Patrimoine culinaire : Le Bénin dans la sauce panafricaine de Chef Loïc Dablé

(Photo cuisine afro) Loïc Dablé, chef franco-ivoirien, consultant de plusieurs hôtels et restaurants en Afrique et en France est à Cotonou. Avec la Fondation Zinsou qui l’a accueilli ce jeudi après à sa descente d’avion, l’ancien juré de l’émission culinaire panafricaine, « Star chef », annonce qu’il est à la  recherche de spécificités culinaires béninoises dans le cadre d’un projet de valorisation de la gastronomie africaine.

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« Qu’est-ce qu’on mangeait il y a cinquante ans, cent ans, deux ans ? Qu’est-ce qu’on mangeait au royaume de Dahomey ? Pourquoi est-ce qu’on les mangeait ? Comment est-ce qu’on les mangeait ? ». Ce sont les questions de Loïc Dablé. Le jeune célèbre chef franco-ivoirien est à la recherche de recettes de grand-mère au Bénin. A peine ses valises posées, nous l’avons rencontré ce jeudi à la Fondation Zinsou où il prend ses quartiers pour un séjour de prospection du patrimoine culinaire béninois.

Bravant la fatigue de son voyage de Paris à Cotonou avec une longue escale à Casablanca, il dévoile l’ambitieux projet qui l’amène au Bénin, première destination d’une tournée africaine : « On voulait vraiment faire un retour aux sources et un vrai travail sur le patrimoine culinaire africain dans sa globalité. L’idée c’est de faire le tour de plusieurs capitales africaines. Ça s’appelle  l’African food art tour. On commence par le Bénin avec la Fondation Zinsou. On ira à Ouidah. Ensuite on va au Togo, en Afrique du Sud, au Gabon et on finit par le Sénégal dans un endroit mythique si tout va bien ».

Quid du Bénin ?

S’il est au Bénin, c’est aussi parce qu’il a déjà une idée de la richesse du patrimoine culinaire béninois dont un plat l’a marqué au moment où il était juré de l’émission panafricaine Star chef. « Au Bénin, vous avez un plat dont j’ai  oublié le nom, qui est un plat royal. Je l’ai goûté dans Star chef. Il y avait des gambas, des escargots et plein de choses » a-t-il dit.

Ce plat dont il parle ressemble au « mantindjan », une spécificité d’Abomey, la capitale historique du Bénin et ville du célèbre roi Gbêhanzin. « Je pense que c’est ça. C’est un plat qu’on mange à des occasions précises. Ce n’est pas un plat de tous les jours » a-t-il indiqué.  Le consultant et professeur de cuisine assure que «  la personne qui fait ce plat, fait de la gastronomie pure » parce que ça suit « le principe de la  réalisation d’une recette » et « il y a un côté artistique ».  En dehors de ce plat mythique, Loïc connaît un produit béninois qui l’a collé et qu’il  semble vouloir dompter. « Le fromage peulh. Ça, c’est un truc qui m’intrigue ! », apprend l’expert des fourneaux à propos de ce produit très prisé, communément appelé « amon » au sud-Bénin et produit en grande partie dans le septentrion. « Je suis venu une fois au Bénin, j’ai mangé du fromage peulh, je suis tombé malade. Et depuis je me suis renseigné au sujet de ce produit. Comment  est-ce qu’on le prépare ? Comment on le fait ? », répond-il à la  question de savoir comment il a connu ce produit. Pour sa mission au Bénin, précise Loïc : «  Je recherche des produits ». Il ne s’agira pas de faire des emplettes dans les marchés mais d’aller au contact des producteurs pour mieux appréhender les produits à retenir.

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« On a besoin d’aller chercher directement là où on les cueille, parce que dans le menu dégustation qu’on va vendre, il y a une dimension vérité qui est très importante…on ne va pas juste aller au marché, prendre des produits, les transformer et les vendre. On veut aller voir comment ils poussent, on veut voir les personnes qui les font pousser, on veut les travailler, on veut valoriser le travail quotidien de ces personnes-là » explique, le chef pour qui, il est impératif de valoriser le patrimoine culinaire africain.

Mise en avant du patrimoine culinaire africain

Concrètement, Loïc et son groupe sont dans une démarche d’affirmation des valeurs culinaires africaines méconnues des Occidentaux. « Pour la plupart des gens en occident, la cuisine africaine, c’est le Mafé, le Yassa, le poulet grillé ou braisé, à la limite, le poisson braisé et ça s’arrête là » apprend-il. Un regard réducteur qui n’est pas du goût du cordon bleu. Pour le chef irrité par cet état de chose, si la cuisine africaine est en reste, cela tient au fait qu’« il y a eu beaucoup de complexe et d’importantes choses à faire ne l’ont pas été ». C’est donc une mission pour la révélation des riches traditions culinaires africaines que Loïc Dablé a entrepris dans l’ambitieux African food art tour. « Je pense qu’aujourd’hui,  c’est à cette génération totalement décomplexée que nous sommes, d’assumer pleinement les choses, de les mettre sur nos dos pour les amener le plus loin possible » affirme l’expert en cuisine. Assumant leur part de cette mission revenant  à la nouvelle génération de chefs africains, Loïc apprend qu’avec son groupe qu’il dirige en France, ils travaillent au  quotidien pour « la mise en avant du patrimoine culinaire africain ».  Dans ce but de valorisation de la gastronomie africaine, le travail dans la restauration, a-t-il dit, « c’est de réunir cette Afrique ailleurs ».

Comment valoriser la gastronomie africaine ?

Fort de son immense expérience de chef, Loïc Dablé que son équipe appelle « poupée sexy » pour le côté marketing, a déjà une idée limpide de comment valoriser la cuisine africaine.  « C’est par l’habillage. C’est-à-dire, conserver l’ADN du plat, son goût, sa saveur d’antan mais de manière différente parce qu’on mange avec la bouche mais on mange aussi avec les yeux…le travail qu’il faut faire, c’est travailler les produits, leur donner la juste teneur qu’il faut pour que les personnes puissent les apprécier tout de suite » a-t-il expliqué.  Lui pour qui les cuisines des restaurants étoilés en France et en Grande Bretagne n’ont point de secret, signale qu’en fait « Nos recettes (africaines Ndlr) qui parfois sont excellentes et qui sont naturelles parce que c’est culturel, ne conviennent pas forcement à des Occidentaux ». Pour ce fait, a-t-il préconisé, il s’agit d’« allier tradition et modernité » dans les plats.

Le Bon plat selon chef Dablé

Déjà une quinzaine d’années que Loïc est dans les cuisines. « La cuisine, chez moi, confie-t-il, c’est ma vocation, c’est mon métier, c’est ce que j’aime faire, c’est ce qui me permet de m’exprimer ». Et quand on lui demande ce qu’il appellerait un bon plat, il répond : »Un bon plat, c’est un plat qui est fait avec amour ». A ce sujet, il explique : « une femme amoureuse, quand elle cuisine, même si elle est mauvaise cuisinière, ce qu’elle va faire sera bon, parce qu’il y aura de l’émotion, la bonne teneur en sel ». Selon le chef, cela vaut bien pour les hommes : « un homme amoureux, parce que c’est bientôt la Saint Valentin en plus, il va faire l’effort de faire quelque chose avec amour. Et ce qu’il va faire, ça va être bon. Même si c’est un peu brûlé, ça va être bon parce qu’il y aura la juste dose d’émotion qu’il faut ».  Du fait de l’ignorance de cet ingrédient qu’est l’amour, le juré de Star chef constate que « Beaucoup de femmes ne savent pas cuisiner, beaucoup d’hommes ne savent pas cuisiner ».

Aversion au cube

Avis à qui aura à faire à Chef Loïc Dablé comme juré. Il a une sérieuse aversion au cube et ne s’en cache pas.  « Je n’apprécie pas le cube. Je déteste le cube ».  Il ne comprend pas le regain d’intérêt que les gens ont pour ce produit et interroge : « La question que je pose en retour, c’est, est-ce qu’il y avait du cube, il deux cent ans ? Est-ce que les gens au village, cuisinent avec du cube ? ». Il n’en est pas sûr et prévient : « Le cube est un exhausteur de goût, il y a beaucoup de sel ». A son avis, le cube « dénature » les recettes africaines : « Je crois qu’il est venu dénaturer nos recettes. A cause du cube maggi, on ne connaît plus vraiment le goût d’un poisson frais. Un poisson avec de la tomate et un poisson avec de la tomate et du cube, ça n’a rien à avoir ».

Autre chose, il constate qu’il y a beaucoup de polémiques sur le travail que les fabricants font sur ces concentrés de saveur. « Les gens, en Afrique se plaignent. On dit que les gens meurent de tension ou d’hypertension. C’est le trop de sel qu’il y a dans ces cubes qui font que les gens parfois ont des maladies cardio-vasculaires ». Conseil de chef, « c’est important de faire attention à ce qu’on mange ».

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