«Volez l’argent de l’Etat, rien ne vous arrivera ». Au bout de quelques minutes de réflexions, c’est la phrase qui me paraît la mieux appropriée comme devise de notre pays. On devrait donc remplacer la fameuse trilogie : « Fraternité, justice, travail » par cette phrase qui, loin s’en faut, n’est pas une apologie du vol… Il y a longtemps, très longtemps, alors que nous avions pris nos distances avec des valeurs comme la fraternité, la justice et le travail. L’inversion des valeurs et la faillite morale ont réussi à nous transformer en des esclaves de l’argent.
« L’amour de l’argent est la racine de tous les maux », dit la Bible. Je fais usage du « nous » parce que le degré de pourrissement atteint n’épargne pas grand monde. Tous, nous sommes responsables de cette situation ; certes à des degrés de responsabilité différents. Beaucoup parmi nous ne s’étonnent plus de voir autour d’eux des gens devenir riches du jour au lendemain, et dépenser beaucoup d’argent sans en gagner autant. C’est ce qui explique le peu d’indignation observée lorsque les cas de prévarication éclatent çà et là.
L’un des derniers a livré un verdict qui a tôt fait de mettre en deuil les rarissimes chantres de la bonne gouvernance et de la lutte contre l’impunité, qu’on retrouve dans le pays. Pourquoi ne pas s’indigner devant une décision rendue avant-hier par le juge d’instruction dans l’affaire Ppea2. On se rappelle bien que le Ppea 2, acronyme de « Programme pluriannuel pour l’eau et l’assainissement 2 », fut l’un des derniers scandales qui éclaboussa le régime Yayi.
Des rapports d’audit avaient nommément accusé Barthélémy Kassa, le Ministre de l’énergie et de l’hydraulique de l’époque, des cadres de la Direction générale de l’eau et deux opérateurs économiques : Rock Niéri et Rémi Codo. La pression des Pays Bas, pays bailleur du projet, a poussé à la démission de Barthélémy Kassa du gouvernement, et à l’arrestation de tous ceux qui sont impliqués dans le dossier. Mais à l’heure de la traque, Rock Niéri, Rémi Codo et beaucoup de cadres de la Dge, n’ont pu être arrêtés.
Sur pression toujours de la partie hollandaise qui menaçait de rompre ses relations diplomatiques avec le Bénin, le gouvernement a présenté des excuses publiques et promis de punir sévèrement tous les auteurs de la prévarication. Mais hélas, la procédure de levée de l’immunité parlementaire de Barthélémy Kassa a foiré et les deux opérateurs économiques sont introuvables.
Mais la décision du juge -qu’on n’accuse pas-, ne devrait pas trop surprendre. Faut-il le rappeler, le gouvernement a lui-même décidé dans le collectif budgétaire de l’année dernière de rembourser 2 milliards de nos francs aux hollandais. Depuis l’avènement du régime Talon, l’un des mis en cause, en l’occurrence Rock Niéri -beau frère d’Olivier Boko-, a pion sur rue dans le pays.
L’affaire Ppea2 ne connaîtra donc pas un sort autre que celui des nombreux scandales qui ont secoué la république, et qui n’ont jamais abouti à aucun jugement ni aucune condamnation des personnes mises en cause.
Le Ppea2 rejoint les affaires 70 milliards, Cen Sad, Machines agricoles, Icc Services, etc. restées sans suite, sans condamnés aucun.
Tout se passe comme si le pays faisait lui-même la promotion des criminels économiques ; notre Bénin est un pays paradoxal. Pour un vol de moto on est brûlé vif, mais les coupables de détournements par milliards sont en liberté, protégés et même distingués
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