Chronique des temps qui tanguent : un président interventionniste, globe-trotter, accroc du pouvoir

Jamais, depuis le Renouveau démocratique, le Bénin notre pays,  n’a connu un président comme le Président Boni Yayi, un globe-trotter infatigable qui ne fait pas plus d’un mois au pays sans voyager.

 Un président qui intervient partout et veut tout contrôler. Un président qui paraît prêt à tout pour se maintenir au pouvoir.

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En 2006, cet illustre « intrus » dans le landerneau politique,  dont on a dit a tort qu’il connaissait la maison, était parfaitement inconnu du grand public. Les faiseurs de roi, « détecteurs d’oiseaux rares », qui ont facilité ou contribué  à son  élection, savaient, tout au plus, qu’il convenait parfaitement au profil qu’on attendait de ce cadre plutôt effacé de la fameuse Bceao, qui n’avait jamais occupé de poste de responsabilité au sein de la vénérable institution monétaire.

Les spécialistes de la psychologie de la personne  nous diront un jour si l’ensemble de son comportement au pouvoir et de sa gouvernance n’était pas une réponse à l’ostracisme dont il a été victime durant ces années à la Bceao. Le certain est que les sept années passées au pouvoir ont révélé un tout autre homme.

Le globe-trotter

Le Renouveau démocratique nous a donné, depuis 1991, trois présidents : un véritable exploit qui a fait oublier les qualificatifs comme  celui  du « pays du  coup d’état permanent »  et d’« enfant malade de l’Afrique » des années 60. On sait que le Président Kérékou n’aimait pas beaucoup voyager. En dix-sept ans de pouvoir socialiste, on peut compter le nombre de pays qu’il a visités. Même quand il est revenu au pouvoir en 1996, son « aversion »  pour les voyages ne s’est pas beaucoup démentie. Le Président Soglo, en revanche,  est plutôt un pigeon voyageur. Il a pratiquement fait le tour du monde au cours de son seul et unique mandat, mais tout le monde comprenait pourquoi il était amené à quitter aussi souvent le pays. Nous sortions de la longue nuit militaro-marxiste et il fallait renouer les contacts avec les « bailleurs de fonds » pour nous sortir du marasme économique des années Prpb. Le Président Boni Yayi, quant à lui, adore les voyages pour leur côté rencontre avec ses pairs, accolades spectaculaires et tapes dans le dos accompagnées de gros rires.

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Plus que le Président Soglo, il est convaincu que le salut  vient de l’extérieur, d’où la longue litanie de milliards annoncés à chaque retour de voyage dont on voit rarement les effets. (Nous y reviendrons). En sept ans de pouvoir, il a pratiquement visité tous les pays du monde, sauf l’Antarctique et l’Australie, allant parfois deux fois la même année dans le même pays (Turquie). Mais, le vrai problème n’est pas tant les pays visités que l’intérêt que ces pays ont pour nous et réciproquement. Comment comprendre que notre Président soit déjà allé plus de quatre fois en Chine et que notre pays n’ait même pas été pris en compte par leur président nouvellement élu, lors de sa récente tournée africaine, alors que ses prédécesseurs ne lui ont jamais rendu la monnaie de sa pièce. Et c’est en regardant les déplacements des grands de ce monde qu’on comprend que le président d’un pays ne se déplace pas n’importe comment, ni n’importe quand. Barack Obama, en quatre ans de pouvoir, n’est venu en Afrique qu’une seule fois. Et il n’est même pas allé au Kenya, sa terre d’origine, préférant le Ghana pour le symbole de démocratie qu’il est. Et l’on peut multiplier les exemples.

Hollande, depuis son élection, a déjà reçu deux fois notre président. Et ses premières visites en Afrique noire, il les  a réservées pour le Congo, sommet de la Francophonie oblige, et pour le Mali, en raison de « sa » guerre dans ce pays contre les Djihadistes qui menacent les intérêts français dans cette partie du monde.

Le Bénin notre pays est un pays pauvre dont le Président gagnerait à économiser les sommes exorbitantes que nécessitent les nombreux déplacements avec des cadres oisifs, pour les tâches de développement. Qu’est-ce que notre président est allé faire au sommet des Brics à Durban, où n’ont été invités que les pays exportateurs de matières premières à forte valeur ajoutée comme la Guinée  ou le Tchad ? Qu’est-ce qu’il est allé faire à N’djamena où se réunissait les pays membres de la Cemac ? Sa présence était-elle nécessaire pour favoriser l’accueil du dictateur Bozizé qui vient de perdre le pouvoir par sa seule faute ?

Président interventionniste

Cette présence envahissante sur la scène internationale est à l’image de l’interventionnisme tous azimuts qu’il déploie à l’intérieur du pays. Le Président Boni Yayi, dans sa pratique du pouvoir, étouffe les autres institutions de contre-pouvoir. Au cours du premier mandat, tout le monde a vu comment il faisait valser le Président de l’Assemblée Nationale qui donnait l’impression de recevoir ses directives de la Présidence de  la République. Il a réussi, par le jeu des procurations obtenues à coup de promesses, et parfois de distributions d’espèces  sonnantes et trébuchantes, à contrôler, dans un premier temps, le bureau du parlement et, dans une seconde étape, à faire nommer ceux qu’il voulait au sein et à la tête de toutes les institutions de contre-pouvoir. Le résultat est effarant : sa majorité mécanique vote tous les textes à elle soumis, non pas sous la forme de projet de loi, mais de propositions qui ont l’avantage de ne pas passer par les fourches caudines de la Cour Suprême. Les décisions de certaines institutions de contre-pouvoir (suivez mon regard) affichent un parti-pris flagrant qui n’étonne plus personne.

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L’exemple le plus flagrant a été récemment donné au tribunal, pour ne citer que cet exemple, lors du procès Lionel Agbo. Et les avocats, et la police, et le procureur, ont été instrumentalisés, pour prouver que Lionel Agbo, un homme politique, a commis le délit d’offense au Chef de l’Etat. Avant que le Président de la République ne se rétracte de manière spectaculaire, d’abord par le biais de l’annonce maladroite d’une grâce, et, devant les protestations des avocats de la défense, cette grâce s’est muée en retrait pur et simple de la plainte. Plus de cinq mois de procès perdus pour rien. On clôturerait ce chapitre par l’évocation de l’arme de cette politique d’intervention tous azimuts : la communication.

De tous les présidents du Renouveau Démocratique, le Président Boni Yayi est de loin celui qui a compris les enjeux de la communication. C’est sous son règne que se sont multipliés les journaux et autres périodiques attirés par les fameux contrats, dont les montants très élevés au début du  premier mandat s’est, paraît-il, considérablement réduit du fait des nombreuses dénonciations. Mais le Président n’a rien cédé sur le terrain de la communication. Avec Yayi, tout commence et finit  par la communication télévisuelle. C’est par la télé que  Yayi prépare l’opinion à accueillir les évènements majeurs du quinquenat (le K.O, l’empoisonnement présumé, le coup d’Etat). C‘est par bande défilante sur les chaînes privées que sont annoncés les remaniements du gouvernement, avant même que le bureau de l’Assemblée n’en soit saisi.

La plupart des télévisions privées résonnent au son de la Marina. La seule qui avait  manifesté un brin d’indépendance, s’est rangée, depuis la fausse vraie dénonciation d’une prétendue fraude sur les installations de l’Ortb. Les opposants sont priés de rester chez eux et de ne pas continuer à déblatérer sur le régime

Un accroc du pouvoir

A moins de trois ans de la fin de son second et dernier mandat, la question du départ du Président Yayi reste posée. Malgré les multiples dénégations. Sinon, pourquoi tout cet acharnement contre un homme ? Voici plus de six mois que la présumée tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat a été annoncée à cor et à cri. Depuis plus d’un mois bientôt,  aussi, que deux citoyens croupissent en prison pour tentative de coup d’Etat. Deux cas à rapprocher, concernant un seul et même homme.

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Dans les deux cas, alors que l’instruction est toujours en cours, les présumés comploteurs sont dispersés à l’intérieur du pays, à la demande du pouvoir exécutif, loin du juge en charge du dossier : une intrusion intolérable dans le pouvoir judiciaire. Comme si on voulait les laisser croupir en prison, le temps d’un hypothétique dernier mandat. Pendant ce temps, on bat le rappel de  toutes les  forces  qui soutiennent l’action du président pour les futures communales, qu’on est sûr de gagner devant une opposition exsangue qui n’existe que de nom. Pour quoi faire ?

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