Candidature d’Atao Hinnouho : « Un retropédalage douloureux de la cour », selon Adjaka

Suite à la décision EP 16-005 du 30 janvier, la cour constitutionnelle a validé la candidature de l’honorable Mohamed Atao Hinnouho. Cette décision, selon le magistrat Michel Adjaka est en contradiction avec une autre décision prise par de la même cour.

Publicité

En évoquant la décision Dcc 15 du 16 juillet 2015, le président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) a fait comprendre que la Cour s’est contredite et a violé sa propre jurisprudence. Mieux, Michel Adjaka a indiqué dans une publication sur sa page facebook que par la décision EP 16-005 du 30 janvier, la Cour constitutionnelle a raté une sacrée opportunité de censurer une manœuvre politicienne grossière et blâmable. Lisez plutôt.

Validation des candidatures à l’élection présidentielle, quand la Cour Constitutionnelle se dédit, se contredit et viole sa propre jurisprudence

Suivant Décision DCC-15 du 16 juillet 2015, la Cour Constitutionnelle a rendu une sentence d’une portée juridique, politique et historique très grave pour la jeune démocratie béninoise.

Des faits de la cause, il ressort que dans le cadre des élections présidentielles du 28 février 2016, le bureau politique du parti l’Union Fait la Force (UFF) a procédé à la sélection d’une liste de candidats potentiels à soumettre au congrès dudit parti prévu pour le 20 juin 2015. Après analyse des différentes candidatures, alors qu’il a retenu la candidature de l’Honorable Atao M. HINNOUHO, né vers 1976, le bureau politique de l’UFF a rejeté celle de Hermès GBAGUIDI, 3ème candidat proposé, motif pris de ce que né le 19 novembre 1976, l’intéressé ne remplirait pas les conditions prévues par l’article 44, 4ème tiret de la Constitution du 11 décembre 1990. Selon le requérant Hermès GBAGUIDI, le bureau politique de l’UFF, qui a confondu «40 ans au moins» avec «40 ans révolus au moins», a violé les articles 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et 26 de la Constitution béninoise.

Saisie par requête en date du 11 mai 2015, la Cour Constitutionnelle, en s’appuyant sur le principe général de droit tiré de l’égalité des citoyens devant la loi, a décidé que Monsieur Hermès GBAGUIDI, né le 19 novembre 1976, satisfait aux exigences de l’article 44, 4ème tiret de la Constitution, motif pris de ce que ledit article «indique que pour être candidat à l’élection du président de la République il faut être âgé de 40 ans au moins à la date du dépôt des candidatures ; que la date du dépôt des candidatures pour l’élection du président de la République se situe dans l’année de l’élection; qu’il en résulte que pour être candidat à l’élection du président de la République, il faut être âgé de 40 ans au cours de l’année de l’élection; que l’âge atteint par une personne au cours d’une année civile donnée, c’est-à-dire, à une date quelconque de cette année correspond à l’âge atteint par cette personne au 31 décembre de l’année en question en application de l’adage de droit français «Année commencée, année acquise », du latin, «annus incoeptus habetur pro completo», qui signifie :«L’année entamée doit être tenue pour écoulée .»

Publicité

Pour aboutir à cette décision surprenante, inquiétante et très critiquable, la Cour constitutionnelle a fait la démonstration suivante :

Considérant que dans le cas d’espèce, il ressort des éléments du dossier que la candidature de Monsieur Hermès A. C. GBAGUIDI dans la perspective de désignation par le parti Union fait la force (UFF) d’un candidat pour compétir à l’élection présidentielle de 2016 a été rejetée au motif qu’il n’aurait pas atteint l’âge requis ; que le requérant est né le 19 novembre 1976; que l’élection est prévue pour l’année 2016 ; qu’au cours de cette année, le requérant aurait atteint 40 ans ; qu’en conséquence, il satisfait aux exigences de l’article 44, 4ème tiret de la Constitution et il sied de dire et juger que c’est à tort que son dossier a été rejeté par le parti UFF, alors que celui de Monsieur Atao M. HINNOUHO, remplissant au même titre que le requérant les conditions d’âge, parce que né vers 1976, a été retenue ; qu’en agissant tel qu’il l’a fait, le bureau politique de l’UFF a opéré une discrimination.»

Il ressort de l’argumentaire développé par la Cour Constitutionnelle que l’Honorable Atao M. HINNOUHO est membre du parti l’UFF de l’Honorable André OKOUNLOLA. Autrement, il n’aurait pas pu être candidat à la candidature de ladite formation politique.

Mieux, c’est justement parce que l’Honorable Atao M. HINNOUHO et Monsieur Hermès GBAGUIDI sont tous deux membres de l’UFF que la Haute juridiction constitutionnelle a déclaré contraire à la Constitution la désignation du premier comme candidat de l’UFF et le rejet de la candidature du second.

Curieusement, alors qu’elle a admis l’appartenance de l’Honorable Atao M. HINNOUHO au parti UFF, la Cour Constitutionnelle, suivant décision EP 16-005 du 30 janvier 2016, et contre toute attente, a validé la candidature de l’Honorable Atao M. HINNOUHO qui s’est présenté, non pas sous la bannière de l’UFF, son parti politique aux termes de la Décision DCC-15 du 16 juillet 2015, mais comme candidat du parti RESO ATAO. Pourtant, l’intéressé n’a jamais démissionné de l’UFF, parti auquel il appartient selon la Cour Constitutionnelle. En validant comme elle l’a fait la candidature de l’Honorable Atao M. HINNOUHO à l’élection présidentielle du 28 février 2016, la Cour constitutionnelle a ratifié son appartenance à deux formations politiques : l’UFF et le parti RESO ATAO.

Or l’article 26 de la loi n°2001-21 du 21 février 2003 portant charte des partis politiques dispose que «Tout citoyen jouissant de ses droits civils et politiques est libre d’adhérer au parti politique de son choix. Il est tout aussi libre d’en démissionner.

Toutefois, nul ne peut être membre de plus d’un parti politique.»

En violant royalement et allègrement les termes de sa propre décision rendue il y a quelques mois seulement, la Cour constitutionnelle se dédit, se contredit et viole l’article 26 de la charte des partis politiques qu’elle est pourtant tenue de faire respecter. Par cette décision, la Haute juridiction constitutionnelle crée une insécurité juridique et donne carte blanche aux béninois d’appartenir à deux formations politiques.

Peut être qu’à travers la décision EP 16-005 du 30 janvier 2016, la Cour Constitutionnelle tente de neutraliser les effets de la Décision DCC-15 du 16 juillet 2015 qu’elle considère comme un incident d’instruction et de délibération, surtout que l’Honorable Atao M. HINNOUHO n’a pas été curieusement entendu avant qu’elle ne le déclare membre de l’UFF. C’est d’ailleurs cette faille procédurale qui a permis à l’Honorable Atao M. HINNOUHO, en réponse à la levée de boucliers suscitée par la Décision DCC-15 de nier son appartenance à l’UFF sans jamais porter plainte contre son collègue André OKOUNLOLA et monsieur Hermès GBAGUIDI qui ont abusivement fait usage de ses données personnelles.

En validant la candidature de l’Honorable Atao M. HINNOUHO, la Cour Constitutionnelle a raté une sacrée opportunité de censurer une manœuvre politicienne grossière et blâmable.

Aussi s’est-elle rendue compte de son erreur pour n’avoir pas recueilli l’avis préalable de l’Honorable Atao M. HINNOUHO sur les faits ayant conduit à la Décision DCC-15, et qu’elle tente certainement, au moyen de la décision EP 16-005 du 30 janvier 2016, de se dédouaner en opérant un rétropédalage douloureux. Pour le moment, il est prématuré de parier sur un revirement de jurisprudence. En attendant que la Cour fasse clairement volte-face, la situation de l’Honorable Atao M. HINNOUHO viole l’article 26 de la Charte des partis politiques.

Par ailleurs, s’il est une réalité que la Cour Constitutionnelle est souvent destinataire de recours fantaisistes, il n’est pas juridiquement, politiquement et socialement acceptable qu’elle consacre une situation juridique et refuse de s’y conformer. Les décisions de la Cour Constitutionnelle sont sans recours, et s’imposent à toutes les institutions de la République, y compris la Cour elle-même.

En tant qu’ultime rempart de l’édifice démocratique, la Cour Constitutionnelle a le devoir de rassurer davantage le peuple béninois par sa science et son office, surtout en période d’élection présidentielle, moment à forte teneur de contestations et de conflits.

C’est le prix à payer pour la paix, pour l’avènement d’un système partisan crédible et l’enracinement de la démocratie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité