Un président sans façon pour un Gouvernement qui agit avant de réfléchir

Le populisme, le culte de la personnalité, l’action avant la réflexion, la ‘’bouc émissairation’’  sont quelques-uns des traits caractéristiques de Boni Yayi et de son régime. 1er décembre 2012. Comme c’est le cas depuis plusieurs années, la communauté internationale célèbre la journée internationale de lutte contre le SIDA. 

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Au Bénin, une campagne de communication se mène dans le cadre de l’événement. A Cotonou, la capitale économique du pays, des affiches grands formats sont postées à certains carrefours et lieux de grande affluence de la ville : carrefour Vêdoko, Place des martyrs, esplanade du Stade de l’Amitié. Sur l’une d’elles, le Président de la République, ayant en face de lui le thème central de la célébration : « zéro nouvelle infection au VIH, zéro discrimination, zéro décès lié au SIDA ». Sur la seconde affiche, le Chef de l’État en chaude accolade avec un PVIH. Aucun message de sensibilisation sur l’usage des moyens de protection.

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C’est ainsi, que les Cotonois vivent la propagande faite par la cellule de communication du Président de la République autour de sa personne. Une stratégie de communication qui vient démontrer le culte de la personnalité du locataire du Palais de la Marina, depuis le 06 avril 2006.

Populiste

Le populisme et le culte de la personnalité font partie des traits de l’actuel président béninois.  Et ces traits ont caractérisé son régime depuis son arrivée au pouvoir.  Après une visite qu’il à effectué au Vatican les 18, 19 et 20 novembre dernier, les principaux carrefours de Cotonou ont été inondés d’affiches sur lesquelles il était inscrit : «Le peuple béninois est béni à travers le Président Boni Yayi ». Ces posters comportent des images du Chef de l’Etat et celui de son hôte du Vatican, le Pape désormais Emérite Benoit XVI. Les semaines qui ont suivi, on a eu droit, aux mêmes endroits, à des affiches d’un président pasteur, bible en main… Et les exemples ne sont pas exhaustifs.

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Ainsi, Boni Yayi s’affiche comme un président qui aime qu’on parle à tout moment de lui. Pour cela, il a envahi le paysage médiatique, en faisant subir à l’opinion un matraquage médiatique. On en a pour preuve, non seulement ces affiches de Yayi qui font et défont le décor de Cotonou, mais aussi et surtout le temps d’antenne que consacre la télévision de service publice, Ortb, à ressasser les activités de la Présidence (audiences, visites à l’étranger, etc.). C’est la propagande à très forte dose.

Président sans façon

Boni Yayi n’hésite pas à pousser loin son populisme qui s’apparente à du propagandisme. Certains analystes politiques avancent même que son coté populiste a beaucoup joué dans la balance pour sa réélection en 2011. Boni Yayi sur un cheval dans les champs de coton au Nord, Boni Yayi jouant du tam-tam, Boni Yayi maçon à Dogbo, sont quelques images marquantes de ces campagnes médiatiques. A part le coté « libidineux » de son populisme, sa facilité à se rapprocher de la foule et à briser les barrières entre les populations et lui,  est ce qu’il a de plus, peut-être, que les autres acteurs de la classe politique. On pourrait d’ailleurs le qualifier de « Président sans façon », pour ne pas dire « normal ».

Coq à l’âne

Il a beau être populiste ou mégalomane, Boni Yayi n’a pas le verbe facile. La concision et la précision dans le parler, ne sont pas son point fort. « Quand le Chef de l’Etat vous reçoit au Palais, il vous demande d’être bref car il a un agenda chargé. Il peut même vous dire qu’il n’a que quinze minute à vous accorder. Mais quand il prend à son tour la parole, après vous avoir écouté, il peut parler pendant une heure », raconte un habitué des différentes séances que le Chef de l’Etat tient fréquemment au Palais de la Présidence, avec certaines couches de la société pour régler des crises. Sans vouloir être trop dur, on peut dire qu’il manque d’éloquence. Les entretiens, ce n’est pas vraiment son truc. Pour les quelques interviews qu’il a accordées depuis son arrivée au pouvoir, il a montré sur les plateaux de télévision des lacunes en tenue et en gestuelle. Pour le fond, il se démarque par la longueur, ainsi que l’aspect rébarbatif et dichotomique de certaines de ses sorties médiatiques. Il manque en réalité de cohésion dans ses discours non écrits. Et ce n’est pas pour enfoncer le clou. Il va parfois au-delà de ce qu’un Chef d’Etat doit dire, prenant quelques largesses avec le verbe. L’exemple le plus probant est son entretien « à cœur ouvert », bien longue et toute en agressivité contre une certaine classe politique, ce 1er aout 2012. 

La charrue avant les bœufs

Dans certains cercles, on affirme que derrière ce président sans façon, souriant au contact des populations à la base, se cache un homme impulsif. Ainsi, l’action avant la réflexion, a été jusque là, l’une des caractéristiques de sa gouvernance. Il est, à plusieurs reprises, revenu sur des positions qu’il avait soutenues mordicus devant les cameras. Pour mémoire, Boni Yayi a menacé de radier les douaniers, les a traités, devant micro et caméras à la salle du peuple du Palais de la Marina, de gonflés quand ceux-ci ont exigé de lui des excuses publiques pour les avoir traités de corrompus. Mais quelques mois après, c’est le même qui a diné avec les mêmes douaniers, dans la même salle du peuple et dans une ambiance bon enfant. « Il n’y a rien à faire, les réformes sont irréversibles », a-t-il affirmé pour marquer avec fermeté sa volonté de mettre en œuvre le Pvi, lorsque la réforme s’est heurtée, à son démarrage, à la résistance des acteurs portuaires. C’est avec étonnement qu’on a vu cette même réforme être remise en cause par le Gouvernement lui-même. Ainsi, dans la mise en œuvre des réformes prévues par la Refondation, le Gouvernement a péché par la méthode.  On a comme l’impression que la réflexion venait toujours après l’action ; les acteurs ne sont pas associés au départ et la communication sensibilisatrice précédant la mise en exécution fait défaut.

Tare atavique?

Quelques exemples. C’est après avoir fait construire la centrale à turbines à gaz de Maria Gléta que le  Gouvernement se rend compte que, la faire fonctionner au gaz ou au jet A1, un combustible très coûteux, aura comme conséquence l’augmentation du coût de l’énergie. Il faut donc penser à un combustible alternatif. A quoi auront alors servi les études de faisabilité ? Selon certaines sources, depuis 1996, les études de faisabilité du barrage hydroélectrique d’Adjarala ont été bouclées. Mais depuis que la crise énergétique a atteint les niveaux que nous connaissons, on constate que le Gouvernement s’échine à trouver des financements pour la construction d’un barrage sur le fleuve Ouémé. Pourtant, aucune étude de faisabilité n’a encore été faite pour ce dernier barrage. C’est toujours la question de la méthodologie et de la planification préalable à toute action.  Et pour couronner le tout, il ne sait jamais rien des scandales qui ont jalonné les sept ans de sa gestion.

Le pays est donc géré à la petite semaine, au gré des erreurs, des errements, et des humeurs du Chef du Gouvernement, alors que ses initiatives (pour la plupart) ne sont pas mauvaises, ni inopportunes en soit. Et le problème de finesse de l’homme du 06 avril 2006, qui dépeint sur le style de gouvernance de son équipe, demeure l’une des principales tares de son régime.

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