Avec le Colonel Kadhafi, l’Europe avait un interlocuteur de choix pour discuter des questions migratoires et contenir le flux de migrants à l’assaut de ses portes. Aujourd’hui, la Libye est devenue ce qu’elle est (sans ‘‘guide’’), pour les raisons que l’on sait. Conséquences : plus de 20.000 migrants ont atteint les côtes libyennes pour le seul début de cette année, parmi lesquels 3300 migrants repêchés pour la seule journée de dimanche dernier.
Les ministres européens veulent négocier, mais la Libye n’a plus d’interlocuteur crédible
Le phénomène des flux migratoires sur les côtes libyennes va grandissant et fait perdre le sommeil aux dirigeants européens. Les ministres de l’Intérieur des pays du pourtour de la Méditerranée centrale se sont retrouvés à Rome, hier lundi, pour réfléchir à la manière de mettre un terme aux flux migratoires depuis la Libye. Naturellement, une forte délégation libyenne a fait le déplacement. Mais personne n’est dupe ; tous savent que depuis la disparition de Mouammar Kadhafi, la Libye n’a plus d’interlocuteur valable capable de prendre et surtout de faire respecter les engagements en matière de gestion de flux migratoire tel que c’était le cas avec le Guide Libyen.
Quand ceux qui font office de dirigeants libyens demandent des moyens pour lutter contre les flux migratoires (c’est-à-dire des radars, des hélicoptères, des Zodiac et des voitures tous terrains), la partie européenne affiche immédiatement son inquiétude de voir ces engins militaires tomber aux mains des milices incontrôlées qui contrôlent aujourd’hui des pans entiers en Libye. Ça fait d’un.
D’autre part, si l’Italie serait disposé à rendre à la Libye la dizaine de Zodiac militaires confisqués en 2011, certains autres pays d’Europe préfèrent se cacher derrière l’embargo onusien sur la livraison d’armes qui frappe toujours la Libye pour refuser d’équiper convenablement les autorités libyennes actuelles. Il devient dès lors extrêmement compliqué de trouver un accord qui serait à l’image de celui conclu avec la Turquie il y a un an pour contenir le flux de migrants (notamment syriens) vers la Grèce et toute l’Europe ensuite. Encore que, aujourd’hui, cet accord est désormais brandi comme une arme de chantage par le président turc Recep Tayyip Erdogan qui l’utilise actuellement comme une épée de Damoclès sur la tête de cette Europe qui a, à l’exception de la France, refusé aux turcs de faire des meetings pro-Erdogan dans divers pays européens.
En attendant de voir s’il mettra à exécution la menace d’ouvrir ses frontières pour permettre aux migrants syriens de se déverser en Europe via la Grèce, la présence d’un homme fort, Erdogan, en Turquie, permet actuellement de contenir une moyenne de quinze mille entrées de migrants par jour. A contrario, l’absence d’un homme fort en Libye, comme du temps de Kadhafi, ne laisse pas d’autre choix à l’Europe, pour le moment, que de ‘‘contenir toute la misère du monde’’. Une misère dont elle est en grande partie responsable…
Répondre à Septime Potan DAUDET Annuler la réponse