Ils sont des veinards, les Ghanéens. Les cinq mille noirs américains et noirs carribéens installés depuis une dizaine d’années au pays pèsent, chaque année, pour deux milliards de dollars dans l’économie nationale. Généralement de profession libérale, entrepreneurs, banquiers et hommes d’affaires, ils ont, pour la plupart, une surface financière respectable.
Depuis des générations, ils se sentaient mal dans les pays où l’histoire avait déporté leurs parents et ils oeuvraient pour leur réinstallation, en Afrique, sur la terre de leurs ancêtres. Certes, il ne s’agit pas de dupliquer l’expérience douloureuse des deux républiques soeurs — Liberia et Sierra Leone — nations artificielles créées de toutes pièces avec des élites noires américaines que les États-Unis avaient imposées aux autochtones. Mais il s’agit ici d’un retour à la terre mère voulu et orchestré par le gouvernement ghanéen qui, au-delà du symbole historico-culturel que représente cette opération, en a perçu très tôt les retombées économiques. Par exemple, une richissime famille triniteenne a racheté sur place une banque dans l’ordre de cent millions de dollars.
Le pays de Kwamee Nkruma, depuis dix ans, s’est donc organisé pour accueillir ces afro descendants et favoriser leur intégration dans le tissu socio-économique local. Le point d’orgue de cette opération a été, il y a quelques mois, l’octroi de la nationalité ghanéenne à quelques uns d’entre eux. Trente-quatre passeports, cartes d’identité et certificats de nationalité leur ont été officiellement remis. C’était les premiers d’une liste qui allait suivre.
Cette opération et les échos qu’il a provoqués, ont déclenché dans la dispora une fièvre sans précédent. Deux millions sept-cent mille candidats se sont manifestés depuis lors. Même Marcus Garvey, promoteur de « African promise land » en 1922 n’avait pas suscité autant de ferveur. Dépassé, le gouvernement ghanéen et les associations d’afro-descendants ont sollicité les pays d’Afrique de l’Ouest pour qu’ils participent, s’ils le peuvent, à l’accueil de leurs frères dans leurs pays respectifs. Comme d’habitude, le Bénin a répondu absent. Seule une association, celle de la mère Jah, a été présente à Accra pour la rencontre.
Curieux paradoxe qu’est le Bénin. Pays de toutes les initiatives originales, il se fait toujours depasser par des nations plus pragmatiques qui s’inspire des mêmes idées pour avancer. Il y a près de quinze ans, le gouvernement Kérékou a créé l’ABRD, l’Agence Béninoise pour la Réconciliation et le Développement. Cette institution chargée de faciliter les liens entre les noirs de la diaspora et le Bénin, a orienté son action vers la culture en organisant le Festival Gospel et Racines. Sept éditions durant, cette fête avait permis au Bénin d’accueillir les différentes couleurs et expressions artistiques des communautés noires des Amériques, des Caraïbes et de l’Europe. Au même moment, étaient discutés les aspects intellectuels de ces relations articulés autour de ce retour à la terre-mère . Et pendant que le pays s’usait dans le verbiage caractéristique des latins, le Ghana, lui, prenait des mesures pour organiser leur arrivée. Des années plus tard, les résultats sont là, visibles. Le Bénin a l’art de rater les rendez-vous historiques tandis que d’autres savent exploiter ces opportunités pour relancer leur développement. Il en est ainsi tout le temps
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