Donc, les professionnels des médias iront encore une nouvelle fois élire leurs représentants à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication. Encore une fois, ils vont, comme de tradition, faire campagne, battre non le macadam mais les rédactions pour convaincre leurs collègues de la nécessité de voter pour eux, eux qui, autant qu’ils se présentent sont « la solution aux problèmes de la corporation ».
Depuis 1994 que l’institution se renouvelle de façon régulière, les candidats, pour emporter l’adhésion de leurs votants, ont toujours présenté des projets censés améliorer la pratique du journalisme, relever les conditions de vie des professionnels et rehausser l’image de la presse béninoise. Seulement à la fin de leurs mandats, les élus se retrouvent gros Jean comme devant sans qu’aucune de leurs promesses n’ait eu prise sur la réalité. S’ils ne sont pas pour la plupart clochardisés, les journalistes béninois sont, pour nombre d’entre eux, des propagandistes de dirigeants politiques ou des puissances marchandes. On cherche en vain des informations équilibrées, on espère à chaque fois que la déontologie triomphe des postures grossièrement partisanes, mais on se rend bien vite compte que ce journalisme-là a du mal à exister. Les organes de service public, qui ont un cahier de charges à respecter, ne sont pas épargnés par le fléau. Le pouvoir, surtout l’exécutif, les caporalise, en fait son objet de propagande, excluant d’office les minorités politiques. Si, à l’époque de Kérékou 2, le phénomène paraissait anodin, il s’est amplifié sous Yayi, complexifié sous Talon, devenant l’un des handicaps majeurs à la liberté de la presse. À preuve, de la 21ème place en 1994, le Bénin a aujourd’hui dégringolé à la 96 ème selon la classification de Reporters Sans Frontière. 75 places perdues en seulement quinze ans! Si ce n’est le tsunami, ça lui ressemble fort.
Et pourtant, des journalistes volontaires et dynamiques qui appréhendent la situation mieux que quiconque, avaient juré prendre à bras le corps ces problèmes une fois élus à la vénérable institution. Mais qu’ont-ils fait dès qu’ils y ont pris pied pour que les lignes bougent, pour que l’image dégradée de la presse soit rehaussée ? Par leur impuissance, leurs actions inabouties, ils ont participé, peut-être à leurs corps défendant, à la sombre épiphanie de la presse béninoise.
Alors, qu’iront-ils faire là-bas, nos futurs élus? Atteints de la même pathologie démagogique que les politiques, les journalistes de la sixième législature iront s’illustrer dans ce qu’ils savent mieux faire dans cette institution : l’attentisme et la jouissance.
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