Le professeur de droit Georges Barnabé Gbago intervient également dans le débat autour de la création de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) du Bénin. Pour lui, cela ne répond pas à la cohérence avec l’arsenal juridique béninois. Il pense que la procédure de la création et le contenu de cette cour violent les normes basiques de droit et renvoient au moyen-âge.Professeur agrégé des facultés de droit, Georges Barnabé Gbago était l’invité de Sikka Tv dans l’émission 100% Bénin du mardi 9 octobre 2018. Pour le spécialiste en histoire de droit et ex-doyen de la Faculté de droit et de sciences politiques de l’Université d’Abomey-Calavi (Fadesp)–Bénin-, un système juridique se doit d’être cohérent. Mais d’après ses propos, tel n’est plus le cas dans le système juridique béninois avec la création de cette nouvelle instance qu’est la CRIET. Il en veut pour preuve certaines dispositions de la loi portant sa création.
« La CRIET a été créé à la sauvette »
Déjà sur la forme, l’enseignant de droit fait observer que cette loi sur la CRIET n’a pas été soumise au contrôle à priori de la Cour constitutionnelle. « En principe, les lois qui sortent doivent passer par la censure de la Cour constitutionnelle. Là, on ne l’a pas fait » indique-t-il. « C’est quelque chose qui est créée sans passer par les rouages que le constituant a prévu. On se demande si ce n’est pas pour se soustraire à ces censures-là » ajoute-t-il. C’est ce qui fait que la CRIET est aujourd’hui une instance à tout faire, selon lui. Il la compare aux produits de certains Tradi-thérapeutes qui guérissent milles maladies à la fois. « La CRIET, c’est à la fois correctionnel, c’est à la fois criminel. La CRIET vend tout, c’est comme nos féticheurs, leur médicament guérit tout ».
Sans garantie du droit de défense
Dans le fond, l’invité évoque quelques articles notamment les articles 12 et 15 de la loi sur la CRIET avec lesquels dit-il, « les garanties procédurales que nous avons dans toute création d’institution judiciaire manquent cruellement à la CRIET ». Selon ses propos, ce sont des articles qui violent non seulement les principes généraux de droit mais aussi les engagements que le Bénin a pris à travers la signature de conventions internationales.
Sur l’article 12, il s’agit précisément du principe de « procès équitable ». Le professeur rapporte qu’avec cet article, « il n’y a pas de voie de recours ordinaire ; par contre le procureur spécial et la partie civile peuvent, eux, exercer des voies de recours ». Cela veut dire tout simplement, à l’en croire, que le prévenu n’a pas droit de recours contrairement au procureur spécial et à la partie civile. « C’est extrêmement grave. Nous ne sommes plus dans les temps où on peut par une lettre ou par le désir du roi mettre quelqu’un en détention ou en prison. Il faudrait que les droits de la défense s’exercent, il faudrait que le prévenu exerce le droit de recours » martèle l’enseignant chercheur. Toujours sur ce point, il donne l’exemple de la France qui, condamnée pour faute de voie de recours au niveau de sa Cour d’assise, a corrigé le tir avec six voies de recours pour cette Cour seule. Le professeur donne cet exemple parce que pour lui, la CRIET est venue remplacer la Cour d’assise qui n’existe plus au Bénin.
L’article 15 quant à lui, est relatif au pouvoir donné à la CRIET de faire une visite de perquisition au domicile de quelqu’un sans son consentement alors que le code de procédure pénale en République du Bénin exige la présence de l’intéressé ou de témoins, informe l’enseignant.
Ces aspects déjà l’amènent à donner raison à ceux qui pensent que la CRIET est une cour taillée sur mesure. « La CRIET ne répond ni à la constitution du Bénin, ni à la charte africaine des droits de l’homme et du peuple, ni aux autres normes internationales reconnues par les pays civilisés » conclut-t-il. Il espère que la Cour constitutionnelle corrigera le tir puisqu’il va la saisir. « Nous allons saisir la Cour constitutionnelle, c’est clair. Et si la Cour n’est pas d’accord, nous allons saisir les juridictions internationales.» annonce le professeur Georges Gbago.
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