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Musique : Kmal décroche une grande opportunité pour le Bénin avec Berklee au Gabon (vidéo)

Kmal Radji, artiste slameur et activiste béninois connu pour ses positions panafricanistes, afro-optimistes et anti-occidentialistes. Alors que des critiques acerbes l’accablent d’avoir été à Boston aux Etats-Unis malgré ses points de vue anti-américains, il confie en exclusivité à la Nouvelle Tribune qu’il est de retour de  Libreville au Gabon où il a pris part à un workshop de Berklee la grande université américaine de musique avec qui il a réussi à décrocher un avis favorable pour une  opportunité de formation et de promotion musicale pour les jeunes talents de son pays, le Bénin.

Kmal, tu as effectué un déplacement sur Boston qui t’a valu des critiques virulentes parce qu’auparavant tu as eu des positions panafricanistes, afro-optimistes mais anti-occidentialistes. D’aucuns n’arrivent pas à comprendre comment tu peux te rendre dans un pays de Blancs quand tu prends des positions contre des Blancs.

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En vérité, je n’étais pas à Boston. J’étais dans un pays africain et comme presque souvent, je l’avais écrit sur ma page Facebook dans mon poste du 09 janvier mais certains n’ont pas pris le temps de lire avant de s’acharner contre ma personne. J’étais à Libreville (Gabon Ndlr). Je suis parti pour un workshop organisé par la grande université de musique, Berklee qui est un peu comme le Harvard de la musique avec son siège aux USA. Et, même si jetais à Boston ! Ce n’est pas parce que nous prenons des positions contre la politique occidentale, américaine, leur vision sur le monde que cela fait de nous des racistes, des gens qui n’aiment pas l’autre, qui n’aiment pas l’homme blanc. Non, ce n’est pas cela.

Il y a beaucoup de personnes qui aiment toujours pervertir les discours et qui amènent à l’extrémisme. Moi, je suis parti pour parler de mon pays en tant qu’artiste. Et s’il faut aller défendre en Amérique, mon pays je le ferai. S’il faut aller parler de mon pays, vendre les talents de mon pays où que ce soit sur la terre, j’irai parce qu’après tout, cette lutte que nous menons pour l’autodétermination africaine, nous le faisons pour l’humanité. Que ce soit les jeunes d’ici, les jeunes en France, nous avons un ennemi commun: l’impérialisme mondial qui maintient des hommes et des femmes dans la pauvreté chronique. Alors, certaines personnes cherchent à pervertir le discours. Il faut ramener ces personnes à l’ordre et leur dire que c’est de la petitesse d’esprit d’être raciste. Ce n’est pas parce que nous dénonçons la France et le franc Cfa que nous sommes racistes anti-français. Nous avons des amis français qui comprennent notre dynamique. Et en occident tout n’est pas si diabolique !

https://www.dailymotion.com/video/x7l9nwo

Puisque tu étais à Libreville, peux-tu nous dire en substance ce que tu as fait pour le Bénin là-bas ?

L’un des gros problèmes que nous avons au Bénin et un peu partout dans les autres pays africains, c’est le comment vendre la musique africaine ? Le Bénin n’a pas eu assez d’école de formation pour créer le circuit culturel et en faire une économie dynamique. Berklee, pour moi, a toujours été une grande opportunité. Au-delà du fait que c’est une école, Berklee est un grand circuit de création de vente de la musique et de la culture. Dans, l’histoire du Bénin depuis 1960, il n’y a eu que 04 Béninois qui sont allés à Berklee : Oscar Kidjo, Angélique Kidjo, Gilles Lionel Louèkè et récemment un jeune, Géovanni Houssou. C’est un creuset où des gens font de grandes rencontres. Il y a plein de ressortissants des autres pays africains dans cette université. Berklee a voulu mettre une plateforme sur l’Afrique. Comprenant ainsi le grand marché que représente l’Afrique.  Ils ont repéré des jeunes pour prendre part à un workshop et faire vivre l’expérience. Ma présence à Libreville avait simplement pour but de positionner le Bénin dans cette nouvelle volonté de mettre en place une grande plateforme de la musique afin de créer un grand circuit de production de véritables talents.
Je suis allé là-bas pour pouvoir mettre Berklee et le ministère de la culture de mon pays en collaboration afin de faire en sorte que de jeunes Béninois puissent avoir des opportunités de bourses d’études à travers des fondations.  Berklee est en train de créer une grande université sur un domaine de près de six hectares au Gabon avec tout ce qu’il y a de technologies de pointes, tout ce qu’une grande université d’audiovisuelle pourrait avoir en Occident et en Afrique. Je recherchais aussi un circuit de festival musical où des talents peuvent se vendre pour mon pays puisque Berklee envisage de mettre en place de grands awards sur le plan africain avec de grandes maisons de production en Occident pour l’Afrique.

Depuis 1960 jusqu’à ce jour, il n’y a eu que quatre talents béninois qui ont pris par le cette université à Boston. Comment expliques-tu cela ?

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Cela est dû d’abord au fait de l’argent, au manque de connaissances des opportunités et au manque du devoir des gouvernants. Le gouvernement doit créer ces opportunités pour vendre les talents béninois parce qu’un jeune béninois qui réussit, ce sont des milliers d’autres qui vont réussir. Aujourd’hui, Berklee est prêt pour une telle dynamique. Ils ont la grande ambition de faire en sorte que l’artiste africain puisse vivre de son art.

Qu’as-tu retenu de cette rencontre au workshop de Berklee à Libreville ?

À ce workshop, il y avait près de 21 pays africains représentés. Il y a eu un grand panel avec Akon et Davido sur l’industrie musicale.  Nous avons fait des travaux sur la performance de scène avec des professeurs de musique venues de partout du monde qui ont l’habitude des scènes. Une chose qui revenait, c’était la performance scénique. Nous avons su que des gens achètent la performance de scène. J’ai pu démontrer ma capacité ce qui m’a amené à mon post qui a fait mouche chez des artistes béninois (rire). Pour un artiste qui est entré en studio et a enregistré un morceau, il ne sert à rien de venir sur scène et de reproduire les mêmes choses. Les gens ont besoin de performance. La performance est une industrie puisqu’il y a des metteurs en scène, des mannequins, des musiciens qui vont gagner de l’argent avec ça.

On aperçoit bien l’enjeu. Mais est-ce que tu as atteint l’objectif que tu visais, à savoir, mettre en collaboration les autorités en charge de culture au Bénin et Berklee ?

J’ai rencontré le staff de Berklee. Ils sont partants.  au-delà ils demandent qu’il y ait aussi des occasions pour pouvoir détecter des talents pouvant être financée aussi bien par le privé que par l’Etat pour pouvoir venir étudier la musique et accéder à tout le circuit de la création du business musical. Ce partenariat va être signé puisque Berklee est d’accord sur le principe. De retour à Cotonou, mon travail sera de faire en sorte que ce que je suis allé faire au Gabon puisse se mettre en place afin de permettre à de jeunes musiciens d’aller étudier la musique, comprendre le business de la musique pour que nous puissions être capable de sortir notre musique sur le plan international. Au Bénin, il y a de très grands musiciens, mais ils n’ont pas d’opportunités pour se vendre. Donc un partenariat de ce type avec Berklee va aussi permettre à des professionnels connaissant la musique africaine d’aller l’enseigner dans de grandes universités.

Puisque tu n’étais pas un envoyé spécial du Ministère en charge de la culture, est-ce que tu as déjà fait un point aux autorités béninoises à ton retour ?

Non. Mais le lobby doit se mettre en place. Je pense que lorsqu’il y a de grandes opportunités comme celle-ci pour notre pays, tous les Béninois sont des ambassadeurs. Ils doivent être des canaux par lesquels ces opportunités passeront pour atteindre leurs compatriotes. Nous avons déjà l’accord avec Berklee, ce qui est déjà formidable. Aujourd’hui, à Cotonou nous sommes en train de mettre en place une bibliothèque qui va être en même temps un bureau d’export de la musique. Avec un partenariat comme celui de Berklee, si les autorités ne sont pas intéressées, nous irons chercher des partenaires dans la zone ouest-africaine. Berklee veut, à travers l’African music institue, pouvoir démocratiser des démarches de lobbying afin d’aider les gouvernements à répondre à la sécurisation de la création artistique et musicales. Il faut pour cela, des entrepreneurs culturels qui comprennent la dynamique de pouvoir créer ces genres de circuits.

Tu sembles ne pas être sûr d’avoir l’accompagnement du ministère de la culture sur cette initiative.

Je ne pense pas. Il y a une nouvelle volonté aujourd’hui au Bénin qui se traduit par le Programme d’action du gouvernement. À l’écouter, on peut sentir la volonté politique. Je pense qu’à priori, quelque chose comme ça pourrait intéresser le gouvernement parce qu’il y a un fonds qui existe pour les arts et la culture et il faut que nous soyons à même d’utiliser ce fonds à bon escient pour vendre le Bénin.  

Une question d’actualité pour finir, Kamal, le milieu culturel est mouvementé. Les artistes, acteurs culturels sont mécontents de la gestion de l’actuel ministre de la Culture. À ton niveau, comment appréhendes-tu cette gestion dénoncée ?

C’est quelque chose de très triste. Le ministère de la culture au Bénin a toujours été un poste de remerciement politique.  Par rapport à mon domaine, le slam, il y a eu récemment un comité qui a été mis en place pour le calendrier culturel où on n’a pas fait appel à des slameurs. On a mis le slam en sous-comité. C’est quelque chose qui fâche la communauté slam. Mais au-delà de ça, je pense qu’il y a toujours les mêmes vautours, des personnes qui ont toujours fait que les choses soient comme ça qui sont toujours là. Tant qu’on ne va pas dénicher ces personnes et les punir pour le mal fait à la culture, rien ne va progresser. J’invite les acteurs culturels à aller se donner les moyens de leurs politiques pour pouvoir exprimer la passion, le génie qui est en eux. Tant qu’on va attendre que ce soit les gouvernants qui décident pour nous, les choses vont demeurer telles quelles sont.

Réalisation : Olivier Ribouis

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