Les résultats des examens nationaux de fin d’année ont livré leurs verdicts : A peine 40% AU CEP, 16% au BEPC ; 30% au Bac. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ces résultats.Le constat est unanime : l’école béninoise est dans le gouffre.
Quelle est la radioscopie de l’école béninoise ?
Au BEPC : Dans le département du Littoral, Cotonou, nous avons 18 établissements secondaires publics qui ont présenté au BEPC. Ces 18 établissements publics ont présenté un effectif total de 9356 candidats ; ce qui fait une moyenne par établissement de 518 élèves. Ils ont eu 1293 admis, soit un taux d’admission de 13% environ. Les établissements privés ayant présenté des candidats sont au nombre de 140 pour la seule ville de Cotonou. Ces établissements privés ont présenté comme effectif total 7274 candidats ; ce qui fait une moyenne par établissement de 52 candidats. Les résultats des admis est de 2730, soit un taux de réussite de 37,53%.
Dans l’Atlantique, nous avons 73 établissements publics qui ont présenté un effectif de 18.071 soit une moyenne de 248 candidats par établissement et 368 établissements privés qui ont présenté 16059 candidats ; ce qui fait une moyenne de 44 candidats par établissement ; ces établissements ont eu 4671 admis soit un taux de29%.
Dans l’Ouémé, 72 établissements publics ont présenté un effectif de 22.387 candidats ; ce qui fait une moyenne par établissement de 311 et ont eu comme admis : 2848 soit 12% ; les établissements privés au nombre de 204 avec effectif de candidats : 6340, ce qui fait une moyenne par établissement de 32 ; ils ont eu 3626 admis soit 57% de succès. (Source : ONG Le Jour des Premiers, Résultats au BEPC des établissements ; in Le Matinal, Le supplément Education N°1 Septembre 2016)
Au Bac : Le classement des établissements ayant présenté au bac en 2016. (Source : Office du Bac) nous donne ceci : nous avons 879 établissements ; sur ce chiffre les CEG constituent 324 et présentent le plus gros des effectifs. Parmi les 119 premiers ayant obtenu plus de 50%, nous avons seulement 8 établissements publics dont deux établissements militaires, quatre établissements de jeunes filles et 2 CEG. Donc sur les 8 établissements publics 6 sont à internat. Parmi les 100 derniers, on ne trouve que 16 CEG, et les derniers 25 établissements ayant obtenu 0% sont des établissements privés.
Conclusion : 1°- Nous assistons à un envahissement de l’institution scolaire par le privé ; notamment dans les centres urbains. Cotonou et l’Atlantique ont les palmes d’or de la situation avec 140 établissements ayant présenté au BEPC atteignant même près de 78% de l’effectif du secteur public pour Cotonou et 368 établissements privés pour l’Atlantique avec un effectif qui va jusqu’à 89%. Quant à l’Ouémé malgré le grand nombre d’établissements privés (204), l’effectif présenté au BEPC fait à peine 28% de l’effectif du public.
2°-Parmi les établissements privés les ébahissements confessionnels catholiques quadrillent pratiquement tout le territoire et même les arrondissements des villes ; renouant ainsi avec l’hégémonie de l’Eglise catholique connue à l’école primaire pendant la période coloniale et qui fait aussi son influence hégémonique au sein de la classe politique béninoise actuelle.
3°- Les résultats aux examens de cette année ont été mauvais en général tant dans les établissements publics que privés. La très large majorité des établissements ayant eu de très bons scores sont des établissements confessionnels ; parmi lesquels les établissements catholiques qui ont ainsi démontré leur degré d’organisation à ce niveau. Malgré ces résultats à ce niveau, cela n’a pas influé sur le résultat global du fait du caractère très minoritaire et très sélectif (par l’argent) de ces institutions privées.
5°- Les effectifs présentés par les établissements privés sont légers, en moyenne 50 candidats alors que les établissements publics alignent les effectifs de plus de 200 candidats avec un pic pour le Littoral, soit 518 par établissement. Le gros lot de notre école demeure l’école publique. C’est dire que les bons résultats là où on en enregistre sont explicables à la fois par l’effectif léger dans les classes (ce qui permet un bon encadrement) ; à l’opposé des établissements publics à effectif pléthorique par classe (70-80) et les coûts de la scolarité privée dont la moyenne dépasse largement les 120.000 francs/an, niveau dont sont exclus la plupart des foyers de notre pays dont le revenu moyen quotidien par tête d’habitant fait à peine deux dollars US soit 500 francs CFA.
6°- C’est dire qu’à tous les points de vue, L’école publique demeure le centre de l’école au Bénin et que l’école privée n’est pas la panacée.
Au regard des résultats catastrophiques de cette année, des voix se sont élevées pour soi-disant doigter la gratuité décrétée par l’ancien pouvoir comme coupable selon eux des échecs. Il faut ici opérer une distinction entre la gratuité de l’école et le non-paiement des contributions. Ce qui a été jusque-là fait par le régime précédent c’est le non-paiement des contributions. Mais pour un élève, il n’y a pas que les contributions pour réussir ; il y a les fournitures, les livres… La gratuité de l’enseignement primaire et même secondaire jusqu’en classe de troisième (autrement dit l’école élémentaire) n’est plus au plan universel au stade d’exigence; c’est désormais un droit exigible par tout peuple (Cf. Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 en son article 26 qui dit « Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé, l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite ». Certes, la mise en œuvre de la gratuité faite par le gouvernement de Yayi Boni est brouillonne et non rationnelle. C’est cette rationalité qu’il s’agira d’introduire pour l’effectivité de la jouissance par notre peuple d’un droit constitutionnel. Le gouvernement de Patrice Talon semble attiré par les sirènes de la suppression de la gratuité ; des rumeurs ont circulé ces derniers mois sur la question ; finalement cela n’a pas été le cas du moins pas encore. Mais la mesure de la suppression de la gratuité des contributions des filles au second cycle semble aller dans ce sens. Ce sera dommage et notre peuple ne l’acceptera pas d’autant plus qu’au lieu de cela on veut financer au contraire l’enseignement privé.
(A suivre)
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