Affaire Parfaite : ces damnés de Banamè

Ils avaient nourri un rêve qu’ils croyaient avoir réalisé. Un gros rêve. Celui, somme toute naturel, de trouver une confession religieuse qui comble leurs attentes, où ils peuvent trouver satisfaction à leurs problèmes d’hommes sur terre, vulnérables et fragiles devant les vicissitudes de la vie et les voies toujours insondables de Dieu.

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Au moment où bon nombre de leurs compatriotes, animés par le même rêve se soumettaient à la doctrine et aux dogmes d’une religion conventionnelle importée et aux multiples exigences, eux autres tombaient naïvement sous le charme d’une nouvelle-tout feu tout flamme- sortie directement des entrailles « Dieu  Saint- Esprit ».  Alors que les autres se gênaient chaque jour pour entrer en contact avec l’être suprême, par des pratiques austères faites d’intenses prières, de messes répétitives, de carêmes et de neuvaines, eux autres ne devraient aller qu’à Banamè Sovidji, un petit village de la commune de Zangnanado pour trouver leur « Dieu ». Plus question d’avoir affaire à un être imaginaire, que personne n’a jamais vu et dont on ne tient l’existence que des bonnes nouvelles et de quelques rares miracles que l’on voit de temps en temps.

Rencontre avec Parfaite de Banamè : « Je suis Dieu, Esprit Saint, le Père… »

Les usagers de Banamè ont trouvé mieux. Leur dieu est en chair et en os. Une jeune fille, belle, séduisante, à peine sortie de la puberté, qui fait des miracles et qui, sous l’égide d’un prêtre exorciste, tient un discours messianique. Point n’est besoin  d’aller s’agenouiller à l’église et de parler à un être hypothétique. Il suffit de se rendre dans ce village pour voir et toucher leur Dieu et même avoir la possibilité de lui poser ses problèmes. Quelle opportunité spirituelle ! On se rue vers ce village pour voir cette fille qui s’est autoproclamé « Dieu » quelques mois plus tôt.  Elle devient l’icône, l’idole de milliers de personnes. D’elle, on raconte une foule d’histoires. Qu’elle est tombée du ciel et retrouvée dans une brousse de Bembèrèkè au milieu d’un troupeau de moutons. Ses nombreux miracles étaient ressassés aux pèlerins. Elle désensorcelait les gens, guérissait des maladies, ressuscitait même des morts.  La foule est emballée. Gaston Le Bon disait que la foule est bête. Personne ne va mettre en doute les enseignements divulgués sur cette petite paroisse. Et pourtant, la vérité serait tout autre. Parfaite, à l’état civil s’appelle Vicentia Chranvoukini née le 18 Avril 1990 à Sakété d’un père instituteur Raymond Chanvoukini et de Victorine Hounwèdo. C’est en 2008, alors malade que son père et sa tante Jeanne Hounwèdo l’amèneront chez le père Mathias Vigan pour être exorcisée. Le reste de l’histoire sera une série de mystères. La fille sera guérie et quelques mois après, elle a commencé à développer des qualités spirituelles exceptionnelles au point de commencer à enseigner son maître. Malheureusement, le grand monde ne s’intéressa guère à la vraie histoire de parfaite devenue Dieu, esprit -saint, daagbo et tutti quanti. 2009, 2010 furent les années d’or de la confrérie. Des milliers de fidèles catholiques et même des autres religions se rendront en pèlerinage  à Banamè où Parfaite y faisait des miracles mais aussi des révélations. Elle aurait ainsi prédit la déchéance de l’église catholique. Hasard de circonstances, en 2010, deux évêques de l‘église vont démissionner. Parfaite se voit requinquée par ses prophéties.

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Mais le 20 janvier 2011,  inquiet par rapport aux pratiques en cours sur cette église, Monseigneur  Eugène Houndékon dénonce « la pratique de spiritisme et la divulgation de doctrines erronées » et fort de cela, il prononce l’excommunication du père Mathias Vigan et de ses ouailles spirituels. Depuis, Vigan et son égérie Parfaite, dévoilent une autre facette de leurs personnalités : l’arrogance et les délits de sale gueule. Ils insultent et menacent tout le monde. Même le pape Benoît XVI n’a pas eu grâce à leurs yeux. Cette arrogance décourage une bonne partie de leurs fidèles, craignant aussi d’être excommuniés qui commencent à reculer. Parfaite est contrainte à sortir de Banamè et à investir d’autres contrées pour ses évangélisations de plus en plus payantes. Depuis 2013, les pratiques de l’église sont devenues plus violentes. On parle de fidèles qui giflent des prêtres en pleine messe, d’autres qui agressent les fidèles d’autres religions. Sans oublier les frasques de Parfaite elle- même qui a dirigé des opérations de profanation des couvents de culte Oro et consorts et qui insultent beaucoup sur une radio de Bohicon appartenant à un de ses fidèles. Dépassé par ces excès, le préfet du Zou a commencé à interdire systématiquement toutes leurs activités. Mieux, les propos agressifs ont commencé à susciter l’indignation des populations dont certaines ont commencé à les chasser. On susurre dans certains milieux qu’elle est membre de sectes diaboliques. L’accident à l’entrée de la ville de Porto-Novo d’un mini- bus brulé vif avec des fidèles de Banamè, tous morts calcinés relancent la polémique.

Lors du Conseil  des ministres du 22 janvier dernier, le gouvernement s’est penché sur la situation de cette église. Au cours de cette semaine, il est annoncé une marche des populations d’Abomey contre les pratiques de cette église. A Banamè comme partout ailleurs dans le pays, l’engouement pour Parfaite s’estompe. Les adeptes retournent timidement à leur ancien amour religieux. La déesse autoproclamée ne fait plus rêver ses affidés qui la voient de plus en plus comme une fille ordinaire qui a l’injure et les menaces à fleur de peau. Beauccoup se sentent abusés, d’autres réalisent qu’ils se sont égarés spirituellement. Le mythe de la déité est tombé et la saison prend progressivement fin à Banamè.

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