Un autre 1er août, sous le signe de l’obsession du 3ème mandat

Encore un 1er août, avec ses deux rituels éculés que sont le discours du président, le défilé  militaire et civil ponctué par la toujours majestueuse parade de nos vaillants para-commandos, la seule satisfaction d’une journée où la gestion rationnelle du temps n’est pas la chose la mieux partagée.

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Un jour férié, chômé et payé, selon la terminologie officielle. Mais un jour comme les 364 autres jours de l’année, depuis que l’hyper-président, qui a osé dire publiquement qu’après Dieu c’est lui, a fait irruption sur la scène politique de notre pays,  pour un bail qui paraît désespérément interminable. Interminable aux yeux de la grande majorité de la population, réduite à vivre d’expédients. Interminable aussi à cause de cette lourde chape de plomb qui s’est abattue sur notre pays depuis 2006, avec toutes nos libertés confisquées. Interminable enfin pour cette gestion brouillonne et chaotique de la chose publique, qui laisse peu  d’espoir aux milliers de demandeurs d’emploi sortis de nos écoles. Du discours de la veille du 1er août de l’année 2012, il n’y a pas beaucoup de citoyens qui ont retenu grand-chose de la litanie fastidieuse émaillée  de bondieuseries, des réalisations  du régime dit de la Refondation. En revanche, tout le monde se souvient de cette interview-fleuve pompeusement intitulée «à cœur ouvert», où le Président de tous les Béninois a tracé une ligne de démarcation étanche entre les «siens du pays profond» et tous les autres. Des propos d’une gravité à nulle autre pareille, que la nouvelle Cour Constitutionnelle  a mis tout simplement sur le compte de la «méconnaissance» et non… de la violation pourtant flagrante de l’article 36   de la Loi fondamentale, dans une récente décision qui ne doit pas faire jurisprudence.

Gageons cependant que c’est la révision de cette Loi fondamentale dont l’article 36 a été  ostensiblement  «méconnu» par l’hyper-président, qui fera le plat de résistance du prochain discours de cette veille du 1er août, et de la future interview -fleuve de demain 1er août. Pourquoi ? Parce que le temps presse et l’hyper-président  en est visiblement obsédé, malgré l’opposition manifeste d’une large frange de l’opinion publique contre une révision opportuniste de notre Loi fondamentale. Il l’a encore martelé au cours du récent dialogue politique entre les hauts Représentants des pays de l’Union Européenne et l’ensemble des corps constitués, dont les conclusions sont restées, aux dires du Chef de notre diplomatie, confidentielles. Il ne pourrait d’ailleurs en être autrement d’un conclave organisé à la hussarde, sans les premiers acteurs incontournables que sont la Société Civile et les partis politiques, ou ce qui en tient lieu. L’hyper-président a beau dire qu’il ne briguera pas de troisième mandat, personne ne le croit  vraiment! Pourquoi ?

Parce que son projet de révision souffre de deux maux : l’absence de consensus sur les points à réviser, comme l’a prescrit la Cour dans une de ses décisions, et la notion controversée de démocratie participative, subrepticement introduite dans son fameux projet, véritable brèche ouverte à un 3éme mandat à la Blaise Compaoré, avec son sénat taillé sur mesure. Au surplus,  l’hyper-président qui affirme sans sourciller que tous les hommes politiques de l’opposition sont «petits» ne donne aucune preuve, encore moins de signe de sa volonté de partir en 2016. Au contraire ! Le pays tout entier semble être mis en coupe réglée, comme sous les régimes autoritaires, sous le manteau d’une prétendue constitution  de développement. A preuve primo : les médias de toutes catégories sont ostensiblement muselés. Ceux du service public sont ostensiblement fermés à l’opposition et à tous ceux de la Société Civile qui ne chantent pas les louanges de l’hyper-président. Aucun débat politique avec un plateau contradictoirement constitué n’y est autorisé. La télévision nationale de service public, et toutes les télévisions privées avec elle, sont devenues ostensiblement «la voix de son maître», au nez et à la barbe de la Haac qui a ostensiblement démissionné de tous ses pouvoirs de régulation. Deuxio : Le paysage politique est ostensiblement émietté en «parti-cules» ethnico-régionaux, sans vision autre que celle de prendre part au vaste marché de partage du gâteau national. Les quelques grands partis encore existants sont fragilisés par des forces centrifuges, et leurs leaders réduits au silence ou contraints de quémander la bienveillance de l’hyper-président pour calmer les assauts de sa troupe.

Tertio : l’hyper-président, en fin de dernier mandat, voit chaque jour sa troupe grossir, avec le ralliement d’anciens partenaires émigrés un temps dans l’opposition, qui en appellent ostensiblement à réviser la Constitution. Tout se passe comme si l’hyper-président voulait  faire le vide autour de lui, pour mieux se présenter comme la seule alternative crédible. On comprend mieux aujourd’hui cette confidence que nous a faite l’ancien et éphémère ministre de la Santé, Késsilé Tchala, à son domicile, à la veille du scrutin d’avril 2011 : «Ce monsieur, dit-il avec une assurance désarmante, ne cherche pas le 2ème mandat.» «Ah bon !» Avons-nous tous crié en chœur.  «Oui !»  Poursuit-il, «le 2ème , il l’a déjà !» Le fameux KO n’a-t-il pas donné raison à Tchalla ? Puissions-nous  ne pas nous réveiller, au matin du 6 avril 2016, avec toujours notre ancien, nouveau président installé pour dix  autres bonnes années,  comme les Déby Itno, Compaoré, Kabila, Nguéma Nbasogo, Sassou Nguesso et les fils Bongo et Gnassingbé. Le Bénin doit continuer à étonner le monde !

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