Pétrole béninois : mes soupçons de citoyen

C’est une très bonne nouvelle, dans cet océan de mauvaises qui accablent notre pays depuis quelques temps. Le gouvernement a annoncé officiellement, par le truchement de son ministre de l’Energie, la découverte d’un puits pétrolifère au large du Bénin. Eurêka, avait titré la Nouvelle Tribune pour cette découverte exceptionnelle. «Labor omnia vincit improbus», disent les latins.

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Un travail opiniâtre vient à bout de tout. Yayi l’a toujours cru et a fini par obtenir ce pétrole-là, grâce à sa persévérance. On revoit encore le rictus sur son visage, lorsque Barthelemy Kassa, son ministre «pétrole» lui annonçait la nouvelle, alors flanqué de Mme Daisy Danjuma, la Directrice de la société Sapetro qui a dirigé les opérations de recherche.

Dans d’autres pays, cette information devrait susciter une liesse populaire. Les populations n’hésiteraient pas à gagner les rues pour saluer cette annonce. Surtout que les chiffres annoncés donnent le tournis : près de 12.000 milliards de francs Cfa à gagner en 14 ans, pour environ 87 millions de barils. Seulement voilà, l’information tombe un jour du 23 Octobre, date fatidique, où bon nombre de Béninois attendent le verdict d’un procès historique Talon, de l’autre côté de la Méditerranée. On peut donc penser à une annonce programmée, juste pour éteindre dans l’opinion les effets néfastes d’une décision peu favorable au gouvernement, en provenance de Paris. D’ailleurs, il y a une autre contre-vérité, distillée maladroitement dans la communication du gouvernement, qui laisse planer quelques incertitudes sur la sincérité des informations données par le gouvernement.

Sapetro n’est nullement sud-africaine. C’est une firme nigériane fondée par un Général de l’Armée, Theophilus Yakubu Danjuma, Chef d’Etat-Major de l’Armée Nigériane, de juillet 1975 à octobre 1979. Il a également été ministre de la Défense sous Olusegun Obasanjo, avec lequel il a des relations privilégiées. Ce dernier, rappelons-le, a effectué la semaine dernière une réunion, tard dans la nuit, au Bénin. Le Chef de l’Etat, accompagné d’une petite délégation composée des ministres François Abiola et Jean Michel Abimbola, tous deux Nago, l’ethnie du Président Obasanjo. Les échanges, apparemment très secrets, entre Yayi et  son hôte nocturne, n’ont jamais été rendus publics. Quelques jours après, le pétrole béninois est annoncé.

Au Bénin, son épouse, la sénatrice Daisy Ehanire Danjuma est la Vice-présidente exécutive de Sapetro. Une autre inquiétude vient des chiffres. Sur le site de Sapetro, on annonce moins. Selon des sources proches du dossier, la quantité trouvée n’est pas pour autant importante, et n’est qu’un résidu de ce que le Bénin a exploité dans les années 70 et 80, par Saga Petroleum. Mais là n’est pas le plus dur. Le gouvernement gagnerait à rassurer tous les Béninois, en communiquant sur les vrais chiffres, et en se montrant plus ouvert sur cette affaire.

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Les 12.000 milliards de recettes annoncées, reviennent-ils au Bénin uniquement ? Combien gagne Sapetro dans cette opération. Lorsque le Ghana a découvert son pétrole, il a mis en place une Commission nationale dirigée par des cadres et des hommes politiques de toutes les sensibilités. Le Bénin gagnerait aussi à procéder ainsi, sauf si le pouvoir décide de raviver les soupçons de paisibles citoyens, qui croient très peu en cette découverte du pétrole, et des autres qui pensent que le gouvernement pourrait bien se servir de la manne pétrolière pour financer le plan machiavélique de s’éterniser au pouvoir.  

Candide Azannaï est de ceux-là. Selon une analyse postée sur son profil Facebook, il affirme avoir appris de ses grandes oreilles de la Marina, que Yayi s’apprêterait à utiliser une partie de cet argent pour s’acheter un avion, pour vite parcourir toutes les contrées du Bénin. Avec un agenda qui annonce les premières exploitations commerciales pour 2015 (le site de Sapetro parle de 2014), année où tous les démons de l’autocratie vont tenter Yayi, il y a de fortes raisons de croire que cette découverte est bien politique.  Au gouvernement de nous ôter ces soupçons.  

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