuis et se sentant en confiance, le profane poursuivit. Ne trouvez-vous pas monsieur le juriste que ce passage obligé par l’Assemblée Nationale, mélange les genres et porte gravement atteinte au principe sacro-saint en régime démocratique de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire ? L’impression est forte qu’il s’agit d’une première instruction de facto puisqu’une commission, celle des lois, étudie les dossiers en bonne et due forme ; y porte un avis qu’elle soumet à la plénière de l’Assemblée avec ses recommandations. Ne pensez- vous pas que cette étape a tout d’une procédure judiciaire menée par des hommes politiques ? Au demeurant poursuivit le profane : j’ai entendu, me croyant dans le prétoire, de vibrants plaidoyers en faveur de certains présumés coupables. J’ai entendu d’autres Honorables nous dire qu’ils autorisaient leur poursuite pour qu’ils aillent défendre leur innocence et leur honneur devant la Haute Cour de justice. Pour qui sait lire entre les lignes, ce n’était là rien d’autre qu’une manière habile de les défendre ou de se débarrasser du sujet tout en préservant ses arrières politiques devant l’électeur qui surveille la position de son élu : toutes manœuvres susceptibles d’influencer les jugements autant des citoyens que même des juges. Et le profane de poursuivre : le comble, ce fut lorsque la politique s’en était complètement mêlée. Comment pouvait-il en être autrement : il s’agit de l’institution la plus politique de la Nation à qui la Constitution demande pratiquement de faire œuvre juridique en l’occurrence. Alors que n’ai-je pas entendu ! Les débats ont été traités de mascarade, de grimace, de pipeau ; et l’on nous a avertis que tout cela n’aboutira à rien. Honnêtement, quand bien même le penserait-on légitimement, sont-ce là bonnes manière et matière à encourager le peuple à avoir foi en la lutte contre la corruption puisque c’est bien de cela qu’il s’agit en la circonstance ? Mais, à vrai dire, c’est la Constitution qui aura permis ce genre de chose et l’on ne peut rien reprocher aux hommes politiques que sont les députés de saisir l’occasion pour exprimer des opinions politiques sur une affaire qui leur est soumise quand bien même relèverait-il du droit.

En tout état de cause, poursuivit le profane sur sa lancée, l’impression est nette que l’Assemblée Nationale, non seulement empiète sur le judiciaire mais encore le soumet proprement puisqu’il lui suffit de ne pas autoriser la poursuite pour qu’il n’y ait plus mise en accusation ; empêchant ainsi la justice de connaître des dossiers et de faire son travail. Dans tel cas de figure, il n’y aurait plus ni charge, ni procès conséquemment. Est-ce bien cela, monsieur le juriste ? Celui-ci acquiesça par un hochement de tête de haut en bas et conclut : Eh bien ! C’est comme ça. Mais le malaise était perceptible. Le profane quant à lui resta bouche bée et yeux hagards en direction du vide comme pour l’interroger. Estomaqué par la réponse de son vis-à-vis, il intériorisa le reste de ses questionnements et se tut du silence de la stupeur mais aussi de la désapprobation intégrale. Ses derniers mots furent : Comment est-ce possible tout de même ; comme si de rien n’a été ? Et les deux amis de quelques heures de discussions se séparèrent chacun avec ses doutes plutôt qu’avec ses convictions.

La voix du peuple?

Peut-être les constitutionalistes et autres publicistes devraient-ils prêter l’oreille aux propos du profane car au travers de ses préoccupations et de ses doutes, c’est peut-être la voix du peuple qui s’exprime ainsi. Il convient de rappeler qu’au moment où la Constitution avait été rédigée, les rédacteurs étaient à juste titre plutôt préoccupés par les problèmes de paix politique et de structures administratives ; de plus, la corruption n’avait pas pris cette dimension que nous lui connaissons aujourd’hui ; la population n’avait pas non plus claire idée des répercussions des détournements de deniers publics et de la corruption sur le développement du pays et partant sur son bien-être. Les choses ont bien changé depuis lors à telle enseigne que nous n’hésiterions pas en ce qui nous concerne à suggérer, outre les propositions de sanctions faites supra, que la lutte contre la corruption soit mentionnée dans le préambule de notre Constitution de même manière que nous avions déjà proposé que le bien-être social y figure. L’occasion faisant le larron, nous rappelons que nous avions aussi proposé que dans notre devise le terme fraternité soit remplacé par celui de solidarité ; et tout cela pour cause Que les constitutionnalistes et autres publicistes ne viennent pas nous dire que ce serait encombrer inutilement la Constitution. Avec tout le respect que je dois à leur charge, nous pensons qu’ils ne colleront plus aux réalités des temps nouveaux et qu’ils manqueront le train. De nos jours la fraternité ne signifie plus rien en termes politiques ; elle ne construit pas un pays ; c’est la solidarité qui le construit. La lutte contre la corruption a obtenu l’adhésion massive du peuple qui en a fait une condition sine qua non de bonne gouvernance : elle a sa place dans la Constitution. Quant au bien-être social que nous prônons et qui n’a pas commune mesure avec l’hypothétique « garantie à l’égal accès à la santé» dont fait mention l’article 8 de la Constitution, il est tout simplement la finalité de toutes politiques publiques et ne mérite rien moins que de figurer dans la loi fondamentale de notre pays. Le citoyen a droit au bien-être social; l’Etat se doit de le lui procurer: c’est un devoir d’Etat. Ce sont là les nouveaux pivots de notre développement.

Au reste, nous pensons toujours que lorsque l’on veut lutter contre un fléau social à dimension nationale, il sied d’appuyer les dispositifs juridiques par des manifestations de masse : c’est un processus discursif qui s’impose. Et la meilleure manifestation de masse en l’occurrence, ne pourrait-elle être une journée nationale de lutte contre la corruption et le détournement au même titre que nous avons déjà suggéré l’instauration d’une journée de lutte contre la pauvreté? Au moins ces thèmes, corruption et pauvreté, en raison de leur gravité, ne seront point prétextes à danser.

Ambassadeur Candide Ahouansou
Président du Groupe d’Actions pour une Meilleure Qualité de Vie  (GAMQV)

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