Coup d’essai, coup de maître pour l’ambassade des Etats Unis. La première rencontre de mentoring des Alumni (boursiers des programmes de l’ambassade) dénommée Ama, a reçu vendredi dernier le Professeur Théodore Holo. Pendant près de 2 heures à l’Infosec à Cotonou, l’icône du droit constitutionnel a accepté de partager ses expériences avec ses camarades alumni. Sa vie, son cursus scolaire et universitaire, son parcours professionnel et politique… il dit tout sauf la parenthèse constitutionnelle sur laquelle il est resté circonspect. Devoir de réserve oblige.
C’est sa première sortie publique depuis le 08 juin 2018 où il a passé service à la tête de la Cour Constitutionnelle. Vendredi 22 mars 2019, Théodore Holo a été reçu par les Alumni pour une séance de partage d’expériences. Il devrait parler de sa vie, donner des conseils et répondre à quelques quelques questions qui lui seront posées. Introduit par Romaric Mouftaou de l’ambassade des Etats Unis qui a salué sa disponibilité, Théodore Holo a tenu au prime abord à dire son grand plaisir pour avoir été le premier alumni sollicité pour cet exercice. Parlant de ses origines, il affirme être originaire d’Abomey mais dit-il, « je suis né le 15 avril 1948 à Porto Novo ». Il a son cursus scolaire dans cette ville jusqu’à l’obtention du baccalauréat en 1968, option philosophie.
Voulant éviter les mathématiques, il s’inscrit en droit d’abord à Dakar, puis à Brazzaville jusqu’en licence avant de s’envoler pour la France où il fait sa thèse en février 1979 à Paris I. Revenu au pays, il s’engage dans l’enseignement à l’université mais mène un combat politique dans la clandestinité. Nous étions sous la révolution et la liberté d’opinion n’était pas trop. Et comme il l’a dit lui-même tout le temps au cours de son exposé, sa réussite aussi est le fruit du destin. « Nous avons l’habitude de faire nos réunions politiques dans une maison à l’Etoile Rouge. En 1985, la veille de mon départ pour le concours d’agrégation, je me suis rendu à Lomé avec ma collègue Conceptia Ouinsou pour prendre le vol. Ce jour, tous mes amis politiques ont été arrêtés et jetés en prison. Si je ne devrais pas aller au concours d’agrégation cette année, j’allais être arrêté et rien ne prouve que je pourrai préparer ce concours après et le réussir », a-t-il affirmé.
Ce combat politique l’a amené à la conférence nationale où il a été même membre du présidium et membre de la commission qui a redigé la constitution du 11 décembre. Il se rappelle même des divergences de point de vue entre lui et Thomas Goudou avec la formule fon « Holo goudou Thomas ». Là-dessus, il précise que la chance a joué un peu pour lui avec son ami Marcellin Dégbey qui lui concède la seule place qui devrait revenir à leur groupe politique. Pendant la conférence nationale, il a milité avec ses camarades du « groupe de Kouhounou » pour imposer Nicéphore Soglo comme premier ministre. Lors de la présidentielle de 1991, Théodore Holo lutte aux côtés de Nicéphore Soglo qui fait de lui son porte parole.
Après l’élection, le président Soglo voulait lui confier un autre portefeuille ministériel mais après consultation, il est nommé ministre des affaires étrangères puis après chargé des relations avec les institutions. Là, il met l’accent sur la patience. « Si je m’étais précipité pour aller au parlement comme le voulaient mes amis politiques en me positionnant sur la liste de l’UTR, je ne serai pas ministre mais j’ai refusé et j’ai attendu mon temps », précise l’ancien président de la Cour constitutionnelle. Parlant toujours de ses qualités, le professeur Théodore Holo affirme avoir été influencé par une éducation rigoureuse qu’il a reçue à l’école catholique où on lui a appris « qu’il faut gagner sa vie à la sueur de son front ». Aussi a-t-il développé une aversion pour la tricherie, les combines et le favoritisme. « Je n’ai jamais rien gagné par faveur. Je sais attendre mon temps. C’est pourquoi je n’ai jamais été transhumant », confie-t-il à l’assistance et ajoute qu’il a appris cette rigueur à ses enfants.
Gros regret sur le droit de grève
Sur sa décennie passée à la Cour constitutionnelle, il se montre un peu disert. On sait tout au moins que c’est Victor Topanou qui l’a contacté pour la première fois pour lui parler de ça. Il a néanmoins abordé brièvement le sujet sur le droit de grave. « Ma décision a été motivée par l’attachement aux droits de l’homme et à la démocratie. Elle est conforme à celle de 2006 prise par la Cour. Pour moi qui ai connu ses années 70 et 80 au Bénin, il est inadmissible de prendre une décision interdisant le droit de grève au Bénin. Ce sont les grèves qui ont amené la conférence nationale qui a engendré la démocratie », se désole l’invité de la première édition des rencontres AMA qui ajoute que cette décision lui a coûté chère avec les représailles qui s’en sont suivis.
« Vous avez appris qu’on a été presque sevrés de ressources à la fin. C’est le vendredi dernier que j’ai reçu mes salaires des deux derniers mois. J’avais droit à d’autres ressources de souveraineté qui ne sont pas payées jusqu‘à ce jour », déplore Théodore Holo. Sur la Cour Djogbénou, il invite l’assistance à le dispenser d’opiner sur ses décisions. « Pendant cinq ans, pour préserver la stabilité de la Cour, je dois me taire. Robert Dossou a respecté cela par rapport à moi, je me dois aussi d’avoir la même posture pour la Cour actuelle », clarifie le Professeur Holo. Il a eu aussi l’occasion de montrer son côté féministe.
Parlant de l’accès des femmes aux instances de prise de décision, il invite les femmes à mieux s’organiser et à fédérer leurs efforts en menant des actions concrètes car la constitution consacre déjà cet avantage. Ce qui manque parfois, c’est l’action. « Pendant mes dix ans à la Cour, je n’ai jamais vu un recours formulé par les femmes pour réclamer leurs droits », rappelle l’ancien président de la Cour constitutionnelle. Il a également parlé de ses amitiés avec Ismaél Tidjani Serpos, Abraham Zinzindohoué et Robert Dossou. Pendant près de deux heures de discussion, il a insisté sur les mots « mérite », « patience », « expériences » à l’endroit des jeunes qu’il invite à « à ne pas être trop pressé pour prendre les postes de responsabilité mais à avoir la patience de faire des expériences »
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