Il y a 37 ans, un attentat éclatait rue des Rosiers, à Paris. Près de quatre décennies plus tard, le numéro 2 des services secrets français de l’époque, Yves Bonnet, avoue avoir passé un accord avec les terroristes. Une révélation choc, qui a d’ailleurs provoqué une véritable polémique chez les membres des familles de victimes.
Face à un juge, l’ancien directeur de la Direction de la surveillance du territoire, (DST), affirme « on a passé une sorte de deal verbal en leur disant : Je ne veux plus d’attentats sur le sol français et en contrepartie, je vous laisse venir en France, je vous garantis qu’il ne vous arrivera rien. » Mémoire intacte, celui qui est aujourd’hui âgé de plus de 80 ans se souvient. À quelques mois seulement de sa prise de fonctions en tant que numéro 1 des services secrets, un attentat éclate dans un établissement juif situé en plein cœur du Marais. Nous sommes alors en 1982.
Un accord services secrets – terroristes
Attribué au groupe terroriste Abou Nidal, l’attentat n’est pas franchement suivi de conséquences. Et pour cause, un pacte entre les assaillants et le gouvernement a été passé. En effet, un engagement a été pris de la part de la France, à ne pas poursuivre les représentants d’Abou Nidal tant que ces derniers n’agissaient plus à l’intérieur des frontières. Groupe palestinien, dissident du Fatah de Yasser Arafat, Abou Nidal commet des attentats et des massacres en France, mais aussi à l’étranger.
Le 9 août 1982, une date gravée dans les mémoires
Le 9 août 82, trois hommes armés s’engagent dans un restaurant, le Jo Goldenberg et tirent à vue. Trois minutes d’horreur au cours desquelles six personnes vont perdre la vie. Les soupçons se portent très vite sur la fraction terroriste, les douilles retrouvées provenant de modèles Maszynowy wz. 63, des armes utilisées par l’organisation. Une rencontre sera organisée avec les représentants du groupe. C’est à ce moment-là qu’un pacte sera scellé.
Dans les faits, les membres d’Abou Nidal sont libres de vivre, partir et venir en France à leur guise, mais s’engagent à ne plus commettre aucun attentat sur l’hexagone. « Et ça a marché, il n’y a plus eu d’attentats à partir de fin 83, en 84 et jusqu’à fin 1985 », se souvient Yves Bonnet. Un attentat sera ensuite commis en Italie, bien que cela ne regarde pas les autorités françaises. Jean-François Clair et Louis Caprioli, anciens responsables au sein de la section lutte antiterroriste à la DST ont également été entendus. Toutefois, les deux hommes ont invoqué le secret-défense, se contentant d’affirmer qu’il y avait bien eu des contacts entre les partis.
L’exécutif, au courant ?
Le gouvernement était-il au courant ? Selon Bonnet, la réponse est oui. En effet, ce dernier rapportait directement auprès de Gilles Menage, le directeur de cabinet de François Mitterrand. Toutefois, de manière purement officielle, ce dernier n’était censé rien savoir. Des révélations qui ont réveillé la douleur des familles de victimes qui aujourd’hui, comparent la situation avec Daesh d’autant que pour beaucoup, ce pacte n’est pas isolé. L’exemple de Lafarge en Syrie, qui était en rapport direct avec l’État islamique a par exemple été avancé. Yohann Taieb, proche d’une victime se pose lui aussi la question, « imagine-t-on les services secrets négocier aujourd’hui avec Daech.»
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