L’escargot se mange sans sa coquille : episode 2

Résumé : Jérémie Lankoukou, chômeur de son Etat, a rendez-vous avec Josée, une jeune femme qui a toujours affolé ses rêves. Mais pour égayer cette soirée et être à la hauteur de sa réputation de flambeur, il a besoin d’argent. Il se rend chez un ami garagiste pour lui emprunter des sous.

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La conversation se tenait dehors, devant l’entrer-coucher d’Etienne. Celui-ci entra aussitôt dans sa chambre, fouilla sous son lit et en ressortit avec une bourse pleine de billets. Les yeux de Jérémie jaillissaient de ses orbites avec la concupiscence d’un violeur ou d’un glouton. Il enfouit les billets dans sa poche dès qu’on les lui tendit. Mais Lankoukou n’était pas au bout de sa surprise. La seconde d’après, Etienne brandit la clé de sa moto.

-Mon frère, faut « faroter » un peu avec ça. Plus tu lui en jettes à cette garce, plus elle sera liquide, mais un jour, tu me feras profiter de son gogo-escargoté.

-Quoi ?

-Quand tu auras passé le week-end, tu m’accorderas une nuit avec elle, hein ?

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-Oui, oui, fait Jérémie mécaniquement.

Jérémie tremblait plus qu’il ne réfléchissait. Il arracha presque la clé de sa main, s’installa sur la moto qui était garée à l’ombre, sous le manguier de la cour et l’alluma. L’engin vrombit, déchargea dans l’air un bruit de moteur vierge. L’ex-escroc n’attendit pas une seconde de plus, il démarra en trombe. Il avait peur, en restant une minute de plus, qu’Etienne change d’avis. L’effet de son gris-gris pourrait s’estomper, s’annuler et le démasquer.

Quelque temps après, il était déjà sur la route, Jérémie. A la fois tendu et heureux. Cotonou, désormais, lui tendait ses bras. Josée aussi. Avec son derrière-coquille, son gogo escargoté…

La route Porto-Novo-Cotonou ne représente qu’une allonge de trente kilomètres, mais pour les usagers, c’est quarante minutes de calvaire, de surchauffes, de merdouille. D’autant que les chauffeurs de taxis, bus et autres roulottes rapiécées, ont l’habitude de défoncer consciencieusement le code de la route, en doublant à droite, en roulant à contre-sens, en filant en agglomération, en freinant à l’improviste, en zigzagant, bref, en offrant de petits meurtres de conduite bien fumants sur le tronçon. Mais peu importe qu’il y ait montagne ou zébus ! Pour Jérémie, aucun obstacle, fût-il humain ou naturel, ne serait jamais suffisamment infranchissable pour l’empêcher de consommer de la Josée chaude et gluante.

Avant de se risquer sur la voie, il avait pris le soin d’acheter, côté Place Bayol, un jouet pour l’enfant de la précieuse. Ce n’est pas parce qu’il ressemblait à une chauve-souris que le gamin ne pouvait pas être gratifié d’un jouet. Lors d’une de leurs rencontres, le petit lui avait demandé un pistolet avec lequel il ferait pan-pan ! sur certains tontons qui, la nuit, faisaient hurler sa maman dans le lit. Il promit au petit Kabir de lui ramener cette « arme ». L’ex-escroc laisserait le cadeau à Josée, d’autant que le petit curieux ne serait pas présent à la maison. Sa maman allait le confier à sa tante – histoire d’éviter de lui faire entendre ses jouissances criées.

Donc voilà. Le plan était parfait, restait plus qu’à le consommer.

Au beau milieu de la route pourtant, l’ex-escroc se mit à constater quelque chose de bien fâcheux. Le bruit pétaradant de son derrière. Il ralentit, bascula légèrement à droite et pointa les fesses en l’air pour que le gros air qui menaçait, puisse exploser librement. Mais au lieu du pet attendu, ce fut un gros pavé qui entreprit de dégringoler vers son sphincter. C’était sa crainte, ça : que des échappées molles viennent tout compromettre. Car, la veille, il avait consommé trois « talo-kpémi » d’un produit alcoolisé, une espèce de Viagra concentré censé lui fournir l’énergie du bûcheron. Et ce médicament qu’un vendeur ambulant lui avait vendu, s’il était efficace pour ce qu’on sait, provoque une fois sur deux, des fuites liquides par le bas.

Jérémie sauta de la moto, se précipita dans la brousse toute proche et s’accroupit. A peine se déculotta-t-il que ses intestins se libérèrent. La coulée fut épique. Une diarrhée bien liquide accompagnée de gémissements, de larmes et de sueur. D’ailleurs, cela semblait interminable, car, à chaque fois qu’il avait l’impression d’en finir, la menace de sortie redoublait.

Soudain, ses oreilles se dressèrent. Il venait de voir la silhouette d’un homme malingre de l’autre côté de la route en train de roder autour de la moto. Jérémie sursauta. Bien qu’il soit sur le trône, ses instincts étaient loin d’être endormis. Il se rendit compte, en tâtant ses habits, en regardant ses mains vides qu’il n’avait pas la clé de l’engin à portée. Il ne souvint même pas l’avoir retirée du contact. Un « Dream » laissé ainsi à l’abandon, sur la route de Porto-Novo, c’est-à-dire à quelques encablures de la frontière du Nigérian, pays réputé pour la rapidité, la dangerosité et la nervosité de ses malfrats ? Si ce n’est pas un appel au vol, alors c’est l’inconscience du siècle.

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Cette série est protégée par les droits d’auteurs et appartient à Florent Couao-zotti, écrivain béninois. Toute copie ou reprise sur un site ou sur tout autre support est strictement interdite et peut faire l’objet d’une poursuite judiciaire.

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