Rosine Soglo entre vérité et racisme

D’habitude, quand elle prend la parole hors hémicycle, c’est qu’elle est en colère. C’est vrai qu’en balayant du regard notre cadre de vie, en donnant l’oreille à la rue, en parcourant nos villes et campagnes, la colère chez elle, comme chez tout patriote, doit être explosive.

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Le pays tel que gouverné, n’avancera, pendant des siècles, même pas d’un seul millimètre. Bien au contraire, il reculera, s’enlisera et se retrouvera au fond du gouffre tandis que courtisans, jouisseurs et autres parasites accrochés à ses mamelles, continueraient à sucer son lait, impitoyablement, inexorablement jusqu’à la dernière goutte. Pour cela, je comprends Madame Vieyra Soglo, même si, en tant que parlementaire depuis vingt ans, elle a participé passivement ou innocemment à cette situation.

Mais qu’un compatriote, honnête et compétent, parce qu’aspirant à une ambition politique majeure, puisse être traité par elle de façon aussi extrême, me semble injuste. Ce discours relève de l’amalgame et devient, par son âpreté, à la fois outrancier et un brin raciste.

Lionel Zinsou est issu de parents béninois et comme de milliers de Béninois avant lui, il a fait ses armes en France, puis s’est frayé son chemin dans les arcanes de la gauche politique. Qu’on dise qu’il est un pur produit de l’éducation à la française est un fait. Nicephone Soglo est aussi une émanation de l’éducation franco-française, énarque au surplus, habitué aux mondanités françaises qu’anglo-saxonnes. Quand il avait voulu accéder à la magistrature suprême, on disait de lui qu’il n’était pas « très » béninois. On se rappelle que chaque fois qu’il voulait s’exprimer en fon, le public retenait son souffle en même temps que son rire. « Fon tché gbé yon a, se défendait-il, voa mou djé agba gba »( mon fon est mauvais, mais je me débrouille).

Lire Rosine Soglo : « Lionel Zinsou ne peut diriger le Bénin »

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Certes, le fon de Lionel Zinsou n’a peut-être pas franchi le cape de L’abécédaire, mais à la longue, il serait plus audible s’il décidait lui-même de s’inculturer. Car, ce qui fait justement la différence entre les deux, c’est que Soglo avait de son pays une connaissance innée et pratique due à ses immersions épisodiques alors que Zinsou en a une approche nostalgique et intellectuelle. De plus, au moment de sa candidature à l’élection présidentielle en 1991, Soglo avait bénéficié du soutien et de la solidarité de la diaspora politique alors qu’ici, Zinsou est positionné par un régime impopulaire, avec, attachées à ses pieds, les casseroles d’une gouvernance calamiteuse où vols, corruptions, fraudes aux différents examens, concussions sont devenus la marque de fabrique.

Autre chose: autant Soglo est noir et servi comme tel, autant Zinsou est métis et considéré comme Yovo. Et qui dit « yovo » dit, pour nombre de Béninois, « étranger », « France-Afrique » et ses corollaires négatifs. Nicephore Soglo, bien avant son épouse, considère cette nébuleuse comme la plus grosse traîtrise de la coopération entre l’ex-puissance coloniale et ses anciens territoires. Lui-même avoue en avoir été victime avec les résidus du réseau Foccart en 1996, réseau qui aurait contribué à son éviction du pouvoir. Pourtant, n’était-il pas « yovo » à peau noire?

Justement reparlons de ce mot « yovo ». Utilisé par Rosine Soglo et connoté comme tel, c’est-a-dire « étranger, extérieur à la culture béninoise », il relève du racisme. Car si le thème de la couleur de peau disparaissait ou devenait anecdotique, que resterait-il à l’analyse? En quoi Ganiou Soglo, Leady Soglo seraient-ils différents fondamentalement de Lionel Zinsou? Et depuis quand, dans la constitution, le mot yovo est devenu un critère d’exclusion? Sainte Beuve disait:  » il n’y a de recours au racisme que devant la faiblesse des arguments »

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