L’Etat béninois ou la marche d’un invertébré

(Cet  article   est sorti   dans les quotidiens Fraternité,  Nouvelle Tribune et L ‘autre Quotidien, les 4 et 6 mai 2005). AVERTISSEMENT :Nous commençons ce jour, à la suite de notre témoignage, la publication de la série d’articles publiés par M Richard Adjaho dans notre quotidien  à l’occasion des dix ans de sa subite disparition. Des articles objets du recueil Bonne gouvernance au Bénin éditions Flamboyant (X).

Nous sommes convaincu  que la personnalité de cet homme brillant que nous avons qualifié de « grand commis de l’Etat »  mais qui reste peu connu du grand public, mérite d’être célébré non seulement pour ce qu’il a fait pour notre pays mais pour la qualité de ses  écrits dont certains remontent aux années 1990. La clarté de l’analyse et la pertinence de ses propositions montrent à souhait que ses écrits n’ont pas pris une seule ride et sont toujours d’une brûlante actualité.

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Le premier de ses textes , l’Etat béninois ou la marche d’un invertébré, dont l’intitulé en dit long sur le contenu, est une critique sans concession de notre administration perçue par Richard Adjaho comme incompétente , mal formée et inapte à impulser le développement. Il en déduit que le Bénin doit cesser de se mettre en marge  de la planète terre, d’abord en copiant ce qui est fait de mieux au monde en matière de centre de formation mais surtout en privilégiant la formation systématique des cadres de notre administration pour la rendre apte à répondre aux exigences du développement.

L’Ena qu’il propose doit être, de son point de vue, rattachée non à l’université mais au ministère de la Fonction publique avec des  cadres de haut niveau à sa tête(magistrats, hauts fonctionnaires de l’administration centrale ) aux côtés des universitaires plutôt portés vers l’enseignement théorique.

Section 1 :   L’Etat béninois  ou la marche d’un invertébré

Je me suis permis d’assimiler l’Etat béninois à un invertébré  en raison du fait que, visiblement,  il manque de colonne vertébrale, axe autour duquel les mammifères supérieurs sont organisés et structurés. Le  débat  sur la révision  de la Constitution s’arrêtera dès que les conditions politiques ou juridiques  de sa faisabilité ne seront plus remplies. Ce débat constitue  un moment important de notre vie politique, mais il passera. En  réalité, le vrai  problème pour  le Bénin aujourd’hui  est de trouver les voies et moyens pour assurer un départ paisible à la retraite  politique à  l’homme  qui a dirigé, avec ses hauts et ses bas, ses avancées comme ses reculs, ses dérives comme ses moments d’apaisement, notre Nation pendant presque trois décennies. Une fois ce problème  réglé, les questions épineuses concernant la gouvernance  de notre pays vont demeurer. C’est pourquoi, il est affligeant à mes yeux, voire désespérant, de constater que dans le Bénin d’aujourd’hui, la plupart  du temps, dans la quasi-totalité de nos organes de diffusion de masse et dans les cercles béninois pourtant   bien avertis, les vraies questions  qui conditionnent la stabilité,  le développement de notre pays  et un  mieux-être  effectif  de ses populations, maintenant  et pour les décennies   à venir, ne sont guère  posées   ou ne sont  qu’à peine effleurées.

Aujourd’hui  tout le monde  ou presque est polarisé sur la personne qui sera élue Chef de l’Etat béninois en avril 2006, mais presque personne ne se pose la question de  savoir  ce que cet  homme ou cette femme,  dans la plus haute fonction de notre pays, sera en mesure de faire pour changer effectivement la situation  visiblement chaotique dans laquelle se trouve le Bénin de 2005.   Presque  personne ne  se demande, apparemment  au moins, ce que le nouveau  Chef de l’Etat sera en mesure  de faire pour améliorer effectivement la vie des Béninois, ce qu’il pourra faire ou faire faire pour mettre le Benin sur le chemin de « Alafia »  défini dans les réflexions prospectives sur le Bénin en 2025 et lui éviter la voie du « Wahala » qui est aussi, hélas, l’une des possibilités qui s’offre au pays.  Très peu de gens se demandent avec qui ce Premier Magistrat de notre pays travaillera et surtout sur quelle administration béninoise  il va s’appuyer ? Or, aucun Chef d’Etat aussi avisé et aussi puissant soit­il ne peut réussir à faire avancer son pays  sans s’appuyer  sur un Gouvernement  de qualité et surtout sur une administration  performante et motivée.  Si un Chef d’Etat s’avise de constituer un Gouvernement  médiocre, composé d’incompétents, de courtisans ou d’affairistes, ses objectifs globaux et sectoriels  seront forcément  mal définis, ses projets évidemment   mal conduits, les programmes publics nécessairement    mal exécutés et finalement le pays conduit à la dérive.  Je me pose la question de savoir si le Benin est très loin aujourd’hui d’une telle situation. Mais le tout pour un pays n’est pas d’avoir un bon    Exécutif, il lui faut aussi une bonne Administration, c’est­-à­-dire, les structures et l’organisation  administratives appropriées et surtout les hommes qu’il faut pour les conduire et les animer. En effet, si l’Administration dont le Chef de l’Etat et le Gouvernement  se servent comme principal instrument de travail n’est pas à la hauteur des défis, tous les efforts des gouvernants  vont se perdre, comme aujourd’hui, dans la routine, la médiocrité  et finalement l’échec, Beaucoup trop de gens au Bénin se croient très  capables, et surtout se croient en mesure d’améliorer la gestion du pays s’ils étaient aux affaires. Quelles illusions !  Avant de revenir plus tard sur les défis qui attendent ceux et celles qui exerceront le Pouvoir à  partir d’avril 2006, je voudrais aborder ici  la question,  fort préoccupante  à  mes  yeux,  de l’état de l’Administration béninoise.

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1  – Le déclic  et le constat

Tout le monde ou presque est aujourd’hui d’accord  sur la dégradation avancée de la situation économique,  sociale, culturelle de notre pays.  II est vrai qu’il n’y a, apparemment, pas de famine, ni de troubles politiques  ou sociaux graves, mais la base économique    du pays s’est  effondrée, les finances publiques   mal en point. Les rares entreprises publiques  sont gérées en violation des règles établies, les entreprises   privées tirent la langue, faute de commandes et de financement,   le secteur informel est en état de survie artificielle, car, il tourne sur lui-même. L’un  des indicateurs de la bonne santé d’un pays est le moral de sa jeunesse.

Beaucoup plus  qu’à n’importe quelle autre période de l’histoire moderne de notre pays, la jeunesse est désespérée.  Des diplômes de l’enseignement supérieur sont au chômage depuis 10 ans et certaines facultés de l’Université nationale ont des taux  de réussite de moins de 10 % !   Des jeunes obtiennent  les BTS, les DTS à profusion et ne savent pas quoi en faire. Une toute petite frange de la population, même pas 0, 1  %, a trouve son compte dans une filière qu’elle a elle-même tuée par ses inconséquences.  La pauvreté et la misère s’installent dans les villes. Cette liste est loin d’être complète. Mais, qui diable est responsable de tout cela ? Les cadres béninois bien sûr !  C’est d’ailleurs ce que le Président Kérékou lui-même a dit le 1er Aout 2004.

Dans un excellent éditorial, Mr Alexis Azonwakin, rédacteur en  chef du quotidien  Fraternité, dans sa parution du 2 Aout 2004,  rapporte ceci : « Dans cette situation de dégradation  avancée de l’économie de notre pays, qui installe de plus en plus le peuple dans la misère, la responsabilité  des cadres béninois est largement engagée », Citant toujours le Président Kérékou, il poursuit «Il se pose la question de savoir à qui la faute, si la conduite des projets de développement  et la gestion des entreprises dans notre pays accusent tant d’incompétence, de laxisme et de déviance  éthique de la part des cadres nationaux ayant bénéficie des fruits du labeur et des sacrifices de nos populations  pour leur formation.   11   en est simplement ainsi parce que la culture de l’impunité est devenue la règle. »

2 ­ Les raisons  de ce  » Chaos « 

La situation décrite plus haut est malheureusement vraie, en ce sens que l’incompétence, le laxisme, la déviance éthique des cadres sont largement  répandus ;    mais  contrairement   à l’opinion exprimée par le Chef de l’Etat, le Général Mathieu Kérékou, cette situation n’est pas d’abord due au fait que   la culture de l’impunité est devenue la règle. L’impunité n’est  qu’un des facteurs explicatifs.   Mon opinion est que les cadres béninois  ne sont, par eux- mêmes, presque responsables de rien et l’Etat béninois n’a que les cadres qu’il mérite.  Ces derniers ont un comportement  conséquent en étant pour la plupart de mauvais gestionnaires  des services publics, des prédateurs des entreprises publiques, donc finalement des fossoyeurs   de l’économie nationale, de vrais vampires. Non contents d’apporter ·très  peu de valeur ajoutée à la gestion de ses entreprises publiques  ou semi-publiques,  ils les pillent la plupart du temps. Ils font trainer les dossiers, même sensibles, au niveau de l’administration générale. Bref, ils sont au total nuisibles au pays qui les a vu naitre, qui les a nourris, formés. Mieux, au fil du déroulement de l’expérience  démocratique  issue de la Conférence nationale, ils se sont transformés en redoutables manipulateurs des membres des   gouvernements successifs  et des politiciens dits ‘chevronnés ».  Hélas, comme le disent certains cercles philosophiques, « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ».  Nous commencerons  à faire en mars 2006,  le bilan  des trois   premières   années de la  décentralisation   a laquelle  beaucoup  de Béninois  et de partenaires  du Benin  ont travaillé  avec acharnement  et que nous avions    tant appelé de nos vœux .   11 est loin d’être établi  que la majorité  des 4500 à 5000 agents des collectivités  locales  et les 1200 élus  locaux soient exemplaires  !

3 ­ Le problème  de fond

Le problème de fond est que l’Etat béninois, a l’exception   notable  des forces  de sécurité et  de défense, ne forme pas ou ne forme plus ses grands cadres, c’est­-à­-dire ceux qui sont appelés à encadrer, à  diriger  « l’armée »  des 50 à 60  000 agents que compte  notre administration. L’Etat  ne s’en soucie même pas!  Formellement, c’est depuis une vingtaine d’années (1986) que l’Etat béninois ne forme plus ses

‘grands commis ».   Ceux qui avaient été formés dans les années 60 et 70 dans les écoles coloniales,  qui bien que de bonne qualité,  n’étaient pas totalement adaptés à nos besoins,  sont déjà décédés ou partis à

la retraite.  Aujourd’hui, la plupart  des responsables d’administration  centrale de nos Ministères, des différentes Régies, Offices, Agences, etc., sont issus, au mieux, de la catégorie des agents auxiliaires de l’Etat qui,  sortis de l’Université   à  partir  du milieu  des années 80 ont été directement affectés dans l’administration  béninoise alors qu’ils ne savaient pratiquement rien  faire.  Tout  simplement  parce que n’ayant rien appris sur l’Etat, sur I ‘administration, ses fondements, ses mécanismes, ses méthodes, sa finalité. Ils n’ont pas été sélectionnés en fonction de leurs aptitudes pour des taches précises, mais à l’époque, déversés « au petit bonheur », dans les Ministères !   Ils n’ont été soumis à aucune  formation  pluridisciplinaire,  initiés aux techniques  de constitution et de traitement  des dossiers, familiarisés aux cadres des travaux interministériels ou aux phases et contraintes des négociations  intergouvernementales ou  internationales. Ils  n’ont reçu aucune formation en matière de  déontologie administrative et personne ne leur a jamais  inculqué le sens de l’Etat et la grandeur qu’il y a, à le servir correctement. Comment   alors, si on n’est pas ignorant de certaines réalités ou si on ne veut pas jouer  aux Tartuffe, s’étonner de leur comportement aujourd’hui ? A quelques  exceptions près,  ce sont ces cadres là, qui ne sont sortis d’aucun moule, qui sont en position  de dirigeants dans presque tous nos Ministères aujourd’hui qui y seront en  avril 2006!  Les  mêmes  causes produisant   les mêmes effets, les  cadres béninois se comporteront  de la même façon à  partir de d’avril 2006 vis-à-vis du nouveau Pouvoir.  Ce qui me paraît   consternant, voire comique au Benin, c’est l’apparente naïveté des Ministres,  membres des gouvernements successifs qui croient béatement les cadres qui servent sous leurs ordres et qui se proclament de leurs bords politiques ou de leurs Partis  !   Dès qu’ils quittent   leurs fonctions, leurs faux partisans fondent comme neige au soleil !  Quand ils n’y prennent gardent, ils mettent « leurs économies »   dans la gestion de leurs « partis » jusqu’au dernier sous ! Après leur départ du Gouvernement,  car être Ministre n’est pas un métier mais une fonction temporaire, il ne leur reste que leurs yeux pour pleurer  .En 2006, il faudra mettre fin à ce système dans lequel les membres du gouvernement sont dirigés et manipulés par des cadres en quête de postes, et parier sur la compétence, l’expérience, le patriotisme. Si nous n’œuvrons pas pour changer la très préoccupante situation décrite ci-dessus, c’est l’échec garanti pour les gouvernements qui vont être appelés aux commandes de notre pays à partir d’avril 2006.

4 – Pardonnez leur, car  ils ne savent pas !

Que  ceux   des cadres  subordonnés et  des cadres dirigeants béninois qui ne se sentent pas concernés   veuillent bien me pardonner.   Et,  j’en connais un certain nombre !  Cette précaution  ne vise pas  à dénigrer le reste, mais appeler avec insistance à un sursaut national. Parlant avec modestie, mais du haut de mes 30 ans expérience (1975 ­ 2005), dans cinq différentes mais grandes administrations béninoises, je suis au regret d’affirmer qu’une grande partie des cadres administratifs béninois et des responsables de nos administrations ne savent pas rédiger un rapport, ils ne savent pas faire de compte rendu fidèle ni de procès-verbaux fiables des réunions auxquelles ils participent !    La plupart du temps, ils ne savent pas planifier leur travail, ne savent ni préparer, encore moins conduire une réunion. Il suffit pour s’en convaincre   de voir le désordre et l’improvisation quasi permanente dans lesquels l’administration béninoise baigne ! Nos cadres et responsables administratifs distinguent  à peine  les intérêts  de notre pays, les intérêts de leurs administrations,   de leurs propres  intérêts,  Ils  confondent  le patrimoine  de l’Etat avec le leur, savent à peine ce que c’est que le service public et ses exigences.  Généralement, tout en assumant des fonctions importantes, peu   savent lire un bilan d’entreprise,   lire ou confectionner  le budget d’un organisme public, établir un compte d’exploitation   prévisionnel, Ils ne savent pas préparer des dossiers solides ni travailler en groupe.  Ils ne savent pas,  à vrai dire,  comment  fonctionnent  des Comités  ministériels  ou interministériels,  qui sont des structures de préparation  des décisions ministérielles ou gouvernementales.  Ils ne savent pas préparer et présenter des options à leurs Ministres en rédigeant des Notes  de synthèses claires.  Ils ne savent pas mener des  échanges, voire conduire des négociations, avec leur personnel ou avec des structures organisées  tels que les syndicats.  Dans notre pays, les négociations  avec les représentants des institutions  internationales ou   les délégations  étrangères sont généralement  mal préparées, car abordées à la hâte avec des dossiers vides ou sommaires par des cadres occupés à on ne sait trop quoi. C’est pour cela que généralement nous adoptons souvent les conclusions que les Institutions nous proposent  avec leur grille d’évaluation et leur culture propres. Je dois à la vérité de révéler aussi, que sauf de rares exceptions, nos cadres  ne savent pas écrire des discours !   Ils vous préparent en général des papiers insipides qu’il faut  passer  de longs  moments à  assaisonner.  Les seuls qui vous font des projets de discours acceptables  sont les cadres du Ministère des affaires étrangères. Je l’ai constaté deux ans durant  pendant lesquels, de 1991 à  1993,  en raison des liens anciens qui  nous   unissaient,      j’ai assumé l’intérim   de Théodore Holo, Ministre des Affaires étrangères, Les cadres  des Affaires étrangères savent donc écrire, mais ils ont d’autres tares parmi lesquelles, vouloir toujours    rester entre eux et surtout aller tous en poste. Pour quoi faire, « Ils s’en foutent » comme dirait une populaire  chanson créole. Les cadres dirigeants de notre administration ne savent pas rédiger des textes réglementaires (décrets, arrêtés) OU normatifs et instructifs   (circulaires). Je l’ai  encore constaté courant   2000­-2001 où j’ai vu des  décrets indigestes sur  les organes de contrôle,   L’une des conséquences de cette incompétence   globale est que notre administration ne sait  pas élaborer et mettre en œuvre, à court et moyen termes, des politiques sectorielles de manière conséquente. Ainsi, qui peut dire avec clarté la politique agricole que suit notre pays, sa politique industrielle, sa politique touristique  ou scolaire ou de formation  professionnelle ? Pourquoi par  exemple depuis  des mois, deux usines de trituration de graines de coton sont obligées de mettre 1000 agents en chômage technique et déclencher une campagne de presse pour ne pas disparaître,

Cette longue liste, n’a pas été faite par volonté d’humiliation  de qui que ce soit,  mais tout simplement parce qu’elle constitue le quotidien de la haute administration.   Et c’est ce quotidien qui aide à définir, qui détermine, qui soutient tous les aspects de la gestion de la chose publique, que ce soit la politique financière, économique, agricole, industrielle, touristique,  extérieure,  culturelle etc.  Du pays.  Je ne veux pas dire que nos cadres ne savent rien faire. Mais ils font ce qu’ils peuvent, ils bricolent !  Sur le plan financier par exemple, nos comptables publics et les gestionnaires de fonds ne savent pas ou alors feignent d’ignorer que la reddition annuelle (rendre compte  de sa gestion) des comptes  est une impérieuse obligation.

Bien que l’Afrique soit à la traîne des autres

continents pour beaucoup  de raisons dont certaines historiques   et structurelles,   la piteuse   qualité de l’administration de beaucoup de pays explique l’incapacité des Gouvernements à mesurer  et à faire face aux défis  de notre  temps. La  situation décrite  plus haut n’est donc  pas spécifique au Benin.

Nos  braves  cadres ou directeurs  d’administrations centrales,  quand ils ne sont pas directeurs  généraux ne manquent pas de bonne   volonté, mais ce n’est   pas avec  la bonne volonté   qu’on maîtrise les techniques     et les rouages de l’administration     et encore moins de la haute  administration.    II faut les apprendre,    les pratiquer,   les  maîtriser,   Les cadres dirigeants   de notre administration et de notre  secteur public n’ont pas été triés,  formes  dans les moules  qui conviennent,   car l’Université n’est  pas le moule qui convient.

L’une  des conséquences   et non  des moindres, de  cette  situation   est l’engorgement   du travail gouvernemental    qui s’occupe trop souvent  de questions mineures   ! Alors,  que peut­-on  faire encore aujourd’hui   ?

Section 2 –  Le piètre  état de l’administrationbéninoise.  Que faire ?

En plus  du paludisme   et du Sida,  la mauvaise gouvernance   est hélas la chose  la mieux  répandue  en Afrique.  Koffi Annan,  le talentueux    Secrétaire  général des Nations  Unies n’a pas hésité à inviter  fermement  et à maintes  reprises   les  dirigeants   africains   

se conformer  aux règles de bonne gestion  des affaires publiques. Les organisations   financières et économiques internationales    ne cessent de plaider dans le même sens. Bien  que les maux africains aient des racines plus lointaines   telles  que  l’esclavage    et la colonisation,   il convient de balayer  aujourd’hui à nos portes  et d’amener les gouvernants  à être plus responsables. Personne n’oblige les dirigeants africains à mal gérer leurs pays !

II Administration L’extrême urgence de la formation dans des centres spécialisés

On ne peut pas faire de la bonne administration, assister utilement un directeur de services, diriger un service, coordonner un ensemble de services ou de directions,  sans formation dans une école ou un Institut spécialisé, qu’il soit national ou international. C’est une évidence que beaucoup de dirigeants africains semblent  ignorer et que les dirigeants actuels et futurs du Bénin doivent se mettre dans la tête. Pourquoi diable envoient­ils, par exemple, des militaires dans des écoles de formation nationales ou étrangères, des élèves des classes scientifiques dans les écoles d’ingénieurs, des postulants pilotes dans des écoles de pilotage et pourquoi croient­ils que l’administration ne s’apprend pas dans des institutions  spécialisées. Sont­ils si ignorants ? Certainement pas, puisque ceux d’entre eux qui ont par exemple  des aéronefs nationaux ne courent pas le risque d’en confier le pilotage au premier pilote venu,  car  ils savent  les risques qu’ils  courent !           Ils confient ces moyens   de déplacement délicats à des pilotes  chevronnés et bien payés afin de préserver leurs vies.

Je   voudrais    rapidement   évoquer ici   trois modèles   de formation   dans le domaine  des sciences administratives.     L’Ecole nationale d’administration française,   la fameuse ENA, l’Ecole   d’administration allemande   de Speyer et l’Ecole nationale  d’administration publique ­ ENAP   ­­ du Canada.   Il  existe quelques   écoles d’administration    dans certains pays africains   tels que le Sénégal, le Burkina-Faso  ou la Côte d’Ivoire. Elles ont le mérite d’exister, mais leur histoire est moins  connue et surtout leur réputation reste à faire.  Nous  devrions  peut-être  y travailler.

Former de bons administrateurs des hommes et des choses coûtent cher.  C’est certainement  là une des faiblesses   des Ecoles africaines.    La France, l’Allemagne, le Canada font partie des pays les plus développés  du monde puisqu’ils sont tous membres du Club des 7 pays les plus industrialisés. Pourtant, ces pays, de culture fort différentes, mettent un soin particulier à la formation de leurs hauts cadres administratifs. On peut ne pas être de cet avis, mais   la France, quatrième puissance économique du monde, avec  une population de  62  millions  d’âmes, une administration de 5,2 millions d’agents dont 3,5 millions de fonctionnaires servant l’Etat, 1,5 servant les collectivités locales, 200 000 a 300 000 servant dans les  structures hospitalières,   ne peut  pas être ce qu’elle est aujourd’hui sans l’ENA.  Fondée il y a 60 ans par le Général de Gaulle et Michel Debré, elle n’a subi que quelques légères réformes.  Succédant à un système base sur les concours individuels d’intégration des  grands corps de l’Etat, corps de contrôle, corps diplomatique, préfectoral, corps des administrateurs civils . ,  l’ENA a pour mission d’assurer de manière uniforme la formation initiale des hauts fonctionnaires français. Le système d’accès, quoique aujourd’hui diversifié, demeure une sévère sélection l’entrée, un accès aux hautes fonctions de l’Etat en fonction stricte et quasi immuable du rang  de sortie, une formation professionnelle et post­universitaire de  haut niveau, un encadrement majoritairement assuré par des professionnels  réputés. L’épine dorsale de l’administration française est constituée par environ 5  000 (cinq mille) énarques en position de direction dans toutes les administrations·   du pays, dans toutes les représentations  diplomatiques et les grandes entreprises nationales.  Ils sont également en position  forte dans les institutions européennes  et internationales mais aussi dans les grandes entreprises du secteur privé, Au niveau  de l’administration générale française, les énarques sont assistés par les cadres de bon niveau aussi, formes dans les Instituts régionaux   d’administration publique (IRAP). Les IRAP ont formé depuis leur création dans les années

70 ­ 80, entre 20 et 30 000 attachés d’administration publique.   Ceux sont ces quelques 35 a  40  000 cadres,  sélectionnés,  formés,   recyclés  périodiquement,   avec les  grands corps   techniques, qui  font marcher la machine   administrative française sans laquelle  l’Etat  français  ne serait pas ce qu’il est, l’économie  française ne serait pas au niveau  où elle est, le rayonnement    de la France ne serait à  cette hauteur !

On peut souligner en passant, que l’ENA forme des hauts fonctionnaires pour beaucoup d’autres pays, européens  surtout et que depuis 1945 le plus gros contingent d’étrangers  formé est constitué par des « énarques allemands ». En plus de leur bonne formation  initiale, les cadres de la haute  administration française ont la garantie d’une bonne carrière, bénéficient  de bonnes rémunérations, ne sont pas la merci  des fantaisies  des Ministres de passage. Ils restent donc  longtemps  à  leurs postes  et servent l’Etat français et leur pays !

2 –  Au-delà  du modèle français

La formation des hauts fonctionnaires de l’Allemagne, pays de 90 millions d’habitants et 3ème puissance économique mondiale a suivi depuis 1947 deux  directions.  Cette  formation  qui se fait,    en dehors de la    Bakov (Bundesakademie   fur Offentliche Verwaltung) essentiellement   à   l’Ecole supérieure d’administration de Speyer (en RhEnanie­Palatinat, dans le Centre ­Ouest de l’Allemagne) était quasiment calquée, qui l’eût cru, sur l’ENA française, c’est­ à ­dire  : position de monopole de l’Ecole  pour l’accès aux emplois administratifs supérieurs, finalité pratique  de la formation  alliant scolarité  et stages, ouverture  disciplinaire ­ droit,  économie, sciences :politiques  et sociales ­ et également sociale du recrutement, promotion des cadres intermédiaires, garantie  d’embauche à la  sortie  et perspective  ouverte d’une  carrière  attractive.  Mais sous l’influence  de divers facteurs dont celui du modèle allemand historique,   le développement pratique de l’Ecole de Speyer dévia quelque peu du modèle français. Ainsi, l’ouverture disciplinaire recula au profit de la formation juridique  post­universitaire, de la mise en place d’une mission de recherche autonome et plus tard de formation  continue. L’Ecole propose à près de 500 auditeurs, contre une centaine d’élèves pour l’ENA, durant chacun des deux semestres universitaires  de l’année, des cours et séminaires portant sur l’activité concrète de l’Etat et de l’administration.  Ces enseignements sont assurés par des professeurs d’Université et des charges de  cours issus de l’Administration étatique et communale, des milieux économiques et juridiques. L’Ecole  de Speyer n’a plus le monopole de la formation pour l’administration publique mais elle constitue dans les faits une référence d’excellence. Ainsi, aussi bien l’ENA française que l’Ecole de Speyer, forment des hauts cadres de l’administration,   capables d’identifier et d’analyser ensemble des situations et des problèmes politiques et économiques, de repérer des marges de manœuvres et d’imaginer des solutions innovantes, d’user de méthodes modernes de direction et de décisions,  de négocier  et de défendre  des décisions tant à l’intérieur qu’à  l’extérieur de l’administration. A partir de 1991, l’Ecole a mis en place ce qu’elle a appelé le  « Collège  de direction  de Speyer’ destiné  à la remise à niveau des chefs de service ministériels sélectionnés  et en passe de prendre la direction de départements.

L’Ecole  nationale  d’administration  publique du Canada­ Québec,    l’ENAP,   fut créée en  1969. Comme l’ENA  française et l’Ecole  de Speyer en Allemagne est un centre de formation initiale de haut niveau, mais aussi un centre de formation continue. L’Enap, allie la tradition de formation francophone, basée  sur les séminaires,  les groupes de travail,  la constitution des dossiers, les stages etc….     avec les techniques  de pointe du système  nord-américain. L’Ecole offre aussi beaucoup de possibilité  de coopération internationale.   Elle  forme la  très grande majorité des gestionnaires de l’administration publique au Québec.

Presque tous les pays européens,  Italie, Espagne, Portugal, Pologne etc.  ont des systèmes de formation des dirigeants de leur haute administration plus ou moins calqués sur l’ENA française ou l’Ecole de Speyer. Le système américain, basé sur une formation solide dans de grandes universités disposant de grands moyens et du service d’enseignants de haut niveau, est quelque peu différent. Basé aussi sur l’excellence  de ses produits, il mérite une réflexion séparée. Même, en Russie, ancienne Union soviétique, il existe  aujourd’hui   une Ecole d’administration,    presque copie conforme de l’ENA

Section 3  : L’origine du mal

Je ne voudrais pas donner l’impression de ne réagir qu’aux écrits de nos amis journalistes.  Le long article que j’ai écrit, début mai 2005, sur la gouvernance dans notre pays répondait déjà à l’édito d’un jour du mois d’aout 2004 de M. Azonwakin de Fraternité, Mais si j’ai senti le besoin de revenir sur Ce que j’ai publié Sur le désastreux état de l’administration béninoise, c’est à cause d’un article d’un grand homme de média, Maurille Agbokou. Dans sa parution du 6 mai 2006, il écrit dans Adjinakou, « Le pays va mal. De mal en pis. » Il décrit dans cet article « les difficultés  d’approvisionnement en produits pétroliers par  les consommateurs béninois, la valse des prix des  mêmes produits, la cherté de la vie, la montée vertigineuse  du chômage, les problèmes de sécurité caractérisés entre autres par les coupeurs de route et les échauffourées urbaines et les incessants braquages.   Comment   comprendre   qu’une simple révolte  urbaine à  Cotonou  se soit soldé par trois morts,  beaucoup  de blessés  et d’importants  dégâts matériels !    Maurille Agbokou poursuit   « Face à cet horizon assombri, le gouvernement semble n’être d’aucune utilité …   le gouvernement  semble tétanisé et n’a aucune pièce  de rechange pour tirer le pays d’affaire. II. Tout  cela est-­il  lié à ce  qu’il  appelle
« atmosphère   de fin de règne  du Président Kérékou « ? Peut-être,   car lorsque l’autorité n’est plus  ce qu’elle était, plus rien ne tient la route.  Mais, ma conviction est que l’Etat béninois,   comme beaucoup  d’Etats africains,  est beaucoup plus formel  que réel. Il est assis sur une  administration malade car en grande  partie inorganisée, globalement incompétente,    laxiste,   largement   corrompue et  irresponsable etc.   L’essentiel du   mal vient de   là. J’affirme   que le Président Kérékou    démissionnerait demain, un nouveau  chef de l’Etat élu et installé, si la fondation  de l’Etat béninois n’est pas revue,    corrigée,   réorientée,   le pays n’irait  pas mieux et nos maux qui ont noms,  baisse  de la production   agricole, chute de  nos produits d’exportation,   marasme du secteur industriel,    aggravation   du chômage,    situation    sanitaire globalement préoccupante,      insécurité et pauvreté grandissantes

. . .     ne trouveront   aucune solution.   II est totalement

erroné  de croire  que celui  qui est  à la tête  d’un  pays peut  tout faire,  qu’il est responsable   de tout, que les solutions    à  tous  les problèmes  dépendent de lui. Souvent, dans un pays organise, un « simple » chef de service est en mesure de régler un problème relativement important   sans qu’il ne soit besoin de monter plus haut. Un Directeur peut donner une impulsion décisive à une affaire s’il faisait simplement son travail. Je souris souvent en entendant dans la plupart de nos média, nos braves compatriotes,   faire appel au Président Kérékou pour  régler un problème mineur qui se pose ici ou là.  Par ailleurs,  un gouvernement  tout seul ne peut  pas grand-chose.   II doit appliquer  les grandes orientations  arrêtées par le Chef de l’Exécutif,  définir et mettre en œuvre des politiques sectorielles cohérentes et appliquer des programmes  d’actions solides. En effet, même si un gouvernement avait 50 membres, que représente-t­-il face  à une armée  des fonctionnaires  qui doit bien aujourd’hui  approcher le  chiffre de 70  000 tous corps confondus.

1  – Pourquoi  l’administration  est incontournable

L’Administration  est incontournable parce qu’elle  représente  le bras arme, le principal  instrument de travail et d’action  du Gouvernement d’un pays. C’est l’Administration qui dans différents secteurs, économique, financier, agricole, industriel, sanitaire,  technique, social, sécuritaire et autres dispose  des hommes et des femmes  charges de missions précises  au profit de la Nation. C’est elle qui possède les moyens financiers et matériels  permettant d’atteindre les objectifs du gouvernement. C’est l’Administration qui applique et fait appliquer les lois et les actes réglementaires pris par le gouvernement. C’est elle qui met en œuvre les circulaires ministérielles.  Elle dispose même, pour accomplir ses différentes missions de pouvoirs qui souvent dérogent au droit commun.

L’état de l’administration béninoise est connu. Les Etats généraux de 1994 et l’observation de tous les jours  en témoignent  largement. Les documents officiels  même affirment que notre administration n’est pas performante, qu’elle est caractérisée par un faible rendement, une corruption généralisée et endémique, une médiocrité diffuse, un encadrement médiocre, un laxisme préoccupant, une lenteur pré­judiciable  à l’avancement des dossiers  etc.. Par ailleurs, notre administration   est archaïque pour au moins deux raisons. Curieusement, malgré le tapage ambiant, les nouvelles technologies  l’on  peut pénétrer en dehors du classique traitement de texte. Peu de Ministères, même parmi les plus importants  ont un réseau interne pour assurer un fonctionnement maximal. Ils sont encore moins connectés entre eux afin  de faciliter le travail gouvernemental.   Rares sont   ceux qui sont   sur le net alors   qu’il est aujourd’hui la plus  grande bibliothèque et la plus grande base de données du monde. Notre administration est aussi archaïque parce que ses méthodes de travail ne sont pas adaptées aux problèmes de notre temps . Je me suis davantage rendu compte de  ces tares et dysfonctionnements lors d’un audit des réformes au Ministère des finances que j’ai conduit en 1999′ pendant près de 9 mois, à la demande du Ministre Abdoulaye Bio Tchané. C’est pour toutes ces raisons et beaucoup d’au­tres qu’il est impérieux que les 1500 a 2000 hommes, Chefs  de services  centraux, Directeurs  techniques, Directeurs d’administration centrale, Directeurs de cabinet,  Secrétaires généraux, Directeurs généraux et Directeurs  des entreprises publiques …  qui encadrent l’administration  et le secteur public béninois changent de comportement et de méthodes, bref, changent, de culture. C’est pourquoi,  nos responsables d’administration centrale doivent être reformés car leur formation et les valeurs qui guident leurs actions ne sont pas compatibles avec le progrès de notre pays. Aucune nation développée  n’a progressé sans que ses élites vouent un profond amour à leur pays, sans qu’elles assimilent et respectent un certain nombre de valeurs et font un maximum d’effort pour préserver ce qui a été bâti avant eux.

2 – Recyclage,  formation préalable  et formation continue

Les administrateurs béninois qui assurent les fonctions de direction dans I ‘administration publique béninoise aujourd’hui sont mal formés. Depuis longtemps,  le moule destiné à cette fin n’a plus Servi à cela.   II a servi à  former des cadres pour le secteur privé et le chômage. Les moules extérieurs ne sont plus ou très peu utilises ou ne sont pas appropriés, C’est la raison pour laquelle l’administration  publique béninoise va  » à vau l’eau ». II n’y a aucune raison pour que les cadres béninois et notamment ceux qui sont  chargés des fonctions d’encadrement général aient les compétences requises indispensables   à l’exercice  normal de leurs  fonctions, qu’ils soient patriotes, respectueux de leur pays et du bien public, si dans leur formation, ces notions ne leur ont pas

été  enseignées,  développées, inculquées.  Il n’y a aucune raison pour qu’ils respectent  le bien public s’il ne leur a pas été enseigné que celui-ci est sacré, que le pouvoir qui leur est délégué l’est pour le bon fonctionnement  du service public. Il n’y a aucune raison pour qu’ils craignent l’argent public comme la peste s’ils ne savent pas que la reddition des comptes est un impératif pour les finances publiques  et que quiconque viole ses règles doit en payer le prix. Dans le système francophone d’enseignement   supérieur, ce ne sont pas des notions que l’on enseigne sur les bancs des facultés à quelque niveau que ce soit.

Ce sont les écoles d’administration et les écoles professionnelles  qui ont vocation à donner   ces enseignements. J’ai  évoqué  dans un récent  article, hélas un peu long, le système en vigueur en France, en Allemagne, au Canada­Québec, mais aussi dans presque tous les pays européens. L’élite administrative de pays de dizaines de millions d’hommes, disposant d’une administration de plusieurs millions de membres est généralement de quelques dizaines de milliers d’hommes.   En France, ii n’est pas tout à fait juste de ne parler que des énarques et de leurs assistants formés dans les Instituts régionaux d’administration  publique. Cette armée de 40000 à  50000 agents  d’encadrement  supérieurs sont efficacement secondés par des collaborateurs  formés dans différentes disciplines,  à différents niveaux et auxquels sont inculqués  les fondamentaux qui constituent le fondement de leurs actions. C’est ainsi que les chefs de service, les sous-directeurs, les chefs de division qui sont certainement quelques centaines de milliers assurent la cohésion et la pérennité du système.

3 ­ C’est  parce que …

C’est parce que l’administration béninoise est de piètre  qualité que les politiques publiques, quel que soit le domaine concerné, définies par le gouvernement sont menées de façon artisanale, inefficace, chaotique et   irresponsable. C’est parce que cette administration est mal organisée, mal structurée, mal dirigée, qu’elle  n’arrive pas à conduire à terme OU avec d’énormes  difficultés et beaucoup de retard les grands   projets ‘ qu’elle n’a pas de mémoire. C’est parce que notre administration repose sur des hommes qui n’ont pas intègré les valeurs qui devraient être les siennes que les politiques sectorielles, qu’elles soient agricoles, industrielles, éducatives, sanitaires,  etc.  sont  menées  de façon  inconséquente.  Si nous ne changeons pas, progressivement certes, mais radicalement  cette situation, il faut perdre l’illusion selon laquelle un changement  de Chef d’Etat et de gouvernement  suffira à nous sortir des innombrables problèmes d’aujourd’hui et de demain.

4 – Ce qu’il faut faire

Comme  ii est très  difficile de redresser  un bois qui est déjà sec, l’Etat béninois doit se donner comme principale préoccupation de recycler de manière très rigoureuse ceux et celles qui sont aujourd’hui  en position de responsabilité dans nos administrations publiques et qui par leurs comportements quotidiens contribuent à appauvrir et à couler notre pays.

II   est urgent,   extrêmement urgent,   que l’Administration béninoise  redevienne d’abord une administration au service des populations. II faut que les hommes et les femmes qui la dirigent soient très bien formés ou reformés, périodiquement   recyclés, pour se consacrer effectivement et efficacement au service de leurs compatriotes.  II  faut  qu’on leur apprenne   et qu’ils assimilent   les connaissances nécessaires,  qu’ils acquièrent les repères, qu’ils assimilent  les valeurs essentielles au bon fonctionnement des structures qu’ils dirigent. II faut que l’Ecole nationale    d’administration et de magistrature devienne   très rapidement un centre d’excellence destiné  presque exclusivement  à  la   formation  de notre élite administrative et judiciaire. Ceux qui sont aujourd’hui en fonction doivent être  recyclés en urgence. Si le Pouvoir qui va s’installer aux  commandes de notre pays en avril 2006 n’en fait pas son credo,  la gestion des affaires publiques, en fait la gouvernance de notre pays continuera sur la pente de la  médiocrité et peut-être un jour finira dans le chaos.

Nous  devons aussi sortir de l’illusion que le Benin, par le travail de ses fils, la sagesse et le savoir de ses gouvernants  peut se mettre à l’abri, se sortir seul d’affaires. Nous devrions  œuvrer au sein des ensembles sous régionaux, Uemoa,   Cedeao, pour que des systèmes de formation de l’élite administrative de la sous­région soient mis en place.  De telles structures, par le brassage des élites qu’elles vont instaurer, permettront une avancée significative dans le traitement des problèmes bilatéraux et sous­régionaux.

Conclusion

La question de la qualité et du rôle de l’administration béninoise  peut paraître banale à certains. Ceux-ci pourraient privilégier le problème politique de la désignation  du premier magistrat du pays ou alors celui de l’équipe gouvernementale  qu’il mettra en place. Bien que ce soit des questions majeures dignes du plus grand intérêt, je soutiens que la qualité de  l’administration de notre pays  constitue un nœud pour la bonne gestion des affaires publiques.

II convient de trouver une solution urgente  à l’indigence  qui la caractérise  aujourd’hui afin de  sortir l’ensemble du système de gouvernance publique de la médiocrité  et de l’ornière, 11  me parait impérieux de prendre, le moment des réformes venu, les mesures suivantes :

• Détacher sans délai, c’est­à­dire  des mai 2006, l’Ecole nationale d’administration et de magistrature ­ ENAM  ­ de l’Université nationale du Bénin  et du Ministère   de l’Enseignement   supérieur. Malgré la  qualité de l’actuelle Direction de l’école,  équipe que je connais et que j’apprécie, une Ecole   d’administration n’est pas une faculté ou on va apprendre   des généralités ! Dans une école d’administration, on apprend de manière concrète à gérer les affaires publiques.

Rattacher l’Enam au Ministère  de la fonction publique dans la mesure où ceux qui y sont formés sont d’abord et avant tout destinés au service  de l’Etat. 11   est  arrivé pendant  plusieurs années que  l’Ena  béninoise   ait formé des secrétaires de direction, des archivistes, et procède au recyclage de journalistes !

Nommer, pour orienter et surveiller le fonctionnement  de l’Enam, un Conseil d’administration d’une dizaine  de membres, composé de hauts fonctionnaires ou de personnalités  servant ou ayant servi l’Etat au plus haut niveau , qui savent ce qu’il est et qui en ont le sens.

    Mettre à la tête de l’Ecole nationale d’administration non pas un professeur de l’enseignement supérieur, mais une équipe   composée d’un administrateur et d’un magistrat de haut niveau.

Assurer pendant une période transitoire de cinq ans une formation initiale pour des promotions composées  de 80 à 100 élevés rigoureusement et sévèrement  sélectionnées.

Assurer   un recyclage   approfondi d’environ 3  mois à tous ceux qui exercent des fonctions de direction  et de chefs de service  dans nos administrations publiques. Les administrations naissantes de nos communes pourront en profiter.   Revoir  le mode de   fonctionnement  de toutes nos écoles et instituts professionnels (Douanes, Impôts etc.) et  autres, formant des cadres pour l’administration publique afin de les remettre dans  le sens des véritables et nouvelles missions de l’Etat. 11 faut aussi travailler à  assurer une bonne articulation et une cohérence de ces centres de formation   avec l’ensemble de l’administration.

    Au plan régional, il convient que l’Etat    béninois œuvre fermement à la création au niveau des 8  pays de l’Uemoa et des  15 pays de la Cedeao   d’une   structure   de formation   de courte durée et de haut niveau pour assurer le brassage des élites administratives sous­régionales …

Bien  évidemment,  une profonde réforme  de l’Enam   et l’amélioration  du fonctionnement des autres  structures de formation des fonctionnaires béninois ne suffira pas à régler les graves dysfonctionnements  de l’administration et  l’inefficacité  de l’Etat béninois. 11  faut aussi s’attaquer à la réforme de
l’Etat  lui-même  en le recentrant  sur ses fonctions essentielles  et en le dotant de structures performantes et efficaces. A titre d’exemple, la création urgente d’une  Cour des comptes, juridiction financière de droit commun pour enfin discipliner les comptables et les gestionnaires des fonds publics, la rationalisation  du rôle de l’Inspection générale des finances, efficace, mais confiée à des taches secondaires et sans impact sur la gestion économique et financière du pays, rendre efficace les inspections ministérielles dont la plupart  végètent aujourd’hui alors qu’elles sont indispensables au bon fonctionnement de l’Etat. Ces mesures et beaucoup d’autres sont à prendre à très court terme  et sans faiblesse. Au total des réformes institutionnelles, économiques, financières, administratives  sont impérieuses. Comment par exemple ne pas revoir les bases de notre économie productive  et espérer qu’une seule filière agricole, celle du coton, peut assurer la prospérité du Benin pendant 30 ans !  Au lieu de travailler rigoureusement à la diversification  de nos productions agricoles  et rendre performante  notre rôle de pays de services, nous passons  le plus clair de notre temps à émettre des vœux et pousser des jérémiades,  à organiser des séminaires émaillés de pauses café !  La décentralisation,  c’est­à­dire l’existence  de communes autonomes, est aujourd’hui une nouvelle donne que l’Etat qui l’a voulue, initiée et mise en œuvre, doit nécessairement prendre  en compte. Rendant à César ce qui est à César, on est obligé de reconnaître que le Président Nicéphore Soglo, que l’on soit de son bord on non, que l’on l’apprécie ou pas, a été, tous régimes confondus,  le seul dirigeant de notre pays à penser, parler et agir « développement  économique » six ans durant. C’est cette voie, en évitant autant que possible les erreurs de parcours, qu’il faudra nécessairement reprendre  et creuser à partir de 2006 si  nous voulons éviter le chaos à notre pays et le désespoir à nos enfants.

L’Etat béninois ou la marche d’un invertébré extrait p7à57

Bonne gouvernance au Bénin: ma contribution, Éditions du Flamboyant, 2005, 148 pages Copyright  flamboyant


2 réponses

  1. Avatar de Che Guevara
    Che Guevara

    Donc le desert de competence etait prevu, mais n’a ete fait.

  2. Avatar de OLLA OUMAR
    OLLA OUMAR

    Bel hommage , que lui rend mon journal préféré en publiant ces beaux et vertueux écrits de ce digne fils du bénin Adjaho , qui je crois s’il était vivant ã l’ère de talon , aurait ravaler ses belles productions intellectuelles , serait dans la sauce talonienne , n’était il pas le beau-frère de talon qui a même nommée la veuve adjaho ambassadrice ?
    Et puis adjaho ne pourrait même pas plaider auprès de *** la misére que lui **** fait subir à mon journal préféré que des klébés comme magbedo, agadjavi monwé viennent infecter , polluer , défigurer

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