Le schisme de Banamè

Le Bénin, jadis «quartier latin de l’Afrique», terre d’excellence, de courage, de bouleversements politiques les plus extraordinaires, s’illustre depuis quelques années comme une terre où foisonnement les incongruités les plus sordides et les manigances politiques les plus mesquines.

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La jugeote a laissé place à la «marche». Ici, on marche pour tout : les nominations, les décisions du Chef de l’Etat et même sa tentative d’empoisonnement ratée. On marche aussi pour Dieu. C’est à cet exercice que se sont adonnés les ouailles du père Mathias Vigan, prêtre dont le talent d’exorciste a été vite éclipsé par les «miracles» de son égérie Parfaite. Mardi 30 Octobre, il fallait les voir dans les rues de Cotonou, foulard blanc sur la tête, louant et professant les merveilles du Saint Esprit et de Dieu tout puissant incarné par «Parfaite» leur coqueluche à qui ils vouent une vénération divine. Ce jour là, il était malaisé de frayer un passage sur l’esplanade du stade de l’amitié pris d’assaut  très tôt par des milliers de fidèles acquis à la cause de la «déesse de Banamè» et venus de toutes les régions du Bénin et même des pays de la sous région. C’était le point de chute de ces milliers de fidèles – des femmes majoritairement – qui ont battu le macadam pour louer Dieu.

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En effet, Parfaite y a convié ce jour ces fidèles pour un de ses meetings spirituels dont elle en a le secret. Mais attention, Parfaite n’est que le nom populaire de cette thaumaturge qui s’est révélée au grand public il y a quelques années. Elle s’appellerait Vicentia, à l’état civil et souffrait de graves maladies quand elle a été conduite chez le père Vigan, alors exorciste à Banamè, petit village de la commune de Zangnanado situé à une quarantaine de kilomètres du centre-ville. Cette thèse relève de la calomnie pour ses endoctrinés. C’est presque un sacrilège que de l’appeler Parfaite. Pour eux, c’est le «Saint Esprit», ou le Père céleste. Un jeune homme n’eut pas froid aux yeux pour me remonter les bretelles ce jour là lorsque j’utilisai le nom Parfaite pour la désigner. «Vous ne comprenez rien, ce n’est pas Parfaite, c’est le Saint Esprit», me répond-t-il sèchement avant de s’engouffrer  dans l’une des nombreuses files indiennes qui conduisent à l’intérieur du stade où doit se tenir dans les minutes à suivre, une des croisades spectaculaires de Parfaite. Sur l’esplanade, on y rencontre des fidèles venus de tous les coins du pays et identifiables par la variété des dialectes qu’ils parlaient. Ils étaient assis par affinité sur l’esplanade. Les effets qu’ils tenaient sur eux donnent la preuve que la nuit sera longue. Sur l’esplanade, le ticket d’entrée était vendu à la criée, 1000F l’unité. Malgré la crise, il était vendu comme de petits pains. Idem pour les autres gadgets de la confrérie. Chapelets, sels et huiles oints par la «déesse» et tee-shirts, casquettes, foulards à son effigie coulaient aussi à flot. Les responsables de la vente qui, faisaient une bonne affaire, couraient dans tous les sens pour s’approvisionner sans cesse auprès de « grossistes » gardant jalousement leurs articles dans des véhicules immobilisés sur l’esplanade. Les occupations ne me permirent pas de suivre la croisade. J’aurai toutefois les échos de cette longue nuit spirituelle le lendemain. Un stade de l’amitié rempli aux trois quart (imaginer si c’était en weekend), du prêche et quelques miracles et naturellement des attaques en règle à l’endroit des acteurs de l’église catholique romaine. Parfaite, elle, poursuit son rêve de créer une nouvelle église «catholique  lavée de l’hypocrisie et de la haine, une église où la vraie croyance en Dieu prend le pas sur les apparences». Depuis que le père Vigan a été excommunié par monseigneur Azondékon, évêque d’Abomey, Parfaite et ses comparses ne se recroquevillent plus à Banamè seul proclamé «terre sainte» où le «Dieu tout puissant s’est incarné dans la peau de Parfaite pour réaliser des miracles». La facilité avec laquelle bon nombre de fidèles catholiques, mais aussi ceux des autres religions, croient à cette thèse, m’amène à admettre, comme certains ecclésiastiques, que les fidèles sont vulnérables du fait de leurs faiblesses spirituelles. Doit-on accuser l’église ou les fidèles pour cela? Mais pendant ce temps, l’église de Banamè grossit chaque jour en effectif, celle catholique perd de son superbe et reste muette sur ce «phénomène» qui le ronge de l’intérieur. La preuve, après autodéification de Parfaite, c’est le père Vigan qui serait sacré «Pape Christophe XVIII». Douze apôtres auraient été sacrés, des baptêmes se feraient aussi au non de la nouvelle église. On assiste au jour le jour à une imitation des dogmes, des rituels, des prières, des symboles et des icônes de l’église catholique. Doit-elle toujours attendre et boire ainsi le calice jusqu’à la lie? Aboutira-t-on au troisième schisme de l’église catholique après celui d’Orient du XIè siècle entre les romains et les byzantins et celui de l’Occident avec les papes d’Avignon (France)? Non, me dira-t-on. Des historiens de religion et des théologiens pourraient m’arrêter tout de suite et me répondre que j’accorde trop d’importances à ce phénomène éphémère qui ne brillera que le temps d’un météore, à un égarement spirituel d’un prêtre qui entraine la masse dans ses hallucinations. Mais attention, le phénomène de «Banamè» se nourrit à la fois de la naïveté spirituelle des fidèles et du silence de l’église catholique. Parfaite continue de faire des émules. Elle ameute les foules et fait rêver ses ouailles. Vous autres peuples d’opprimés, de désespérés et de faibles d’esprit, applaudissez car une «déesse»  vous  est venue de Banamè Sovidji. De sa tombe, Karl Marx devrait en rigoler. Lui qui a su tôt que «la religion est l’opium du peuple».

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