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Gestion hygiénique des menstrues en milieu scolaire au Bénin : Un casse-tête pour les apprenantes

La mauvaise gestion hygiénique des menstrues est l’une des causes de la déscolarisation chez les filles au Bénin. En cause, le mythe qui entoure la question et l’inexistence de toilettes appropriées dans les établissements scolaires. Les filles muselées par le tabou et incapables de trouver un lieu sain où se changer, gèrent à leur manière cette période.

Au Bénin, les filles restent encore confrontées aux difficultés liées à l’hygiène menstruelle à l’école. Elles continuent de manquer les cours quand elles sont surprises par leurs règles ou ressentent des douleurs liées à elles. « J’étais en seconde. On faisait un cours de mathématiques quand j’ai eu mes règles. Rapidement, je suis rentrée chez moi pour me changer. Je suis revenue le lendemain », témoigne Carmen S, une élève de 17 ans en terminale au Collège d’enseignement général (Ceg) le Nokoué.

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Sa camarade Rolande O. explique qu’elle a vécu la même situation en classe de 5ème, pendant les compositions. « C’est ma responsable qui m’a signalé que mon kaki était taché. J’ai été obligée de rentrer et j’ai raté l’épreuve suivante », précise l’adolescente de 17 ans. Pour sa part, Bénédicte A., 15 ans, élève dans un complexe scolaire privé de Godomey, a noué son pull-over pour se retirer discrètement de la classe abandonnant ainsi les cours de cette journée. Celles dont les règles sont abondantes ou douloureuses préfèrent carrément rester chez elles pendant cette période

Des absences aux conséquences fâcheuses

Eménique Alladatin est assistante technique, eau, hygiène et assainissement à l’Association nationale des communes du Bénin (Ancb). Elle s’occupe de l’amélioration de l’hygiène, de l’eau et de l’assainissement dans les écoles et autres lieux des communes du Bénin. Selon elle, les absences au cours ne sont pas sans conséquences sur le cursus scolaire des filles. « Si chaque mois, la fille doit rester à la maison ne serait-ce que deux ou trois jours pour gérer ses menstrues, il y aura un déficit à son niveau par rapport à un garçon qui pleinement a pu participer au cours», explique-t-elle.

« Ça leur fait un manque à gagner parce qu’à leur retour, l’enseignant ne pourra plus leur reprendre les séquences qui se sont déroulées en leur absence», renchérit Praxède Tonoukouin, censeur adjoint au Ceg Le Nokoué. D’ailleurs, d’après les statistiques du rapport du Pasec 2016 sur la Performance du système éducatif béninois, les contraintes liées à l’hygiène menstruelle sont les causes d’abandon des classes de près de 11 % des filles réglées entre 2012 et 2015.

La peur d’en parler, une des causes

Il est aussi remarqué que les filles se confient difficilement aux enseignants, responsables d’établissements et même à leurs camarades de peur d’essuyer des moqueries. «Une fois, l’élève a eu son uniforme tâché de menstrues et je l’ignorais. Je l’ai désignée pour aller au tableau mais elle a refusé de se lever. J’ai failli la punir quand l’une de ses camarades s’est approchée de moi et m’a expliqué la situation », confie Adrien A., enseignant dans un collège public dans le Mono.

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« Les garçons se moquent des filles dont les uniformes sont tâchées par les règles », a expliqué Bénédicte A. Selon, le censeur du Ceg Le Nokoué, «c’est surtout dans les classes du premier cycle qu’on a ce genre de moqueries. » Elle explique ceci par le fait que les cours réels sur la reproduction humaine commencent en 3ème et le fait que le sujet soit tabou à la maison alors que les filles ont leurs menstrues déjà en 6ème voire au Cm2.

L’inexistence de cadres adéquats, un facteur non négligeable

Pour amoindrir un peu ces difficultés que rencontrent les filles, il faudra, selon Emenique Alladatin, sensibiliser tout le monde et aussi rendre disponible, dans les établissements, des toilettes appropriées avec des cabines séparées pour filles et garçons ; des cabines équipées de portes et dotées d’eau et de savon. « Ça peut participer réellement à les maintenir à l’école et à leur permettre d’avoir les mêmes chances d’acquisition de connaissances que les garçons », soutient l’agent de l’Ancb.

Un vœu que nourrissent aussi les apprenantes. « Je souhaite que l’administration fasse des toilettes pour les filles et que les vendeuses puissent aussi vendre des serviettes hygiéniques »,  plaide Rolande O., non satisfaite de l’état des huit (08) cabines érigées dans l’école. C’est d’ailleurs avec regret que le censeur affirme : «dans aucun établissement public au Bénin, vous ne trouverez de cadre adéquat pour ces apprenantes-là qui pourtant ont besoin de changer leurs garnitures pour se sentir à l’aise et bien suivre les cours».

Ce constat est perceptible au Ceg 1 de Godomey. « Les toilettes que nous avons sont des latrines et vous savez que même dans les maisons, ces latrines sont difficilement assainies, vu le modèle, vu la construction », explique Bernard Lahami, directeur du collège. Son établissement dispose de 20 cabines latrines pour près de 3.000 apprenants. Mixtes, elles ne sont utilisées que par de très rares apprenants car très sales, sans portes, sans eau et sans savon.

Des approches de solutions envisagées

Face à ces difficultés qui entravent les droits des filles à l’éducation, à l’eau et à l’assainissement, des démarches sont entreprises par l’Ancb et les acteurs de l’école.  « L’Ancb travaille afin que dans les programmations des budgets communaux, il puisse y avoir des lignes pour accompagner les écoles ne serait-ce que pour avoir de l’eau, du savon. Nous œuvrons à faire comprendre que construire des toilettes ne suffit pas. Le type de toilettes doit prendre en compte ce besoin spécifique de la fille qui doit passer un certain temps à l’intérieur de la cabine pour pouvoir se changer », assure Eménique Alladatin.

« Nous avons un projet d’établissement en préparation et qui doit prendre ces aspects », affirme pour sa part, Bernard Lahami. A ces efforts, il faudra toutefois ajouter un politique national d’assainissement pour des résultats plus larges et probants. Et seul l’Etat central est habilité à le faire.

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