Lionel Zinsou, candidat à la présidentielle de 2016 au Bénin est poursuivi pour usage de faux et dépassement de frais de campagne. Ceci, bien qu’il n’y ait pas eu un rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême qui constate et dénonce ce dépassement au procureur.Il y a une constante dans l’affaire Lionel Zinsou en cours au Tribunal de première instance de première classe de Cotonou. C’est un procès autour d’un supposé dépassement de frais de campagne sans un constat et dénonciation préalable de la Chambre des comptes de la Cour suprême tel que l’exige la loi.
L’aveu du ministère public
Dans ses conclusions à l’audience de ce vendredi 19 juillet 2019, le ministère public rappelle que selon l’article 112 du Code électoral en République du Bénin, les candidats doivent déposer, dans un délai de 60 jours après les élections, contre récépissé, les comptes de campagne et les pièces justificatives des dépenses effectuées.
L’alinéa 3 du même article, a-t-il rappelé, dit que la Chambre des comptes de la Cour suprême doit constater le dépassement et saisir le procureur de la République dans un délai de 15 jours. Ce qui n’est pas le cas concernant Lionel Zinsou, à l’en croire. «Aucun dépassement de frais de campagne n’a été constaté et dénoncé au procureur par la Chambre des comptes …» avoue le ministère public.
Une poursuite à partir d’une interprétation extensive
On peut se demander alors quelle est le fondement de cette procédure enclenchée par le procureur contre l’ex premier ministre du Bénin sous le président Boni Yayi. D’après l’exposé du ministère public, c’est une déduction du fait qu’il y aurait un acte notarié portant sur un prêt de 15 milliards qu’aurait contracté le candidat le 16 mars 2016. L’acte précise l’objet du prêt. C’est «pour le financement de sa campagne électorale –de Lionel Zinsou, ndlr-», d’après le ministère public. Il rappelle que le plafond pour les dépenses de campagne au Bénin est fixé à 2,5 milliards.
Alors, puisqu’il y a eu un tel prêt et que la Chambre des comptes de la Cour suprême n’a constaté aucun dépassement de frais de campagne, le parquet, aux dires du ministère public, en déduit que Lionel Zinsou a opéré une déclaration inexacte pour obtenir une validation de ses comptes. C’est ce comportement qui constitue les faits d’usage de fausse attestation pour lequel il est poursuit, informe le parquet. Il requiert que l’intéressé soit condamné et déclaré inéligible aux différentes élections à venir.
Délits non fondés
Pour Maître Robert Dossou, il est évident que cette action du parquet est irrecevable et que le défit n’est pas fondé du moment où le ministère public même reconnait qu’il n’y a pas eu ce rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême compétente à constater ce dépassement après un élément contradictoire entre le candidat et elle.
Dans sa plaidoirie en complément de la mémoire de Lionel Zinsou valant conclusion envoyée au tribunal, l’ex-bâtonnier défend qu’en la matière, le ministère n’a aucun pouvoir d’auto saisine. Il s’étonne de la déduction et de l’interprétation extensive faites par le parquet en l’absence de ce document de la Cour suprême qui devrait être le fondement de l’action.
Me Robert Dossou demande que le parquet lui dise quel est l’article qui incrimine les dispositions que prend quelqu’un pour aller faire campagne et qui permet aussi de dire que le prêt en question a servi pour l’objet soulevé. L’avocat précise aussi que l’article 112 du code électoral indique bien que c’est le candidat ou le parti qui dépose les comptes. A ses dires, Lionel Zinsou ayant été candidat d’une alliance de partis, c’est cette dernière qui a géré sa finance de campagne et déposé les comptes de dépense.
En ce qui concerne le chef d’accusation d’usage de faux, Me Robert Dossou évoque l’article 161. Pour lui, un procureur ne peut pas poursuivre pour faux sans produire la pièce fausse qui a été utilisée. A l’audience de ce vendredi, il a transmis à la présidente de la chambre, copie de ses deux lettres adressées au procureur, demandant en vain, communication à la défense du document qui a permis la poursuite de son client pour faux. «Aucune loi ne permet d’incriminer à partir d’un soupçon» soutient le Conseil. Il s’interroge sur ce qui se passe désormais dans la justice pénale en République du Bénin.
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