La vague de démission qui secoue le Congrès pour la Démocratie et le Progrès(Cdp), en plus de fragiliser le pouvoir de Blaise Compaoré, vient redessiner le paysage politique burkinabè en vue des présidentielles de 2015.
Désormais le Cdp n’a plus en face de lui que Zéphirin Diabré, le chef de fil de l’opposition seul adversaire qu’il pourrait avoir s’il se présentait. Roch Marc Christian Kaboré avec le nouveau parti qui sera porté sur les fonts baptismaux le 25 prochain pourrait se positionner dans le starting bloc et déjouer les pronostics.
Depuis le 4 janvier dernier, une vague de démission plutôt surprise secoue le Cdp, parti au pouvoir. Conduite par des barrons dissidents du parti de Blaise Compaoré avec le trio Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré et Salif Diallo, ils ont annoncé les couleurs par une conférence de presse le 7 janvier.
En fustigeant les manigances du pouvoir pour modifier l’article 37 et instaurer le Sénat, ils entendent le 25 janvier prochain se démarquer définitivement du parti au pouvoir en créant leur propre parti en vue de l’échéance à venir. Avec ce nouveau venu sur l’échiquier politique, la course à la modification de la constitution, si elle se concrétisait, verrait non plus le locataire actuel du Kosyam en compétition avec Zéphirin Diabré mais un candidat de taille et pas des moindres.
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Il pourrait s’agir de Roch Marc Christian Kaboré, car des démissionnaires, il est celui qui pourrait faire peur au camp d’en face. Ancien Président de l’assemblée Nationale, ancien Premier Ministre, il connait mieux les rouages du pouvoir que le chef de fil de l’opposition actuelle. De plus, il maîtrise mieux que quiconque les failles du système actuelle pour l’avoir construit et pratiqué des années durant. Ses liens avec la classe politique actuelle et les opérateurs économiques, sans oublier l’appui des dissidents et le soutien dont il jouit au sein de la population, sont autant d’atouts qui militeront en sa faveur s’il était le candidat désigné du nouveau parti en gestation.
Mossi comme Blaise Compaoré et proche des milieux chrétiens, il bénéficie également d’importantes considérations au sein de la jeunesse même si certains le rendent comptable du bilan du Cdp confondu à la gestion du clan au pouvoir. Contrairement à Zéphirin Diabré, un Bissa qui malgré son passé élogieux n’aurait pas la même considération sociologique au sein de la population. D’ailleurs, on pourrait les voir côte-à-côte lors de la marche de ce samedi 18 où les forces opposées au système actuel et à ses velléités de s’accrocher au pouvoir au-delà de 2015 entendent prendre d’assaut les artères de Ouagadougou, pour signifier leur émancipation du Cdp et leur entrée dans l’opposition au pouvoir en place. Si cela venait à se confirmer, une coalition entre l’Upc et le nouveau parti ne serait pas à négliger si la nouvelle opposition comme le clament ses animateurs se battent pour le peuple et aspirent à l’alternance en 2015.
Panique au Cdp
Passées les déclarations de non-événement proférées après les départs, la délégation express d’Abidjan pour calmer les esprits, le soutien massif des députés du Cdp et le meeting de Bobo le 11 janvier, l’heure est à la réflexion dans l’état-major du parti au pouvoir. On croyait la saignée à terme mais apparemment la tempête ne fait que commencer. Car, les dissidents espèrent provoquer le même scénario dans les provinces et communes après avoir officialisé leur formation politique.
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Chantage ?
Pour tenter de contenir la vague, la même rengaine semble être remise en branle. Déjà, Salif Diallo se voit appeler à comparaitre dans le dossier de l’assassinat de Dabo Boukary, un ancien étudiant en fin de formation en médecine tué en 1991 lors de manifestations étudiants. Pareil pour Simon Compaoré qui risque de répondre dans un dossier de malversation lors de la réfection de l’hôtel de ville alors qu’il était aux affaires. Mais les dissidents sont confiants et annoncent déjà qu’ils n’ont rien à se reprocher et sont prêts à donner leur version des faits pour situer l’opinion et œuvrer à la manifestation de la vérité. Comme quoi, ils connaissent les méthodes de leur ex-camarade. Ni chantage, ni intimidation ne peut les fait taire. Ce qui gêne dans la résurrection de ces dossiers, c’est le moment et le contexte. Et si les choses évoluent ainsi, on craint que l’atmosphère déjà tendue ne donne lieu à des déballages préjudiciables à la préservation de la paix. Pour l’heure, chaque camp affûte ses armes et nous attendons la démonstration et l’ampleur du tsunami pour évaluer la détermination et les ambitions des dissidents.
Lucien Batcho (depuis Ouagadougou)
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