Dans la nuit du 08 au 09 décembre 2013 quelqu’un a tenté de mettre fin aux jours de Martin Assogba , le volubile et truculent président de l’Ong Alcrer. Aujourd’hui, plus de trois mois après l’évènement qui a secoué le microcosme socio politique, le mystère reste entier sur le ou les auteurs du crime avorté ainsi que leurs mobiles.
Récit et analyse d’un dossier qui pourrait être classé sans suite.
Tous ceux qui espéraient des révélations fracassantes au cours de la conférence de presse que Martin a organisée hier jeudi au Cpa, (centre de promotion de l’artisanat) en ont été pour leurs frais. Martin Assogba, de retour de près de deux mois de soins en Europe consécutivement à la tentative d’assassinat contre sa personne, ne semble pas en savoir plus, ou n’a pas voulu en dire plus (le dossier est encore en instruction) sur le ou les auteurs de l‘acte ignominieux dont il a été victime. En tout cas, il n’a rien dit de nouveau qu’on ne savait déjà, depuis la conférence de presse qu’a tenue le procureur de la République de la ville d’Abomey Calavi, le magistrat Appolinaire Dassi moins d’une semaine après les évènements. On se souvient que ce dernier, se fondant sur des éléments probants du dossier et surtout sur les conclusions des experts en balistique, avait décidé de mettre en liberté provisoire les présumés assassins mis en garde à vue au lendemain de leur interpellation à l’entrée, semble-t-il, du domicile du Maire d’Abomey Calavi avec qui ils avaient pris rendez-vous. Selon les experts en effet, le crime aurait été l’œuvre d’un professionnel qui a tenté de maquiller son acte en utilisant un fusil de fabrication artisanale. Visiblement, aucun des présumés interpellés ne semble être un tireur d’élite encore moins un chasseur professionnel. L’auteur principal, selon les enquêtes de la Police, serait un géomètre qui a occupé par le passé les fonctions de délégué de village. Au demeurant, Martin lui-même n’a de cesse d’affirmer avec force que les présumés assassins ne sont pas les auteurs, parce que lui, Martin, est avec eux, dans la cause des problèmes domaniaux qui secouent l’arrondissement de Ouèdo depuis quelques années.
Les affaires domaniales au cœur de l’affaire Martin Assogba
C’est le Dgpn lui-même, le contrôleur de police Louis-Philippe Houndégnon qui a, le premier évoqué la piste des affaires domaniales dès la nuit même de l’attentat manqué. C’était au cours d’un entretien impromptu accordé à nos confrères de la Chaîne Canal 3. A la surprise générale, il a affirmé, sans sourciller, que le crime était lié aux activités que menait Martin pour le développement de sa localité. On tombait des nues : comment peut-on en vouloir à quelqu’un qui travaille pour le développement de sa localité, au point d’en attenter à sa vie ? C’est donc dans la foulée de la déclaration du Dgpn que les présumés auteurs du crime odieux ont été appréhendés et gardés à vue, jusqu’ à leur mise en liberté provisoire par le procureur de la République. La question qu’on est en droit de se poser est celle-ci : le procureur de la République de la ville de Calavi aurait-il pris le risque d’élargir même provisoirement les présumés assassins, s’il n’était pas convaincu qu’ils n’étaient pas coupables ? Parce que le risque était effectivement grand de les voir prendre la clé des champs à jamais pour se soustraire, ne serait-ce que de manière temporaire à la justice. A la base de ses convictions intimes de procureur, il y avait bien sûr les analyses balistiques.
A qui donc alors profite le crime ?
Dès lors que les présumés assassins ne sont pas les bénéficiaires du crime manqué, à qui profiterait donc l’assassinat de Martin Assogba ? Tous les amateurs de films de romans policiers sont coutumiers de cette interrogation basique qui fonde toutes enquêtes des héros des séries télévisées. La réalité n’est pas différente de la fiction. Un crime a toujours un auteur ou/et un commanditaire et un mobile. Car le crime profite toujours à quelqu’un. Connaissant Martin et son franc parler légendaire, on aurait pu penser à un assassinat à mobile politique. Les déclarations fracassantes sur l’affaire du juge Angelo auraient pu être l’élçément déclencheur. Mais Martin et d’autres leaders d’opinion en ont dit de plus grave dans la même période. Au demeurant, le Dgpn Houndégnon a, dès le départ écarté la piste politique, lorsqu’il a évoqué celle du développement local. Connaissant l’homme et ses comportements passés, on aurait pu penser qu’il était en «mission de disculpation» pour le compte de celui qui l’a bombardé au poste enviable et envié de Dgpn. C’est de bonne guerre ! Mais pourquoi diantre avait –il besoin d’être affirmativement catégorique dès le début du dossier sur cette piste locale ?
Au total, deux et deux questions seulement restent sans réponse à l’étape actuelle de l’instruction du dossier : Pourquoi le Dgpn Houndégnon a-t-il persisté dans ses déclarations même après la conférence de presse du procureur au cours de laquelle ce dernier a annoncé la mise en liberté provisoire des présumés assassins ? Qu’est-ce qui fonde son intime conviction réaffirmée au cours d’une surprenante conférence de presse en tandem avec le directeur de la gendarmerie que « si les présumés assassins n’étaient pas coupables, ils n’étaient pas non plus tout à fait innocents.» Cette question massive dont se chargera le juge instructeur n’est que le corrollaire de l’autre question tout aussi massive au cœur de l’affaire Martin Assogba : Quelle est donc cette fameuse affaire domaniale qui secoue la localité de Ouèdo dans laquelle Martin Assogba a pris position pour le camp à qui on a voulu imputer la tentative de son assassinat? La réponse à cette question jettera une lumière crue sur le ou les auteurs de cette tentative d’assassinat manqué ainsi que ses vrais commanditaires tapis dans l’ombre.
Aller jusqu’au bout !
L’affaire Martin Assogba est semble t-il une tentative d’assassinat manqué, qui peut être mis en parallèle, quant à la détermination d’aller jusqu’au bout, avec les affaires Lionel Agbo et celles dites de tentative d’assassinat et de coup d’état qui concernent directement le président Yayi. Dans le cas du président Yayi, dès le départ le crime est connu, tentative d’assassinat sans passage à l’acte, les présumés assassins aussi ainsi que leurs mobiles sont aussi connus dès l’entame de l’enquête. Dans le cas Martin, on connaît le délit : tentative d’assassinat manqué avec passage à l’acte mais on ne connaît ni les auteurs ni leurs mobiles. Une espèce deux poids deux mesures qui nous amène à souhaiter que l’enquête aille jusqu’à son terme. Et que cette affaire qui concerne un citoyen ordinaire aille jusqu’à son terme comme les deux affaires qui concernent le chef de l’Etat et qu’elle ne se termine pas en eau de boudin comme les affaires d’assassinat de Pierre Urbain Dangnivo ou autrefois, celles des assassinats classés sans suite du jeune inspecteur Koundé et de l’ex commandant de la Bac Tossou.