« Qu’est ce qui nous arrive dans ce pays ? » Tel est le cri d’exclamation indignée d’un internaute sur un forum à la vue partielle de la chambre de l’ex général Mathieu Kérékou ci-devant ancien président de la République du Bénin. La garde-robe entrouverte s’étale pour la première fois sous nos yeux incrédules pour découvrir des costumes soigneusement rangés, les photos et tableaux souvenirs de l’ancien chef d’Etat, les vélos de sport et une kyrielle de mallettes exposées sur les placards en bois laqué. Tout y passe.
Et ce qui choque c’est que tout cela se déroule non pas à l’occasion d’une visite guidée au sein de la célèbre résidence des filaos située à mi-chemin de la rue principale du carrefour dit « des trois banques » mais à la funeste occasion de l’exécution d’un exploit d’huissier commis pour faire évacuer le domicile des effets personnels du général.
L’image qui nous vient à l’esprit est celle de Laurent Gbagbo en gilet de corps , les yeux hagards sous les feux roulants des caméras du monde entier. Image d’un président déchu qui ne sait pas encore quel sort lui réserve la soldatesque surexcitée du couple infernal Ouattara – Soro aujourd’hui désuni.
Ces images des effets personnels du général feront le tour du monde plus rapidement que celles de Laurent Gbagbo par la simple magie des réseaux sociaux. Tout simplement parce que, une décennie auparavant, les réseaux sociaux ne connaissaient pas l’ampleur et l’engouement qu’ils ont aujourd’hui et ils vont plus vite que les caméras. Mais l’effet dévastateur est le même au regard des circonstances de l’exposition des effets personnels: l’exécution forcée d’un exploit d’huissier suivie de la démolition de la résidence familiale de toute la lignée Kérékou depuis la grand-mère Maman Yokossi jusqu’aux 22 descendants survivants du général et leurs progénitures. On aurait pu éviter à son corps l’humiliation de se retourner dans sa tombe pour ne pas regarder le spectacle de l’exhibition de ses effets personnels.
Diverses questions se bousculent sur les lèvres du spectateur indigné des réseaux sociaux. La première est celle de savoir ce qui urge pour qu’on soit obligé de démolir moins de cinq ans après sa mort, la résidence privée et officielle du seul président qui a connu le plus long règne de l’histoire post indépendance de notre pays.
Pourquoi l’Etat représenté par le gouvernement qui a les moyens et le temps de faire ce qu’il veut, ne pouvait- il pas attendre la fin de la procédure judiciaire qu’il a lui-même engagée contre les héritiers désargentés, avant de mettre dans la rue les effets personnels d’un ancien président dont un des enfants est ministre ?Quelle honte ! Quel changement fondamental a -t-on apporté en trois ans de présidence au visage de Cotonou-reconnue dans le monde comme la ville des grandes inondations …des rues défoncées jonchées de nids de poule des quartiers insalubres d’Agla-Akogbato vossa- hindé Djidjè- avotrou -ste Cécile , et pour qu’il soit indispensable de démolir le bâtiment principal d’une résidence excentrée par rapport au boulevard en construction ?
Notre président si friand des voyages en jet privé sait pertinemment que le Cotonou qui s’étale sous ses pieds, lorsque l’avion amorce la descente sur notre ville coincée entre l’océan et le lac Nokoué est trop loin des grandes capitales africaines que sont Abuja, Lagos Abidjan, Dakar pour ne rien dire de Johannesbourg , Nairobi ou Casablanca. Alors qu’est ce qui changera fondamentalement dans le paysage de Cotonou hic et nunc , si la résidence des filaos de Mathieu Kérékou transformée en musée restait à sa place ?
Et c’est ici qu’il faut faire le constat que si notre capacité d’indignation individuelle est restée intacte dans les salons feutrés de nos résidences et habitations où nous sommes sûrs que personne ne nous voit , c’est au détriment de notre capacité d’indignation collective dont le Bénin passait pourtant pour être le modèle inaltérable en Afrique. Où sont passés les syndicats , les organisations de la société civile et autres personnalités charismatiques de l’Eglise catholique hier très actifs sous le règne de Boni Yayi et prompts à saisir toutes les occasions pour défendre nos libertés publiques.
Il faut le dire sans ambages : nous ne savons plus mener des luttes communes pour la défense des causes communes. La peur de la répression aveugle d’un prince régnant qui a balisé son parcours par des lois scélérates n’explique pas tout ! Nous sommes plus aptes à nous épancher hypocritement sur les réseaux sociaux qu’à nous organiser pour nous battre ensemble pour la préservation de nos droits acquis mis à mal depuis trois ans de gouvernance oligarchique.
C’est pourquoi, les plus sensibles à l’appât du gain facile qui sont aussi les plus éhontés d’entre nous sont allés , au secours du régime de la rupture avec armes et bagages en nous chuchotant qu’il est le plus fort en ce moment et qu’on ne peut rien contre lui . On voit bien à l’épreuve de la réalité de notre couardise que ce n’est pas pour rien qu’une assemblée de parlementaires à l’élocution approximative dans un français de niveau douteux se sont rués en catimini nuitamment sur notre constitution dans l’ignorance totale de toute procédure pour la vider de toute substance en toute impunité.
Nous n’avons donc pas encore vaincu la fatalité, celle du pouvoir autoritaire, comme l’avait proclamé pompeusement celui qui vient de s’éteindre à l’âge canonique de 90ans, dans l’indifférence générale et …le dénuement. Et pourtant le peuple Burkinabè nous a balisé le chemin de la délivrance que les Soudanais n’ont pas hésité à emprunter il n’y a guère si longtemps.
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