Ghislaine Dupont et Claude Verlon : deux victimes collatérales de l’opération Serval au Mali

La France tout entière et les médias du monde entier pleurent la mort des deux journalistes de Rfi, froidement abattus par  des inconnus alors qu’ils sortaient d’une interview à eux accordée par un responsable local du Mnla, vendredi dernier. 

Publicité

Une mort brutale  et atroce survenue à la suite d’un enlèvementprémédité, mené au pas de charge par des gens qui étaient visiblement informés de l’agenda des deux journalistes. Du terrorisme à l’état pur, tel qu’on en rencontre dans les zones de conflits permanents  du Moyen et de l’Extrême Orient, et  aussi dans la Corne de l’Afrique. Un terrorisme aveugle qui laisse pantois les défenseurs des droits humains et les avocats de l’abolition de la peine de mort. Ces deux assassinats surviennent quelques jours seulement après la libération des otages français détenus, trois ans durant, quelque part dans le Sahel. Les dirigeants français n’ont guère eu le temps de savourer la prouesse de leur libération intervenue sans effusion de sang et, dit-on,  sans paiement de rançon – ce que personne ne croit dans l’Hexagone et au-delà. Si, par cet acte,  les tueurs  avaient voulu envoyer un message fort aux  dirigeants français, pour leur dire que rien n’est encore joué au Mali, ils ne s’y prendraient pas autrement.

Les terroristes présumés auraient pu en effet procéder à unkidnapping en règle, comme  par le passé, quitte à se mettre à l’abri avec leurs deux otages, pour plusieurs mois, voire des  années, quelque part dans le désert où ils vivent comme un poisson dans l’eau. Mais, tel n’était pas apparemment leur intention. Le choix pour ce double-assassinat de ressortissants françaisinnocents – les tueurs auraient tenu en respect, et le chauffeur Touareg des journalistes, et le responsable du Mnla – était un double-message à l’endroit des dirigeants français grisés par la libération des ex-otages, mais aussi des  nouvelles autorités maliennes qui tiennent en ce moment même des assises  dites de réconciliation, boycottées par les groupes les plus extrémistes. A quelques jours de la tenue des élections législatives, la question de l’insécurité qui avait déjà fait écourter la visite en France du nouveau Président élu, retrouve toute son actualité. Un retour à la case  Serval, du nom de l’opération de reconquête des territoires occupés par les Djihadistes. Les villes de Tombouctou et Gao sont loin d’être sécurisées, et celle de Kidal constituent un os dans la gorge des  nouveaux responsables et leurs protecteurs français. A en croire laPresse hexagonale, Kidal est une ville où cohabitent plusieurs armées : la malienne, forte de quelque 200 soldats, dont on dit qu’elle n’a pas de moyens, la force résiduelle de Serval, et la Minusma, 200 hommes aussi chacune, et les rebelles non-désarmés du Mnla auxquels s’ajouteraient, depuis quelques jours,des Djihadistes.  Selon le site de Rfi, «Il y a quelques jours, les deux journalistes avaient demandé à être transportés à Kidal par la force Serval, ce qu’elle avait refusé, comme elle le fait depuis un an, en raison de l’insécurité dans cette zone. Nos confrères ont alors profité d’un transport de la Minusma, qui continue à accepter des journalistes.» Alors question : Qui est à la base de cette insécurité à Kidal ? Pourquoi cette Minusma qui les a transportés, n’a pas garanti leur sécurité au sortir de leur interview ? Et pourquoi les forces de Serval pourtant averties de leur déplacement, n’ont pas pu les dissuader de faire ce déplacement périlleux ?

Autant de questions que les enquêtes en cours vont devoir élucider, pour situer les responsabilités. Toutefois, il est aisé de  conclure que si l’opération de reconquête de Kidal avait été menée autrement, nos deux confrères seraientprobablement encore vivants aujourd’hui. On se souvient, en effet, que les soldats français de l’opération Serval, contrairement à ce qui a été fait lors de la reconquête des autres villes comme Tombouctou et Gao, se sont fait accompagner à Kidal des seules forces du Mnla, reconstituées on ne sait trop comment, après leur déroute devant les Djihadistes. L’Armée malienne avait été priée de rester à l’écart. Comme si les dirigeants français, obnubilés par leur souci de redéfinition des frontières maliennes, avaient voulu offrir sur un plateau d’or un sanctuaire au Mnla, et un avantage pour les futures négociations. La France avait été fortement critiquée, en son temps, même si elle s’en est défendue. Aujourd’hui, force est d’admettre que les victimes collatérales de la reconquête de Kidal, réinvestie par les irrédentistes de l’indépendance du territoire mythique de l’Azawad, s’appellent Ghislaine Dupont et Claude Verlon, en attendant tous les autres brillants journalistes de Rfi et de France 24, qui prennent de gros risques pour que nous autres journalistes des pays proches lointains, sans ressources, puissions continuer à faire des commentaires, à peu de frais.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité