Extinction progressive de l’opposition : une menace grave pour la démocratie béninoise

Depuis 2006, l’opposition se réduit au Bénin comme une peau de chagrin. Tel un sorcier, l’opposant est fui, menacé, persécuté. A défaut de l’étouffer professionnellement et financièrement, on le diabolise. Seuls quelques téméraires s’y hasardent.

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Le grand nombre s’aligne à l’idéologie du changement, même s’il reste « opposant » dans son cœur. «  Chez nous dans l’Atacora, on a fini avec l’opposition depuis. Tout le monde est avec Boni Yayi ». Cette phrase a été dite par Modeste Kérékou, le lundi dernier à Malanville, lors de la marche organisée par Issa Salifou pour proclamer son allégeance à Boni Yayi dans cette ville. L’ancien député de la 4è législature, membre du bureau politique de l’Union pour la relève (Upr) louait ainsi les efforts de son ami pour s’affranchir de l’opposition. On se rappelle, quelques mois auparavant, au cours d’une marche de soutien au Chef de l’Etat à Ouaké, un des conseillers communaux avait déclaré publiquement  « qu’il se réjouit parce qu’il n’y a pas d’opposition à Ouaké ». Il y a quelques jours, le commissaire Alfred Sohou venu pleurnicher à la télévision pour son éviction du grade de général de police avait aussi lâché : « c’est vrai je suis de la vallée de l’Ouémé, mais je ne suis pas opposant ». Aussi loin que nous pouvons poursuivre notre curiosité, on se rappelle de la phrase assez bouffonne du Roi de Savalou, Tossoh Gbaguidi, qui a déclaré assez impudiquement : « je ne veux pas être opposant parce que je ne veux pas maigrir ». Mais comment en est-on arrivé à ce degré de pourrissement et de recul démocratique, au point qu’un opposant soit considéré comme un paria ? Depuis 2006 en effet, on a assisté à une diabolisation systématique de l’opposant. C’est l’homme qui « bloque » les projets de développement.

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C’est le conspirateur contre la République. Quand ça ne marche pas, c’est lui qui bloque ou qui sabote le pays à l’extérieur.  C’est aussi lui qui paie les syndicalistes pour se rebeller contre le gouvernement. Tout ce qui est mauvais dans la République est associé à l’opposant.  S’il ose critiquer un peu le gouvernement, il est sûr d’être pris à partie par « les jeunes turcs », les  chiens de garde de Boni Yayi. Une campagne de diabolisation est organisée à son endroit. On cherche à lui opposer les casseroles de sa gestion antérieure. Sous Boni Yayi l’opposant n’est pas le bienvenu. Le pouvoir met également tout en œuvre pour l’étouffer financièrement, en sabotant ses affaires ou sa carrière. Pour éviter tout ça, beaucoup d’opposants se sont rendus à Boni Yayi. Depuis la dernière élection présidentielle, près d’une dizaine d’hommes politiques se sont rendus au palais où ils ont proclamé leur allégeance au Chef de l’Etat. On peut citer, entre autres, Lehady Soglo et le bureau politique de la Rb, Dansou Dossa et le parti Marche, les honorables Edmond Agoua, Cyriaque Domingo qui avait affirmé à sa sortie d’audience qu’il ne voulait pas que les projets de développement soient bloqués dans son « Houéyogbé » natal, et que c’est pour cela qu’il a décidé de rejoindre Boni Yayi. Il y a aussi les honorables Valentin Houdé et Venance Gnigla, Antoine Dayori, Issa Salifou et beaucoup d’autres. Tous étaient des anciens caciques de l’opposition reconvertis en « mouvanciers ».

Vers l’unanimité parlementaire

Au parlement, seule une poignée de députés, dix au total sur les 83, se réclament être de l’opposition. Ce sont les plus téméraires. Le Prd, bien que de l’opposition, a modéré sérieusement sa position. Les rares opposants sont également obligés de s’arrimer aux députés de la majorité, pour quémander quelques avantages. Ils sont obligés de défendre le fait qu’on laisse de côté le principe de la proportionnalité pour bénéficier des postes et pour avoir une présence forte dans certaines institutions.  C’est désormais la notion  de la parité qui est agitée. Ce qui est une preuve que l’opposition  est en train de disparaître dans le pays.

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C’est la notion de parité qui a guidé la constitution du Cos-Lépi où, malgré ses 20 députés sur les 83, l’opposition a bénéficié de quatre postes sur neuf. C’est encore la même notion qui a conduit à la création d’une Cena paritaire. Désormais, tout le monde s’entend. On s’entend pour « partager » les avantages. L’accalmie revient à l’hémicycle mais ceci est une menace grave pour la démocratie. Le principe sacro-saint de la démocratie est la dichotomie majorité/opposition. Quant la majorité dirige, l’opposition doit contredire et critiquer. Les pays qui ont tenté de faire autre chose ont provoqué un pourrissement qui a engendré des conflits à la longue. L’exemple malien devrait nous édifier à ce sujet.

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