En déplacement à Abidjan (Côte d’Ivoire), le samedi 21 décembre, le président français Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara ont signé une convention qui met fin au franc Fcfa, célébrant par la même occasion la future monnaie dénommée « Eco ». Les économistes français présents à la BCEAO plieront également bagages et les réserves de change qui sont au niveau du trésor français seront rapatriées.
Mais ces décisions avancées par M Macron et M Ouattara vont-elles effectivement permettre l’autonomie de la politique monétaire de la future zone Eco ? Pour l’économiste français Loup Viallet, la réponse à cette question est négative.
« D’abord, le rapatriement dans la Banque centrale d’Afrique de l’Ouest des devises centralisées à Paris ne signifie pas qu’avec la création de l’éco les autorités africaines vont pouvoir déterminer librement le taux de change de leur nouvelle monnaie. En réalité, les états membres de la future union monétaire seront encore très loin d’avoir parachevé leur autonomie financière » écrit M Viallet dans une tribune publiée dans Le Journal de l’Economie.
Il justifie ses propos en faisant remarquer que le recouvrement des devises placées en garantie à Paris ne correspond pas à une valeur telle que ces pays de l’Uemoa disposeront d’une capacité financière suffisante pour protéger leur nouvelle monnaie des variations fortes issues des diverses pressions que leurs économies traversent déjà.
C’est-à-dire, les conséquences du réchauffement climatique, les crises politiques et militaires, l’appréciation ou la dépréciation du dollar, la crise de la demande ou de l’offre. Autant d’éléments qui de son point de vue, rendent vulnérable la valeur des autres monnaies du continent africain qui ne bénéficient pas d’un cours fixe accroché à celui d’une grande monnaie internationale.
Ce que la BCEAO pourrait faire des réserves de change
Il fait par ailleurs remarquer que le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale peut décider de maintenir en période de croissance forte, une politique monétaire restrictive et donc de ne pas utiliser ces réserves de change comme moyen de relance mais plutôt comme un moyen de maîtriser l’inflation.
Cette tendance à la thésaurisation se faisait déjà remarquer en 2014. C’est donc fort probable que ces réserves de change rapatriées dans les comptes de la BCEAO n’auront pas un effet substantiel sur le financement des économies de la zone éco, suppute-t-il. Rappelons que la France se porte garante de la future monnaie Eco.
Ce qui pourrait comporter des avantages pour les 8 pays de l’Uemoa si les états utilisent cette garantie comme une assurance de stabilité monétaire et de sécurité économique le temps de construire leur propre autonomie financière jusqu’à pouvoir enfin s’en passer. Ce qui n’est pas la direction que prend la coopération franco-africaine avec la création de l’Eco selon M Viallet.
Eco: « C’est un peu comme la démocratie, il faut travailler … » (professeur Léonard Wantchekon)
Vers le morcellement économique des états de l’Afrique de l’Ouest
Pour l’économiste français, la nouvelle devise plutôt que de consolider l’unité de ces pays va accélérer leur morcellement économique tout en développant leur dépendance financière envers la France qui se trouvera plus que jamais garante de leurs déficits.
En somme, la création de l’Eco n’est pas semble-t-il la meilleure réponse possible. « Elle constitue même un compromis pire que le précédent » juge l’économiste français. La disparition des symboles gênants liés au franc Cfa ne suffira pas à combler les graves défauts de la nouvelle coopération monétaire, avertit-il.
Répondre à Le Caméléon Annuler la réponse