Bénin: Cinq ans de changement et trois ans de Refondation pour quel bilan?

A deux ans de la fin du mandat constitutionnel du President Boni Yayi, on est en droit de se demander quel bilan laissera celui qui a été, pour ainsi dire, plébiscité en Mars 2006 par 75% des Béninois et dont on vantait les mérites. Tant l’espoir était grand, presqu’à l’image du symbole du candidat Boni Yayi , flanqué de cauris  sur un fond vert, couleur de l’espoir.

Huit ans après, c’est la grande désillusion au point que notre pays, qui n’est plus désormais classable pour la plupart des indicateurs macro-économiques est maintenant plongé dans le noir, couleur du deuil et du désespoir. Ou sont passés ceux qui vendaient le candidat Boni Yayi comme un Banquier du développement? 

Où se cachent ceux qui voulaient qu’il soit au pouvoir pour qu’ils tirent leur marron du feu? Ils en ont eu pour leurs poches, certains après une retraite dorée au sein d’institutions internationales, ont choisi de se livrer à ce jeu, Dieu seul et eux-mêmes savent à quelle fin ils ont pu faire ce qu’ils ont fait, en entraînant le peuple dans cette mésaventure qui le plonge davantage dans la pauvreté sur fond de médiocrité généralisée.

An 3 du second mandat de président : Antoine Idji Kolawolé peint en noir la gestion de Yayi

En lieu et place de bilan, ne faudrait-il pas plutôt se demander quel héritage Mr Boni Yayi laissera t-il au peuple béninois après 10 ans de gouvernance dont les cinq dernières auront été et resteront pendant longtemps, objet de controverse?Oui notre pays ne s’est jamais autant mal porté qu’aujourd’hui. Cette situation découle de la volonté d’un groupe de personnes de se cacher derrière leurs petits doigts pour jouir des délices du pouvoir au détriment des populations dont ils évoquent les aspirations seulement dans le discours. Un groupe qui a finalement compris que leurs conseils et autres suggestions au locataire de la Marina ne changeront rien et qu’il faut cependant demeurer dans le système pour en profiter le plus longtemps possible, tant que la furie du Roi ne s’est pas encore exprimée pour les pousser à la porte.

La corruption talon d’Achille du système Yayi

C’est surtout dans le domaine de la corruption que ce régime s’est le mieux illustré. Jamais aucun dossier de corruption n’a connu un aboutissement heureux pour les Béninois, devant la justice de notre pays. On a voté une loi contre la corruption, avec à la clé un discours décousu après sa promulgation comme s’il suffisait de voter une loi pour que l’hydre de la corruption disparaisse. Pendant ce temps, les pratiques génératrices de corruption se poursuivent. Elles ont noms, régionalisme, favoritisme, les passations de marche gré-à-gré aux mépris des textes en vigueur, les nominations fantaisistes qui ne respectent aucun texte réglémentaire ou législatif en la matière. Ces pratiques ont fini par discréditer le régime et son Chef et plonge le pays dans une situation de République Bananière ou le Chef peut se lever et mettre n’importe qui là où il veut.

Une Gouvernance en porte-à-faux avec la modernité

Les pratiques de la gouvernance moderne recommande que lorsqu’un Chef d’Etat quitte le pouvoir ou s’apprête à le quitter au terme de son ou ses mandats constitutionnels, qu’il fasse le point de l’héritage qu’il laissera à son peuple. Ainsi, personne ne sera étonné que les Ivoiriens, dans leur immense majorité reconduisent le Président Alassane Ouattara dont le bilan d’un peu plus de trois ans de gestion de pouvoir, est plus qu’élogieux. On y bavarde moins, on y utilise moins de slogans soporifiques, on y instrumentalise moins les institutions de la République et les résultats sont visibles. La croissance, n’en parlons pas, elle avoisinera bientôt les deux chiffres. Voila un modèle de gouvernance, même si le train de la réconciliation nationale a du mal à atteindre sa vitesse de croisière. Dans le cas de notre Président, que laissera t-il comme héritage? Un pays gangrène par la corruption dont la commande est tenue au plus haut niveau. Pour avoir ose le dénoncer, Maitre Lionel Agbo a été soumis au supplice de l’exil forcé. Aussi, les affaires de milliards éclatent-elles régulièrement sans que le peuple n’ait jamais eu droit à une justice conséquente pour en punir les coupables.

La charrue avant les boeufs

On a souvent parlé de réformes depuis le KO de Mars 2011, après que le premier quinquennat s’est  soldé par un échec retentissant. Le second est pire dans la mesure où les réformes évoquées à cor et à cri ont toutes eu du plomb dans l’aile. Qu’il s’agisse des réformes du PVI ou de celles de la filière coton censées tirer la croissance vers le haut, leur conduite sans réflexion, au pas de charge et avec l’intention d’instrumentaliser les acteurs pour se pérenniser au pouvoir, ont toutes échoué, au point ou l’Etat censé se limiter dans ses fonctions régaliennes, s’est mué en producteur et vendeur de coton. Quel recul! Dans ces conditions, comment espérer une croissance qui puisse contribuer à atténuer la misère des populations? L’Etat moderne n’est pas un commerçant et ne sera plus jamais un opérateur économique.

Le secteur privé axphycié

Pour anéantir les chances de notre pays de bâtir une économie qui repose sur la bourgeoisie nationale, on a voulu instrumentaliser les rares opérateurs économiques de notre pays. Tout y est passé; du harcèlement fiscal à l’invention de complots. Tout cela sur un fond de gaspillage des ressources de l’Etat pour payer des honoraires d’Avocat qui perdent tous les procès intentés contre l’Etat ou par l’Etat lui-même contre les individus. Une débâcle judiciaire dont le verdict de la cour d’appel de Paris dans les affaires de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat et de complot de Coup d’Etat ont été le couronnement. Dans le même temps, toutes les propositions faites par des operateurs économiques pour faire avancer leur pays sont restées lettres mortes, y compris les recommandations de la table ronde sur le partenariat public-privé tenue en Octobre 2012 et dont le Chef de l’Etat lui-même a assisté aux travaux 72 heures durant. Après quelques jours de comédie dont le Ministre de l’Economie et des Finances s’est révélé l’acteur principal, le gouvernement a eu du mal à dissimuler sa haine, que dis-je sa peur pour le leadership de Sébastien Ajavon.

Célébration des 8 ans de Boni Yayi : prières, chants et danses pour voiler les échecs

Dans un contexte pareil, on ne peut que servir au peuple, des chiffres imaginaires et controversés sur la croissance. Dans un monde ou la collecte et le traitement des données macro-economiques obéissent à des principes méthodologiques de transparence et de rigueur, il ne saurait y avoir de débat autour des taux de croissance. Le Bénin de Boni Yayi s’est malheureusement illustré dans ces pratiques. Aussi instrumentalise-t-on des fonctionnaires internationaux carriéristes en mission au Bénin au titre des institutions de Bretton Woods pour venir au secours des affabulations et autres mensonges sur les chiffres de la croissance.

La Lépi, véritable serpent de mer

La tricherie et le mensonge sont devenus le mode de gestion, l’un et l’autre utilisés pour endormir le peuple afin de mieux le maintenir dans l’ignorance. Paradoxe saisissant, le Président de la République qui été élu en Mars 2006 avec une liste électorale manuelle sans que personne n’ait contesté son élection s’est engagé, avec la complicité de ses compagnons saisis au cou par le régionalisme et la communauté internationale à la recherche de leurs intérêts de carrière personnelle, dans la confection d’une liste électorale permanente informatisée (Lépi), vieux dossier, vite détournée de ses objectifs primaires pour en faire un outil de confiscation du pouvoir et de promotion du monopole politique dans la gestion des affaires de l’Etat. Le discours officiel, c’est que des morts votaient et la Lépi étaient destinée a mettre un terme a cette anomalie. A suivre le régime dans sa logique, c’est que des morts ont voté pour l’avènement de Boni Yayi au pouvoir en Mars 2006 dans la mesure ou il a été élu sur la base d’une liste manuelle.

Véritable serpent de mer, personne ne peut parier de la destination vers laquelle la Lépi nous conduit, tant les acteurs commis a sa correction et le commanditaire en chef sont abonnes a la tricherie et au mensonge d’Etat. Attendons d’y voir clair a la prochaine consultation électorale dont personne ne peut non plus parier de la tenue, tellement ce régime nous a habitués à ne pas tenir les élections à bonne date.

Les conseils des ministres de l’ère Yayi : entre innovations et incongruités

Pendant que la danse autour de la Lépi est en cours et que la recherche de moyens de conservation du pouvoir par le même groupe se poursuit, l’école est en berne et avec elle une partie de l’administration fermée pour cause de grève qui dure depuis bientôt trois mois. La médiocrite du dialogue social ou même l’absence de ce dialogue est la caractéristique principale de ce régime qui est prêt à sacrifier l’intérêt général pour protéger des fonctionnaires coupables de non respect des libertés. Dans quel pays un Président de la République peut-il engager ce bras de fer avec les syndicats pour une affaire aussi claire que celle dans laquelle se distingue négativement pour lui-même, sa famille et l’histoire, un Préfet qui a ouvertement enfreint aux règles élémentaires de la démocratie et de l’Etat de droit, avec la complicité du Commissaire  central de la ville de Cotonou? C’est uniquement au Benin. Et comme l’incohérence est con-substantielle au le régime, le Chef de l’Etat lui-même, au lieu de tirer les conséquences de l’acte de ses fonctionnaires en mission commandée, s’est fendu d’excuses plates au nom disait-il « de la nation », après avoir quelques semaines plutôt déclare devant micros et caméras que les manifestants blesses et conduits à l’hôpital se sont couverts de sang de mouton. Dans quelle République sommes-nous? Un Chef d’Etat peut-il se livrer à un tel exercice?

 

La Justice, citadelle imprenable

Contrairement à certaines de nos institutions qui ont vendu leur vocation constitutionnelle à l’Exécutif pour des raisons que l’histoire de notre pays retiendra, les magistrats ont résisté aux nombreuses pressions et tentatives de vassalisation de leur pouvoir. Sur plusieurs fronts, ils ont dit non à une justice aux ordres. Aux accusations de corruption venant de leur hiérarchie, ils ont oppose une sérénité déconcertante même quand on a réussi à dédoublé leur syndicat pour des  causes inavouées.  C’est bien cette justice, enracinée dans sa volonte de dire le droit et rien que le droit, qui a brise le rêve du Prince de faire de Patrice Talon, jadis son bailleur de fonds, le bouc émissaire de sa mauvaise gouvernance, puisque les non-lieux du juge Angelo Houssou ont sonné le glas de l’échafaudage empoisonnement-coup d’Etat censé servir de prétexte pour justifier tous les errements de ce régime.  Les magistrats béninois qui continuent le combat du respect des principes de base de leur profession face a un pouvoir exécutif rongé par l’incohérence, la manipulation et la politisation à outrance de l’administration méritent notre respect et notre admiration.

Une mauvaise compréhension de la fonction présidentielle

Cela fait longtemps que l’unanimité s’est faite autour de l’idée que notre Président ne maitrise même pas les contours de la fonction présidentielle. Mais il veut toujours être là, sans résultats et sans même comprendre ce que le peuple, seul dépositaire du pouvoir attend de lui et de ceux qu’il lui plaît de nommer à de hautes fonctions de l’Etat. Cela se sent dans son discours souvent incohérent et dans ses actes et décisions souvent incongrus. Dans un tel contexte, à quel bilan peut-on s’attendre, sinon à la désillusion de ceux qui sous le coup de la haine, de la jalousie, de leur inconséquence et manque de véritable conviction politique, ont conduit notre pays dans le gouffre où il est actuellement. Lorsqu’on s’en tient simplement aux nombreuses déclarations malheureuses qui ont jalonné ce deuxième mandat qu’il s’est donné, le Chef de l’Etat a largement démontré son manque de vision pour construire une nation comme il le clame souvent. Pis, il n’a pas le sens de l’Etat et démontré sa haine mal voilée a une partie du pays. La mise en oeuvre de la fameuse politique non écrite des « quotas » et le frauduleux concours de recrutement des agents de l’Etat au profit du Ministère des Finances que le gouvernement a mis une éternité pour annuler malgré l’évidence et la réprobation générale en sont une parfaite illustration. La décision solennellement  prise par le gouvernement et son Chef en conseil des Ministres de valider cette mascarade et de renvoyer les admis dans l’administration constituent autant de preuves du mépris de ce régime pour les valeurs républicaines d’équité, d’égalité et de justice.

La laïcité de l’Etat mise a mal

Un autre indice de la méconnaissance des exigences de la fonction présidentielle est la mise a mal de la laïcité de l’Etat. Non content de livrer le pays a un groupe de pasteurs tapis dans les allées du pouvoir, on soumet les Béninois a des cultes retransmis en direct a la télévision des heures durant. Aucun dirigeant n’a le droit de soumettre son peuple a un tel exercice, dans un Etat que la constitution proclame laïc. Le faire comme on a pu observer le samedi dernier sur la chaine de télévision privée du régime, est un parjure et un manque d’égards pour les Béninois qui n’ont absolument rien à voir avec ces genres d’entorse aux principes fondateurs de notre République.

Eviter la réédition de Mars 2006

Pour que notre pays retrouve le chemin du développement, il nous faut absolument éviter de répéter les erreurs de Mars 2006. A cet égard, la classe politique, la société civile et toutes le personnes de volonté qui pensent réellement au progrès de notre pays doivent s’organiser pour empêcher les intellectuels à « cols blancs » encore appelés « technocrates » de s’emparer du pouvoir politique. Il nous faut donner sens et vie aux principes consacrés dans la constitution du 11 Décembre 1990 et qui font des partis politiques de vrais animateurs de la vie politique. C’est logiquement en leur sein que doivent être recherchés, les leaders capables de conduire la destinée de notre pays.  A défaut de cela, on continuera les aventures du genre de celle qui immerge actuellement notre pays. L’avenir de notre pays en dépend.

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