Les évènements qui ont abouti à la suspension du maire de la commune de Cotonou, Léhady Soglo, le vendredi 28 juillet 2017 suscitent déjà des réactions. Dans cet entretien, son avocat, Me Alfred Bocovo, dénonce un acharnement et relève les incongruités qui ont émaillé la procédure.Il estime que vendredi dernier, l’enlèvement programmé de son client a été manqué. Mieux, il défie quiconque de prouver que des documents comptables ont été incinérés par Léhady Soglo. L’avocat compte saisir toutes les voies de recours prévues par le code de procédure pénale et le droit positif béninois.
Maître, quelle est votre réaction par rapport à ce que le ministre Joseph Djogbénou a dit sur ce dossier ?
Avant de réagir je voudrais savoir si M. Djogbénou parlait en qualité d’avocat qui connaît son dossier ou en sa qualité de ministre et membre d’un Gouvernement. Je crois personnellement qu’il était dans le second cas. Par conséquent, vous devez considérer que ce n’est plus l’homme de droit qui parlait, ce n’est plus le défenseur des droits et libertés qui parlait, mais un homme politique avec un objectif précis. Ce que je voudrais dire sincèrement sur ce plan c’est qu’il a décidé de faire de la politique avec « ruse et rage », oubliant qu’il faut de l’intelligence pour agir. C’est la ruse et la rage qui ont caractérisé tout ce qui s’est passé. Sans faire de longs commentaires, on a voulu de manière machiavélique détruire un maire parce qu’on le prend pour un adversaire et tous les moyens sont bons. Pour moi, et sans aller dans les détails, toute la procédure est viciée et les recours que nous allons exercer finiront par le démontrer.
Lnt : Concernant les charges qui sont retenues contre lui
La procédure administrative est une procédure différente de la procédure pénale. En matière administrative une décision a été prise par le maire, elle est toujours soumise à l’approbation de l’autorité de tutelle qu’est le préfet qui approuve ou non. S’agissant d’aliénation de domaine, lorsqu’une telle question se pose et que le maire a outrepassé ses pouvoirs en prenant une décision illégale, c’est le refus d’approbation de l’autorité qui s’impose. S’il y a une suite à donner, on le fait. Mais de là à conclure immédiatement à faute lourde et en tirer des conséquences de droit… où se trouve alors la présomption d’innocence si on devait aller sur le terrain pénal.
Mais de toutes les façons chacun est dans son rôle. Le préfet n’est pas un élu. Il est nommé, son rôle c’est le contrôle de la légalité. Concernant la procédure qui a consisté à auditionner le maire de Cotonou, en temps opportun nous allons relever les vices qui entourent cette audition et faire les recours qui s’imposent devant les juridictions compétentes. A propos de l’aliénation, je voudrais dire que même si elle était faite en violation de la loi, le simple refus d’approbation de l’arrêté suffit.
Lnt : Est-ce qu’en l’occurrence le préfet avait opposé son refus ?
Je n’ai pas encore les documents à ce niveau pour savoir si le préfet a refusé d’approuver. Mais si entre temps lui-même a approuvé, où se trouve le problème ?
Lnt : L’autorisation d’incinération, de quoi s’agit-il ?
Je serai obligé de préciser qu’on a tenté de tromper tout le peuple béninois. Et là, je m’adresse directement au ministre Djogbénou qui ne connaît pas la différence entre des valeurs inactives non placée, et des pièces comptables. Je précise que monsieur Léhady Vinangnon Soglo n’est pas un comptable public. Donc, il ne peut pas, matériellement disposer de pièces comptables. Soit dit en passant, les comptables publics sont nommés par le ministre de l’économie et des finances. De telle sorte que Léhady Soglo ne peut jamais se retrouver en position d’aller recevoir des pièces comptables d’un comptable public, jusqu’à les incinérer. Je les mets au défi de le prouver.
Je dois vous dire que la demande d’incinération a été faite par monsieur Arcaduis Yessoufou, alors receveur percepteur de la mairie de Cotonou et nommé par le ministre de l’Economie et des finances. Dans sa demande datée du 25 février 2016, il précise bien « Dans le cadre de la gestion des stocks de valeurs inactives, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que le caveau aménagé pour le stockage desdites valeurs est plein et ne peut plus contenir de nouveaux stocks actuellement utilisés ». Ce n’est pas la faute du maire. Le maire n’y a aucune responsabilité. Il a pris une décision administrative sur une requête de la personne habilité à faire cette requête. Et je vais vous définir ce qu’on appelle les valeurs inactives non placées dans le cas d’espèce. C’est les tickets délivrés à l’occasion des opérations de recouvrement des recettes auprès des occupants et exploitants du domaine public, comme les droits de places des marchés. C’est les timbres apposés sur les actes de naissance et les pièces à légaliser au niveau de la mairie.
Ces valeurs sont gérées par le receveur-percepteur qui est un comptable de la mairie placé sous la hiérarchie du ministre de l’Economie et des finances, et nommé au poste par ce ministre. Par conséquent, la procédure d’incinération a été exécutée comme cela se doit. Il n’y a aucune faute à reprocher à Léhady. Mais, malheureusement, pour tromper le peuple béninois, parce qu’on pense que nous sommes toujours bêtes, on l’accuse d’avoir détruit tous les documents comptables. Aucun document comptable n’a été incinéré.
Lnt : Il y a aussi le voyage…
Sur le voyage, je vous donnerai la réponse du maire. Dès réception de l’arrêté portant refus d’approbation, le maire a jugé utile de mettre à la disposition de l’autorité préfectorale les éléments d’appréciation qui pourraient permettre de savoir que l’initiative de la mission sur Genève en Suisse, loin d’être personnelle, émane des autorités genevoises et est acceptée des autorités béninoises comme en témoigne la correspondance no1642MCOT/SG/SP du 19 juillet 2017.
Dans la lettre d’invitation qui a été envoyée, le maire a été informé que le ministre du Tourisme et de la culture de la République du Bénin est attendu à cette co-célébration à Genève. Le conseil des ministres du 26 juillet 2017 a autorisé la participation d’une délégation béninoise à cette cérémonie. Donc, c’est dans l’attente de la considération des éléments contenus dans ladite correspondance et de ce qu’une approbation de la part du préfet parvienne au maire, qu’ils ont entrepris les démarches. Mais moi je vais résumer tout ça en deux mots: la tentative de voyage est-elle une faute? La faute serait établie quant il aurait voyagé ? Voici qu’on l’accuse de faute, sous prétexte du voyage. A quel moment on apprécie la faute ? Est-ce au moment de sa commission ou de l’intention ?
Nous en sommes encore à l’intention et on se met à réprimer les intentions. Je me demande dans quel Etat nous sommes. Et je doute de la compétence du ministre qui parle dans ce dossier, par rapport aux éléments qu’il avance et même de la compétence du préfet. Parce qu’à ce que je sache, à l’issue de la réunion du Comité départementale de coordination et de concertation qui s’est tenue, il a été accordé au maire un délai pour répondre par écrit. Et c’est au regard de ces réponses par écrit qu’on pourrait se prononcer sur sa suspension. Quand j’ai vu la signature au bas de la décision de suspension, j’ai souris. Tout le monde connaît le nombre d’arrêtés pris par ce ministre ex qualité, et qui ont été annulés. Moi j’en ai une vingtaine.
Est-ce le ministre Dassigli ?
Je ne veux pas citer de nom, la personne se reconnaîtra. J’en ai encore qui n’existent pas au répertoire de la préfecture, quand bien même cela circule comme un arrêté émanant de ce ministre, ex-qualité préfet.
Est-ce que vous avez, en tant qu’avocat de monsieur Léhady Soglo, connaissance de cette enquête judiciaire qui a abouti à la tentative de perquisition de son domicile le vendredi soir ?
C’est sur ce terrain que je vais vous prier de relire les déclarations de monsieur Djogbénou tenues le 4 ou le 5 mai 2015, et de voir si elles sont conformes à ce qu’il dit aujourd’hui. Nous n’avons pas connaissance de cette enquête. Et lorsqu’on veut faire un parallèle ou une comparaison, on est en droit de constater que cet un enlèvement qui se préparait. Parce que, Léhady Soglo ex-qualité, est le maire de la commune de Cotonou. A ce titre, il est lui-même officier de police judiciaire comme ceux qui sont venus l’interpeller ou faire quoi ce soit.
C’est d’abord la violation de ses droits constitutionnels que les avocats contestent. Toute personne a droit à l’inviolabilité. C’est des droits de la personne humaine. C’est inscrit dans la constitution du 11 décembre 1990. Il a le droit à l’inviolabilité de son domicile et sa personne même est inviolable. On a tenté de dire que le code de procédure pénal ne prévoit pas de mandat de perquisition. Je vais les renvoyer à la lecture des dispositions de l’article 77 du code de procédure pénal. Parce que la personne humaine a des droits sacrés. C’est parfaitement illégal.
La police n’a pas joué son rôle avec le professionnalisme requis. Je pense que monsieur Djogbénou s’adresse au peuple béninois et non à des étudiants. Ceux qui sont en face de lui ont les mêmes connaissances que lui. Et donc, personne ne peut tromper personne car nous sommes tous des praticiens. La différence à son niveau est son passage au gouvernement qui l’a peut-être amené à perdre certains repères, et à ne plus être un défenseur des droits de l’homme.
Qu’allez-vous allez faire maintenant?
Toute décision peut-être attaquée en droit. Nous exercerons donc toutes les voies de recours idoines prévues par le droit positif béninois, et nous saisirons les juridictions compétentes dans chaque cas. Mais ce qui m’écœure dans ce dossier, c’est que je trouve qu’il y a un acharnement gratuit contre une seule personne. Parce que la manœuvre de son enlèvement manqué, était simplement destinée à l’humilier, pour qu’au moment où, lundi 31 juillet prochain son dossier serait plaidé, il puisse être présenté au procureur de la République, menotté. Ce faisant, amener ses avocats à ne plus être en mesure de bien défendre sa cause, aussi bien devant le juge civil puisque ce qui est devant le juge pénal est plus grave que ce qui est devant le juge civil.
Mais, je demande aux juges béninois de revendiquer leur droit à l’indépendance. L’indépendance de la justice doit être revendiquée, et il faut qu’à travers leur plume cette indépendance soit constatée. Nous savons comment ceux qui se sont mis à la botte du pouvoir exécutif en tant que magistrat ont fini. C’est un avertissement à ceux qui sont en fonction aujourd’hui et qui seront tentés de faire le jeu du pouvoir exécutif. Nous savons que nous sommes en train de faire un combat à armes inégales, mais le droit et la justice triompheront.
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