(Cet article est sorti dans les quotidiens Fraternité, Nouvelle Tribune et L 'autre Quotidien, les 4 et 6 mai 2005). AVERTISSEMENT :Nous commençons ce jour, à la suite de notre témoignage, la publication de la série d’articles publiés par M Richard Adjaho dans notre quotidien à l’occasion des dix ans de sa subite disparition. Des articles objets du recueil Bonne gouvernance au Bénin éditions Flamboyant (X).
Nous sommes convaincu que la personnalité de cet homme brillant que nous avons qualifié de « grand commis de l’Etat » mais qui reste peu connu du grand public, mérite d’être célébré non seulement pour ce qu’il a fait pour notre pays mais pour la qualité de ses écrits dont certains remontent aux années 1990. La clarté de l’analyse et la pertinence de ses propositions montrent à souhait que ses écrits n’ont pas pris une seule ride et sont toujours d’une brûlante actualité.
Le premier de ses textes , l’Etat béninois ou la marche d’un invertébré, dont l’intitulé en dit long sur le contenu, est une critique sans concession de notre administration perçue par Richard Adjaho comme incompétente , mal formée et inapte à impulser le développement. Il en déduit que le Bénin doit cesser de se mettre en marge de la planète terre, d’abord en copiant ce qui est fait de mieux au monde en matière de centre de formation mais surtout en privilégiant la formation systématique des cadres de notre administration pour la rendre apte à répondre aux exigences du développement.
L’Ena qu’il propose doit être, de son point de vue, rattachée non à l’université mais au ministère de la Fonction publique avec des cadres de haut niveau à sa tête(magistrats, hauts fonctionnaires de l’administration centrale ) aux côtés des universitaires plutôt portés vers l’enseignement théorique.
Section 1 : L'Etat béninois ou la marche d'un invertébré
Je me suis permis d'assimiler l'Etat béninois à un invertébré en raison du fait que, visiblement, il manque de colonne vertébrale, axe autour duquel les mammifères supérieurs sont organisés et structurés. Le débat sur la révision de la Constitution s'arrêtera dès que les conditions politiques ou juridiques de sa faisabilité ne seront plus remplies. Ce débat constitue un moment important de notre vie politique, mais il passera. En réalité, le vrai problème pour le Bénin aujourd'hui est de trouver les voies et moyens pour assurer un départ paisible à la retraite politique à l'homme qui a dirigé, avec ses hauts et ses bas, ses avancées comme ses reculs, ses dérives comme ses moments d'apaisement, notre Nation pendant presque trois décennies. Une fois ce problème réglé, les questions épineuses concernant la gouvernance de notre pays vont demeurer. C'est pourquoi, il est affligeant à mes yeux, voire désespérant, de constater que dans le Bénin d'aujourd'hui, la plupart du temps, dans la quasi-totalité de nos organes de diffusion de masse et dans les cercles béninois pourtant bien avertis, les vraies questions qui conditionnent la stabilité, le développement de notre pays et un mieux-être effectif de ses populations, maintenant et pour les décennies à venir, ne sont guère posées ou ne sont qu'à peine effleurées.
Aujourd'hui tout le monde ou presque est polarisé sur la personne qui sera élue Chef de l'Etat béninois en avril 2006, mais presque personne ne se pose la question de savoir ce que cet homme ou cette femme, dans la plus haute fonction de notre pays, sera en mesure de faire pour changer effectivement la situation visiblement chaotique dans laquelle se trouve le Bénin de 2005. Presque personne ne se demande, apparemment au moins, ce que le nouveau Chef de l'Etat sera en mesure de faire pour améliorer effectivement la vie des Béninois, ce qu'il pourra faire ou faire faire pour mettre le Benin sur le chemin de "Alafia" défini dans les réflexions prospectives sur le Bénin en 2025 et lui éviter la voie du "Wahala" qui est aussi, hélas, l'une des possibilités qui s'offre au pays. Très peu de gens se demandent avec qui ce Premier Magistrat de notre pays travaillera et surtout sur quelle administration béninoise il va s’appuyer ? Or, aucun Chef d'Etat aussi avisé et aussi puissant soitil ne peut réussir à faire avancer son pays sans s'appuyer sur un Gouvernement de qualité et surtout sur une administration performante et motivée. Si un Chef d'Etat s'avise de constituer un Gouvernement médiocre, composé d'incompétents, de courtisans ou d'affairistes, ses objectifs globaux et sectoriels seront forcément mal définis, ses projets évidemment mal conduits, les programmes publics nécessairement mal exécutés et finalement le pays conduit à la dérive. Je me pose la question de savoir si le Benin est très loin aujourd'hui d'une telle situation. Mais le tout pour un pays n'est pas d'avoir un bon Exécutif, il lui faut aussi une bonne Administration, c'est-à-dire, les structures et l'organisation administratives appropriées et surtout les hommes qu'il faut pour les conduire et les animer. En effet, si l'Administration dont le Chef de l'Etat et le Gouvernement se servent comme principal instrument de travail n'est pas à la hauteur des défis, tous les efforts des gouvernants vont se perdre, comme aujourd'hui, dans la routine, la médiocrité et finalement l'échec, Beaucoup trop de gens au Bénin se croient très capables, et surtout se croient en mesure d'améliorer la gestion du pays s'ils étaient aux affaires. Quelles illusions ! Avant de revenir plus tard sur les défis qui attendent ceux et celles qui exerceront le Pouvoir à partir d'avril 2006, je voudrais aborder ici la question, fort préoccupante à mes yeux, de l'état de l'Administration béninoise.
1 - Le déclic et le constat
Tout le monde ou presque est aujourd'hui d'accord sur la dégradation avancée de la situation économique, sociale, culturelle de notre pays. II est vrai qu'il n'y a, apparemment, pas de famine, ni de troubles politiques ou sociaux graves, mais la base économique du pays s'est effondrée, les finances publiques mal en point. Les rares entreprises publiques sont gérées en violation des règles établies, les entreprises privées tirent la langue, faute de commandes et de financement, le secteur informel est en état de survie artificielle, car, il tourne sur lui-même. L'un des indicateurs de la bonne santé d'un pays est le moral de sa jeunesse.
Beaucoup plus qu'à n'importe quelle autre période de l'histoire moderne de notre pays, la jeunesse est désespérée. Des diplômes de l'enseignement supérieur sont au chômage depuis 10 ans et certaines facultés de l'Université nationale ont des taux de réussite de moins de 10 % ! Des jeunes obtiennent les BTS, les DTS à profusion et ne savent pas quoi en faire. Une toute petite frange de la population, même pas 0, 1 %, a trouve son compte dans une filière qu'elle a elle-même tuée par ses inconséquences. La pauvreté et la misère s'installent dans les villes. Cette liste est loin d'être complète. Mais, qui diable est responsable de tout cela ? Les cadres béninois bien sûr ! C'est d'ailleurs ce que le Président Kérékou lui-même a dit le 1er Aout 2004.
Dans un excellent éditorial, Mr Alexis Azonwakin, rédacteur en chef du quotidien Fraternité, dans sa parution du 2 Aout 2004, rapporte ceci : "Dans cette situation de dégradation avancée de l'économie de notre pays, qui installe de plus en plus le peuple dans la misère, la responsabilité des cadres béninois est largement engagée'', Citant toujours le Président Kérékou, il poursuit «Il se pose la question de savoir à qui la faute, si la conduite des projets de développement et la gestion des entreprises dans notre pays accusent tant d'incompétence, de laxisme et de déviance éthique de la part des cadres nationaux ayant bénéficie des fruits du labeur et des sacrifices de nos populations pour leur formation. 11 en est simplement ainsi parce que la culture de l'impunité est devenue la règle. »
2 Les raisons de ce " Chaos "
La situation décrite plus haut est malheureusement vraie, en ce sens que l'incompétence, le laxisme, la déviance éthique des cadres sont largement répandus ; mais contrairement à l'opinion exprimée par le Chef de l'Etat, le Général Mathieu Kérékou, cette situation n'est pas d'abord due au fait que la culture de l'impunité est devenue la règle. L'impunité n'est qu'un des facteurs explicatifs. Mon opinion est que les cadres béninois ne sont, par eux- mêmes, presque responsables de rien et l'Etat béninois n'a que les cadres qu'il mérite. Ces derniers ont un comportement conséquent en étant pour la plupart de mauvais gestionnaires des services publics, des prédateurs des entreprises publiques, donc finalement des fossoyeurs de l'économie nationale, de vrais vampires. Non contents d'apporter ·très peu de valeur ajoutée à la gestion de ses entreprises publiques ou semi-publiques, ils les pillent la plupart du temps. Ils font trainer les dossiers, même sensibles, au niveau de l'administration générale. Bref, ils sont au total nuisibles au pays qui les a vu naitre, qui les a nourris, formés. Mieux, au fil du déroulement de l'expérience démocratique issue de la Conférence nationale, ils se sont transformés en redoutables manipulateurs des membres des gouvernements successifs et des politiciens dits ‘chevronnés". Hélas, comme le disent certains cercles philosophiques, "Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut". Nous commencerons à faire en mars 2006, le bilan des trois premières années de la décentralisation a laquelle beaucoup de Béninois et de partenaires du Benin ont travaillé avec acharnement et que nous avions tant appelé de nos vœux . 11 est loin d'être établi que la majorité des 4500 à 5000 agents des collectivités locales et les 1200 élus locaux soient exemplaires !
3 Le problème de fond
Le problème de fond est que l'Etat béninois, a l'exception notable des forces de sécurité et de défense, ne forme pas ou ne forme plus ses grands cadres, c'est-à-dire ceux qui sont appelés à encadrer, à diriger "l'armée" des 50 à 60 000 agents que compte notre administration. L'Etat ne s'en soucie même pas! Formellement, c'est depuis une vingtaine d'années (1986) que l'Etat béninois ne forme plus ses
'grands commis". Ceux qui avaient été formés dans les années 60 et 70 dans les écoles coloniales, qui bien que de bonne qualité, n'étaient pas totalement adaptés à nos besoins, sont déjà décédés ou partis à
la retraite. Aujourd'hui, la plupart des responsables d'administration centrale de nos Ministères, des différentes Régies, Offices, Agences, etc., sont issus, au mieux, de la catégorie des agents auxiliaires de l'Etat qui, sortis de l'Université à partir du milieu des années 80 ont été directement affectés dans l'administration béninoise alors qu'ils ne savaient pratiquement rien faire. Tout simplement parce que n'ayant rien appris sur l'Etat, sur I ‘administration, ses fondements, ses mécanismes, ses méthodes, sa finalité. Ils n'ont pas été sélectionnés en fonction de leurs aptitudes pour des taches précises, mais à l'époque, déversés "au petit bonheur", dans les Ministères ! Ils n'ont été soumis à aucune formation pluridisciplinaire, initiés aux techniques de constitution et de traitement des dossiers, familiarisés aux cadres des travaux interministériels ou aux phases et contraintes des négociations intergouvernementales ou internationales. Ils n'ont reçu aucune formation en matière de déontologie administrative et personne ne leur a jamais inculqué le sens de l'Etat et la grandeur qu'il y a, à le servir correctement. Comment alors, si on n’est pas ignorant de certaines réalités ou si on ne veut pas jouer aux Tartuffe, s'étonner de leur comportement aujourd'hui ? A quelques exceptions près, ce sont ces cadres là, qui ne sont sortis d'aucun moule, qui sont en position de dirigeants dans presque tous nos Ministères aujourd'hui qui y seront en avril 2006! Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les cadres béninois se comporteront de la même façon à partir de d'avril 2006 vis-à-vis du nouveau Pouvoir. Ce qui me paraît consternant, voire comique au Benin, c'est l'apparente naïveté des Ministres, membres des gouvernements successifs qui croient béatement les cadres qui servent sous leurs ordres et qui se proclament de leurs bords politiques ou de leurs Partis ! Dès qu'ils quittent leurs fonctions, leurs faux partisans fondent comme neige au soleil ! Quand ils n'y prennent gardent, ils mettent "leurs économies" dans la gestion de leurs "partis" jusqu'au dernier sous ! Après leur départ du Gouvernement, car être Ministre n'est pas un métier mais une fonction temporaire, il ne leur reste que leurs yeux pour pleurer .En 2006, il faudra mettre fin à ce système dans lequel les membres du gouvernement sont dirigés et manipulés par des cadres en quête de postes, et parier sur la compétence, l'expérience, le patriotisme. Si nous n'œuvrons pas pour changer la très préoccupante situation décrite ci-dessus, c'est l'échec garanti pour les gouvernements qui vont être appelés aux commandes de notre pays à partir d'avril 2006.
4 - Pardonnez leur, car ils ne savent pas !
Que ceux des cadres subordonnés et des cadres dirigeants béninois qui ne se sentent pas concernés veuillent bien me pardonner. Et, j'en connais un certain nombre ! Cette précaution ne vise pas à dénigrer le reste, mais appeler avec insistance à un sursaut national. Parlant avec modestie, mais du haut de mes 30 ans expérience (1975 2005), dans cinq différentes mais grandes administrations béninoises, je suis au regret d'affirmer qu'une grande partie des cadres administratifs béninois et des responsables de nos administrations ne savent pas rédiger un rapport, ils ne savent pas faire de compte rendu fidèle ni de procès-verbaux fiables des réunions auxquelles ils participent ! La plupart du temps, ils ne savent pas planifier leur travail, ne savent ni préparer, encore moins conduire une réunion. Il suffit pour s'en convaincre de voir le désordre et l'improvisation quasi permanente dans lesquels l'administration béninoise baigne ! Nos cadres et responsables administratifs distinguent à peine les intérêts de notre pays, les intérêts de leurs administrations, de leurs propres intérêts, Ils confondent le patrimoine de l'Etat avec le leur, savent à peine ce que c'est que le service public et ses exigences. Généralement, tout en assumant des fonctions importantes, peu savent lire un bilan d'entreprise, lire ou confectionner le budget d'un organisme public, établir un compte d'exploitation prévisionnel, Ils ne savent pas préparer des dossiers solides ni travailler en groupe. Ils ne savent pas, à vrai dire, comment fonctionnent des Comités ministériels ou interministériels, qui sont des structures de préparation des décisions ministérielles ou gouvernementales. Ils ne savent pas préparer et présenter des options à leurs Ministres en rédigeant des Notes de synthèses claires. Ils ne savent pas mener des échanges, voire conduire des négociations, avec leur personnel ou avec des structures organisées tels que les syndicats. Dans notre pays, les négociations avec les représentants des institutions internationales ou les délégations étrangères sont généralement mal préparées, car abordées à la hâte avec des dossiers vides ou sommaires par des cadres occupés à on ne sait trop quoi. C'est pour cela que généralement nous adoptons souvent les conclusions que les Institutions nous proposent avec leur grille d'évaluation et leur culture propres. Je dois à la vérité de révéler aussi, que sauf de rares exceptions, nos cadres ne savent pas écrire des discours ! Ils vous préparent en général des papiers insipides qu'il faut passer de longs moments à assaisonner. Les seuls qui vous font des projets de discours acceptables sont les cadres du Ministère des affaires étrangères. Je l'ai constaté deux ans durant pendant lesquels, de 1991 à 1993, en raison des liens anciens qui nous unissaient, j'ai assumé l'intérim de Théodore Holo, Ministre des Affaires étrangères, Les cadres des Affaires étrangères savent donc écrire, mais ils ont d'autres tares parmi lesquelles, vouloir toujours rester entre eux et surtout aller tous en poste. Pour quoi faire, "Ils s'en foutent" comme dirait une populaire chanson créole. Les cadres dirigeants de notre administration ne savent pas rédiger des textes réglementaires (décrets, arrêtés) OU normatifs et instructifs (circulaires). Je l'ai encore constaté courant 2000-2001 où j'ai vu des décrets indigestes sur les organes de contrôle, L'une des conséquences de cette incompétence globale est que notre administration ne sait pas élaborer et mettre en œuvre, à court et moyen termes, des politiques sectorielles de manière conséquente. Ainsi, qui peut dire avec clarté la politique agricole que suit notre pays, sa politique industrielle, sa politique touristique ou scolaire ou de formation professionnelle ? Pourquoi par exemple depuis des mois, deux usines de trituration de graines de coton sont obligées de mettre 1000 agents en chômage technique et déclencher une campagne de presse pour ne pas disparaître,
Cette longue liste, n'a pas été faite par volonté d'humiliation de qui que ce soit, mais tout simplement parce qu'elle constitue le quotidien de la haute administration. Et c'est ce quotidien qui aide à définir, qui détermine, qui soutient tous les aspects de la gestion de la chose publique, que ce soit la politique financière, économique, agricole, industrielle, touristique, extérieure, culturelle etc. Du pays. Je ne veux pas dire que nos cadres ne savent rien faire. Mais ils font ce qu'ils peuvent, ils bricolent ! Sur le plan financier par exemple, nos comptables publics et les gestionnaires de fonds ne savent pas ou alors feignent d'ignorer que la reddition annuelle (rendre compte de sa gestion) des comptes est une impérieuse obligation.
Bien que l'Afrique soit à la traîne des autres
continents pour beaucoup de raisons dont certaines historiques et structurelles, la piteuse qualité de l'administration de beaucoup de pays explique l'incapacité des Gouvernements à mesurer et à faire face aux défis de notre temps. La situation décrite plus haut n'est donc pas spécifique au Benin.
Nos braves cadres ou directeurs d'administrations centrales, quand ils ne sont pas directeurs généraux ne manquent pas de bonne volonté, mais ce n'est pas avec la bonne volonté qu'on maîtrise les techniques et les rouages de l'administration et encore moins de la haute administration. II faut les apprendre, les pratiquer, les maîtriser, Les cadres dirigeants de notre administration et de notre secteur public n'ont pas été triés, formes dans les moules qui conviennent, car l'Université n'est pas le moule qui convient.
L'une des conséquences et non des moindres, de cette situation est l'engorgement du travail gouvernemental qui s'occupe trop souvent de questions mineures ! Alors, que peut-on faire encore aujourd'hui ?
Section 2 - Le piètre état de l'administrationbéninoise. Que faire ?
En plus du paludisme et du Sida, la mauvaise gouvernance est hélas la chose la mieux répandue en Afrique. Koffi Annan, le talentueux Secrétaire général des Nations Unies n'a pas hésité à inviter fermement et à maintes reprises les dirigeants africains
se conformer aux règles de bonne gestion des affaires publiques. Les organisations financières et économiques internationales ne cessent de plaider dans le même sens. Bien que les maux africains aient des racines plus lointaines telles que l'esclavage et la colonisation, il convient de balayer aujourd'hui à nos portes et d'amener les gouvernants à être plus responsables. Personne n'oblige les dirigeants africains à mal gérer leurs pays !
- II Administration L’extrême urgence de la formation dans des centres spécialisés
On ne peut pas faire de la bonne administration, assister utilement un directeur de services, diriger un service, coordonner un ensemble de services ou de directions, sans formation dans une école ou un Institut spécialisé, qu'il soit national ou international. C'est une évidence que beaucoup de dirigeants africains semblent ignorer et que les dirigeants actuels et futurs du Bénin doivent se mettre dans la tête. Pourquoi diable envoientils, par exemple, des militaires dans des écoles de formation nationales ou étrangères, des élèves des classes scientifiques dans les écoles d'ingénieurs, des postulants pilotes dans des écoles de pilotage et pourquoi croientils que l'administration ne s'apprend pas dans des institutions spécialisées. Sontils si ignorants ? Certainement pas, puisque ceux d'entre eux qui ont par exemple des aéronefs nationaux ne courent pas le risque d'en confier le pilotage au premier pilote venu, car ils savent les risques qu'ils courent ! Ils confient ces moyens de déplacement délicats à des pilotes chevronnés et bien payés afin de préserver leurs vies.
Je voudrais rapidement évoquer ici trois modèles de formation dans le domaine des sciences administratives. L'Ecole nationale d'administration française, la fameuse ENA, l'Ecole d'administration allemande de Speyer et l'Ecole nationale d'administration publique ENAP du Canada. Il existe quelques écoles d'administration dans certains pays africains tels que le Sénégal, le Burkina-Faso ou la Côte d'Ivoire. Elles ont le mérite d'exister, mais leur histoire est moins connue et surtout leur réputation reste à faire. Nous devrions peut-être y travailler.
Former de bons administrateurs des hommes et des choses coûtent cher. C'est certainement là une des faiblesses des Ecoles africaines. La France, l'Allemagne, le Canada font partie des pays les plus développés du monde puisqu'ils sont tous membres du Club des 7 pays les plus industrialisés. Pourtant, ces pays, de culture fort différentes, mettent un soin particulier à la formation de leurs hauts cadres administratifs. On peut ne pas être de cet avis, mais la France, quatrième puissance économique du monde, avec une population de 62 millions d'âmes, une administration de 5,2 millions d'agents dont 3,5 millions de fonctionnaires servant l'Etat, 1,5 servant les collectivités locales, 200 000 a 300 000 servant dans les structures hospitalières, ne peut pas être ce qu'elle est aujourd'hui sans l'ENA. Fondée il y a 60 ans par le Général de Gaulle et Michel Debré, elle n'a subi que quelques légères réformes. Succédant à un système base sur les concours individuels d'intégration des grands corps de l'Etat, corps de contrôle, corps diplomatique, préfectoral, corps des administrateurs civils . , l'ENA a pour mission d'assurer de manière uniforme la formation initiale des hauts fonctionnaires français. Le système d'accès, quoique aujourd'hui diversifié, demeure une sévère sélection l'entrée, un accès aux hautes fonctions de l'Etat en fonction stricte et quasi immuable du rang de sortie, une formation professionnelle et postuniversitaire de haut niveau, un encadrement majoritairement assuré par des professionnels réputés. L'épine dorsale de l'administration française est constituée par environ 5 000 (cinq mille) énarques en position de direction dans toutes les administrations· du pays, dans toutes les représentations diplomatiques et les grandes entreprises nationales. Ils sont également en position forte dans les institutions européennes et internationales mais aussi dans les grandes entreprises du secteur privé, Au niveau de l'administration générale française, les énarques sont assistés par les cadres de bon niveau aussi, formes dans les Instituts régionaux d'administration publique (IRAP). Les IRAP ont formé depuis leur création dans les années
70 80, entre 20 et 30 000 attachés d'administration publique. Ceux sont ces quelques 35 a 40 000 cadres, sélectionnés, formés, recyclés périodiquement, avec les grands corps techniques, qui font marcher la machine administrative française sans laquelle l'Etat français ne serait pas ce qu'il est, l'économie française ne serait pas au niveau où elle est, le rayonnement de la France ne serait à cette hauteur !
On peut souligner en passant, que l'ENA forme des hauts fonctionnaires pour beaucoup d'autres pays, européens surtout et que depuis 1945 le plus gros contingent d'étrangers formé est constitué par des "énarques allemands". En plus de leur bonne formation initiale, les cadres de la haute administration française ont la garantie d'une bonne carrière, bénéficient de bonnes rémunérations, ne sont pas la merci des fantaisies des Ministres de passage. Ils restent donc longtemps à leurs postes et servent l'Etat français et leur pays !
2 - Au-delà du modèle français
La formation des hauts fonctionnaires de l'Allemagne, pays de 90 millions d'habitants et 3ème puissance économique mondiale a suivi depuis 1947 deux directions. Cette formation qui se fait, en dehors de la Bakov (Bundesakademie fur Offentliche Verwaltung) essentiellement à l'Ecole supérieure d'administration de Speyer (en RhEnaniePalatinat, dans le Centre Ouest de l'Allemagne) était quasiment calquée, qui l'eût cru, sur l'ENA française, c'est à dire : position de monopole de l'Ecole pour l'accès aux emplois administratifs supérieurs, finalité pratique de la formation alliant scolarité et stages, ouverture disciplinaire droit, économie, sciences :politiques et sociales et également sociale du recrutement, promotion des cadres intermédiaires, garantie d'embauche à la sortie et perspective ouverte d'une carrière attractive. Mais sous l'influence de divers facteurs dont celui du modèle allemand historique, le développement pratique de l'Ecole de Speyer dévia quelque peu du modèle français. Ainsi, l'ouverture disciplinaire recula au profit de la formation juridique postuniversitaire, de la mise en place d'une mission de recherche autonome et plus tard de formation continue. L'Ecole propose à près de 500 auditeurs, contre une centaine d'élèves pour l'ENA, durant chacun des deux semestres universitaires de l'année, des cours et séminaires portant sur l'activité concrète de l'Etat et de l'administration. Ces enseignements sont assurés par des professeurs d'Université et des charges de cours issus de l'Administration étatique et communale, des milieux économiques et juridiques. L'Ecole de Speyer n'a plus le monopole de la formation pour l'administration publique mais elle constitue dans les faits une référence d'excellence. Ainsi, aussi bien l'ENA française que l'Ecole de Speyer, forment des hauts cadres de l'administration, capables d'identifier et d'analyser ensemble des situations et des problèmes politiques et économiques, de repérer des marges de manœuvres et d'imaginer des solutions innovantes, d'user de méthodes modernes de direction et de décisions, de négocier et de défendre des décisions tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'administration. A partir de 1991, l'Ecole a mis en place ce qu'elle a appelé le "Collège de direction de Speyer' destiné à la remise à niveau des chefs de service ministériels sélectionnés et en passe de prendre la direction de départements.
L'Ecole nationale d'administration publique du Canada Québec, l'ENAP, fut créée en 1969. Comme l'ENA française et l'Ecole de Speyer en Allemagne est un centre de formation initiale de haut niveau, mais aussi un centre de formation continue. L'Enap, allie la tradition de formation francophone, basée sur les séminaires, les groupes de travail, la constitution des dossiers, les stages etc…. avec les techniques de pointe du système nord-américain. L'Ecole offre aussi beaucoup de possibilité de coopération internationale. Elle forme la très grande majorité des gestionnaires de l'administration publique au Québec.
Presque tous les pays européens, Italie, Espagne, Portugal, Pologne etc. ont des systèmes de formation des dirigeants de leur haute administration plus ou moins calqués sur l'ENA française ou l'Ecole de Speyer. Le système américain, basé sur une formation solide dans de grandes universités disposant de grands moyens et du service d'enseignants de haut niveau, est quelque peu différent. Basé aussi sur l'excellence de ses produits, il mérite une réflexion séparée. Même, en Russie, ancienne Union soviétique, il existe aujourd'hui une Ecole d'administration, presque copie conforme de l'ENA
Section 3 : L'origine du mal
Je ne voudrais pas donner l’impression de ne réagir qu'aux écrits de nos amis journalistes. Le long article que j'ai écrit, début mai 2005, sur la gouvernance dans notre pays répondait déjà à l'édito d'un jour du mois d'aout 2004 de M. Azonwakin de Fraternité, Mais si j'ai senti le besoin de revenir sur Ce que j'ai publié Sur le désastreux état de l'administration béninoise, c'est à cause d'un article d'un grand homme de média, Maurille Agbokou. Dans sa parution du 6 mai 2006, il écrit dans Adjinakou, "Le pays va mal. De mal en pis." Il décrit dans cet article "les difficultés d'approvisionnement en produits pétroliers par les consommateurs béninois, la valse des prix des mêmes produits, la cherté de la vie, la montée vertigineuse du chômage, les problèmes de sécurité caractérisés entre autres par les coupeurs de route et les échauffourées urbaines et les incessants braquages. Comment comprendre qu'une simple révolte urbaine à Cotonou se soit soldé par trois morts, beaucoup de blessés et d'importants dégâts matériels ! Maurille Agbokou poursuit "Face à cet horizon assombri, le gouvernement semble n'être d'aucune utilité ... le gouvernement semble tétanisé et n'a aucune pièce de rechange pour tirer le pays d'affaire. II. Tout cela est-il lié à ce qu'il appelle
"atmosphère de fin de règne du Président Kérékou "? Peut-être, car lorsque l'autorité n'est plus ce qu'elle était, plus rien ne tient la route. Mais, ma conviction est que l'Etat béninois, comme beaucoup d'Etats africains, est beaucoup plus formel que réel. Il est assis sur une administration malade car en grande partie inorganisée, globalement incompétente, laxiste, largement corrompue et irresponsable etc. L'essentiel du mal vient de là. J'affirme que le Président Kérékou démissionnerait demain, un nouveau chef de l'Etat élu et installé, si la fondation de l'Etat béninois n'est pas revue, corrigée, réorientée, le pays n'irait pas mieux et nos maux qui ont noms, baisse de la production agricole, chute de nos produits d'exportation, marasme du secteur industriel, aggravation du chômage, situation sanitaire globalement préoccupante, insécurité et pauvreté grandissantes
. . . ne trouveront aucune solution. II est totalement
erroné de croire que celui qui est à la tête d'un pays peut tout faire, qu'il est responsable de tout, que les solutions à tous les problèmes dépendent de lui. Souvent, dans un pays organise, un "simple" chef de service est en mesure de régler un problème relativement important sans qu'il ne soit besoin de monter plus haut. Un Directeur peut donner une impulsion décisive à une affaire s'il faisait simplement son travail. Je souris souvent en entendant dans la plupart de nos média, nos braves compatriotes, faire appel au Président Kérékou pour régler un problème mineur qui se pose ici ou là. Par ailleurs, un gouvernement tout seul ne peut pas grand-chose. II doit appliquer les grandes orientations arrêtées par le Chef de l'Exécutif, définir et mettre en œuvre des politiques sectorielles cohérentes et appliquer des programmes d'actions solides. En effet, même si un gouvernement avait 50 membres, que représente-t-il face à une armée des fonctionnaires qui doit bien aujourd'hui approcher le chiffre de 70 000 tous corps confondus.
1 - Pourquoi l'administration est incontournable
L'Administration est incontournable parce qu'elle représente le bras arme, le principal instrument de travail et d'action du Gouvernement d'un pays. C'est l'Administration qui dans différents secteurs, économique, financier, agricole, industriel, sanitaire, technique, social, sécuritaire et autres dispose des hommes et des femmes charges de missions précises au profit de la Nation. C'est elle qui possède les moyens financiers et matériels permettant d'atteindre les objectifs du gouvernement. C'est l'Administration qui applique et fait appliquer les lois et les actes réglementaires pris par le gouvernement. C'est elle qui met en œuvre les circulaires ministérielles. Elle dispose même, pour accomplir ses différentes missions de pouvoirs qui souvent dérogent au droit commun.
L'état de l'administration béninoise est connu. Les Etats généraux de 1994 et l'observation de tous les jours en témoignent largement. Les documents officiels même affirment que notre administration n'est pas performante, qu'elle est caractérisée par un faible rendement, une corruption généralisée et endémique, une médiocrité diffuse, un encadrement médiocre, un laxisme préoccupant, une lenteur préjudiciable à l'avancement des dossiers etc.. Par ailleurs, notre administration est archaïque pour au moins deux raisons. Curieusement, malgré le tapage ambiant, les nouvelles technologies l'on peut pénétrer en dehors du classique traitement de texte. Peu de Ministères, même parmi les plus importants ont un réseau interne pour assurer un fonctionnement maximal. Ils sont encore moins connectés entre eux afin de faciliter le travail gouvernemental. Rares sont ceux qui sont sur le net alors qu'il est aujourd'hui la plus grande bibliothèque et la plus grande base de données du monde. Notre administration est aussi archaïque parce que ses méthodes de travail ne sont pas adaptées aux problèmes de notre temps . Je me suis davantage rendu compte de ces tares et dysfonctionnements lors d'un audit des réformes au Ministère des finances que j'ai conduit en 1999' pendant près de 9 mois, à la demande du Ministre Abdoulaye Bio Tchané. C'est pour toutes ces raisons et beaucoup d'autres qu'il est impérieux que les 1500 a 2000 hommes, Chefs de services centraux, Directeurs techniques, Directeurs d'administration centrale, Directeurs de cabinet, Secrétaires généraux, Directeurs généraux et Directeurs des entreprises publiques ... qui encadrent l'administration et le secteur public béninois changent de comportement et de méthodes, bref, changent, de culture. C'est pourquoi, nos responsables d'administration centrale doivent être reformés car leur formation et les valeurs qui guident leurs actions ne sont pas compatibles avec le progrès de notre pays. Aucune nation développée n'a progressé sans que ses élites vouent un profond amour à leur pays, sans qu'elles assimilent et respectent un certain nombre de valeurs et font un maximum d'effort pour préserver ce qui a été bâti avant eux.
2 - Recyclage, formation préalable et formation continue
Les administrateurs béninois qui assurent les fonctions de direction dans I ‘administration publique béninoise aujourd'hui sont mal formés. Depuis longtemps, le moule destiné à cette fin n'a plus Servi à cela. II a servi à former des cadres pour le secteur privé et le chômage. Les moules extérieurs ne sont plus ou très peu utilises ou ne sont pas appropriés, C'est la raison pour laquelle l'administration publique béninoise va " à vau l'eau". II n'y a aucune raison pour que les cadres béninois et notamment ceux qui sont chargés des fonctions d'encadrement général aient les compétences requises indispensables à l'exercice normal de leurs fonctions, qu'ils soient patriotes, respectueux de leur pays et du bien public, si dans leur formation, ces notions ne leur ont pas
été enseignées, développées, inculquées. Il n'y a aucune raison pour qu'ils respectent le bien public s'il ne leur a pas été enseigné que celui-ci est sacré, que le pouvoir qui leur est délégué l'est pour le bon fonctionnement du service public. Il n'y a aucune raison pour qu'ils craignent l'argent public comme la peste s'ils ne savent pas que la reddition des comptes est un impératif pour les finances publiques et que quiconque viole ses règles doit en payer le prix. Dans le système francophone d'enseignement supérieur, ce ne sont pas des notions que l'on enseigne sur les bancs des facultés à quelque niveau que ce soit.
Ce sont les écoles d'administration et les écoles professionnelles qui ont vocation à donner ces enseignements. J'ai évoqué dans un récent article, hélas un peu long, le système en vigueur en France, en Allemagne, au CanadaQuébec, mais aussi dans presque tous les pays européens. L'élite administrative de pays de dizaines de millions d'hommes, disposant d'une administration de plusieurs millions de membres est généralement de quelques dizaines de milliers d'hommes. En France, ii n'est pas tout à fait juste de ne parler que des énarques et de leurs assistants formés dans les Instituts régionaux d'administration publique. Cette armée de 40000 à 50000 agents d'encadrement supérieurs sont efficacement secondés par des collaborateurs formés dans différentes disciplines, à différents niveaux et auxquels sont inculqués les fondamentaux qui constituent le fondement de leurs actions. C'est ainsi que les chefs de service, les sous-directeurs, les chefs de division qui sont certainement quelques centaines de milliers assurent la cohésion et la pérennité du système.
3 C'est parce que ...
C'est parce que l'administration béninoise est de piètre qualité que les politiques publiques, quel que soit le domaine concerné, définies par le gouvernement sont menées de façon artisanale, inefficace, chaotique et irresponsable. C'est parce que cette administration est mal organisée, mal structurée, mal dirigée, qu'elle n'arrive pas à conduire à terme OU avec d'énormes difficultés et beaucoup de retard les grands projets ' qu'elle n'a pas de mémoire. C'est parce que notre administration repose sur des hommes qui n'ont pas intègré les valeurs qui devraient être les siennes que les politiques sectorielles, qu'elles soient agricoles, industrielles, éducatives, sanitaires, etc. sont menées de façon inconséquente. Si nous ne changeons pas, progressivement certes, mais radicalement cette situation, il faut perdre l'illusion selon laquelle un changement de Chef d'Etat et de gouvernement suffira à nous sortir des innombrables problèmes d'aujourd'hui et de demain.
4 - Ce qu'il faut faire
Comme ii est très difficile de redresser un bois qui est déjà sec, l'Etat béninois doit se donner comme principale préoccupation de recycler de manière très rigoureuse ceux et celles qui sont aujourd'hui en position de responsabilité dans nos administrations publiques et qui par leurs comportements quotidiens contribuent à appauvrir et à couler notre pays.
II est urgent, extrêmement urgent, que l'Administration béninoise redevienne d'abord une administration au service des populations. II faut que les hommes et les femmes qui la dirigent soient très bien formés ou reformés, périodiquement recyclés, pour se consacrer effectivement et efficacement au service de leurs compatriotes. II faut qu'on leur apprenne et qu'ils assimilent les connaissances nécessaires, qu'ils acquièrent les repères, qu'ils assimilent les valeurs essentielles au bon fonctionnement des structures qu'ils dirigent. II faut que l'Ecole nationale d'administration et de magistrature devienne très rapidement un centre d'excellence destiné presque exclusivement à la formation de notre élite administrative et judiciaire. Ceux qui sont aujourd'hui en fonction doivent être recyclés en urgence. Si le Pouvoir qui va s'installer aux commandes de notre pays en avril 2006 n'en fait pas son credo, la gestion des affaires publiques, en fait la gouvernance de notre pays continuera sur la pente de la médiocrité et peut-être un jour finira dans le chaos.
Nous devons aussi sortir de l'illusion que le Benin, par le travail de ses fils, la sagesse et le savoir de ses gouvernants peut se mettre à l'abri, se sortir seul d'affaires. Nous devrions œuvrer au sein des ensembles sous régionaux, Uemoa, Cedeao, pour que des systèmes de formation de l'élite administrative de la sousrégion soient mis en place. De telles structures, par le brassage des élites qu'elles vont instaurer, permettront une avancée significative dans le traitement des problèmes bilatéraux et sousrégionaux.
Conclusion
La question de la qualité et du rôle de l'administration béninoise peut paraître banale à certains. Ceux-ci pourraient privilégier le problème politique de la désignation du premier magistrat du pays ou alors celui de l'équipe gouvernementale qu'il mettra en place. Bien que ce soit des questions majeures dignes du plus grand intérêt, je soutiens que la qualité de l'administration de notre pays constitue un nœud pour la bonne gestion des affaires publiques.
II convient de trouver une solution urgente à l'indigence qui la caractérise aujourd'hui afin de sortir l'ensemble du système de gouvernance publique de la médiocrité et de l'ornière, 11 me parait impérieux de prendre, le moment des réformes venu, les mesures suivantes :
• Détacher sans délai, c'estàdire des mai 2006, l'Ecole nationale d'administration et de magistrature ENAM de l'Université nationale du Bénin et du Ministère de l'Enseignement supérieur. Malgré la qualité de l'actuelle Direction de l'école, équipe que je connais et que j'apprécie, une Ecole d'administration n'est pas une faculté ou on va apprendre des généralités ! Dans une école d'administration, on apprend de manière concrète à gérer les affaires publiques.
Rattacher l'Enam au Ministère de la fonction publique dans la mesure où ceux qui y sont formés sont d'abord et avant tout destinés au service de l'Etat. 11 est arrivé pendant plusieurs années que l'Ena béninoise ait formé des secrétaires de direction, des archivistes, et procède au recyclage de journalistes !
Nommer, pour orienter et surveiller le fonctionnement de l'Enam, un Conseil d'administration d'une dizaine de membres, composé de hauts fonctionnaires ou de personnalités servant ou ayant servi l'Etat au plus haut niveau , qui savent ce qu'il est et qui en ont le sens.
Mettre à la tête de l'Ecole nationale d'administration non pas un professeur de l'enseignement supérieur, mais une équipe composée d'un administrateur et d'un magistrat de haut niveau.
Assurer pendant une période transitoire de cinq ans une formation initiale pour des promotions composées de 80 à 100 élevés rigoureusement et sévèrement sélectionnées.
Assurer un recyclage approfondi d'environ 3 mois à tous ceux qui exercent des fonctions de direction et de chefs de service dans nos administrations publiques. Les administrations naissantes de nos communes pourront en profiter. Revoir le mode de fonctionnement de toutes nos écoles et instituts professionnels (Douanes, Impôts etc.) et autres, formant des cadres pour l'administration publique afin de les remettre dans le sens des véritables et nouvelles missions de l'Etat. 11 faut aussi travailler à assurer une bonne articulation et une cohérence de ces centres de formation avec l'ensemble de l'administration.
Au plan régional, il convient que l'Etat béninois œuvre fermement à la création au niveau des 8 pays de l'Uemoa et des 15 pays de la Cedeao d'une structure de formation de courte durée et de haut niveau pour assurer le brassage des élites administratives sousrégionales ...
Bien évidemment, une profonde réforme de l'Enam et l'amélioration du fonctionnement des autres structures de formation des fonctionnaires béninois ne suffira pas à régler les graves dysfonctionnements de l'administration et l'inefficacité de l'Etat béninois. 11 faut aussi s'attaquer à la réforme de
l'Etat lui-même en le recentrant sur ses fonctions essentielles et en le dotant de structures performantes et efficaces. A titre d'exemple, la création urgente d'une Cour des comptes, juridiction financière de droit commun pour enfin discipliner les comptables et les gestionnaires des fonds publics, la rationalisation du rôle de l'Inspection générale des finances, efficace, mais confiée à des taches secondaires et sans impact sur la gestion économique et financière du pays, rendre efficace les inspections ministérielles dont la plupart végètent aujourd'hui alors qu'elles sont indispensables au bon fonctionnement de l'Etat. Ces mesures et beaucoup d'autres sont à prendre à très court terme et sans faiblesse. Au total des réformes institutionnelles, économiques, financières, administratives sont impérieuses. Comment par exemple ne pas revoir les bases de notre économie productive et espérer qu'une seule filière agricole, celle du coton, peut assurer la prospérité du Benin pendant 30 ans ! Au lieu de travailler rigoureusement à la diversification de nos productions agricoles et rendre performante notre rôle de pays de services, nous passons le plus clair de notre temps à émettre des vœux et pousser des jérémiades, à organiser des séminaires émaillés de pauses café ! La décentralisation, c'estàdire l'existence de communes autonomes, est aujourd'hui une nouvelle donne que l'Etat qui l'a voulue, initiée et mise en œuvre, doit nécessairement prendre en compte. Rendant à César ce qui est à César, on est obligé de reconnaître que le Président Nicéphore Soglo, que l'on soit de son bord on non, que l'on l'apprécie ou pas, a été, tous régimes confondus, le seul dirigeant de notre pays à penser, parler et agir "développement économique" six ans durant. C'est cette voie, en évitant autant que possible les erreurs de parcours, qu'il faudra nécessairement reprendre et creuser à partir de 2006 si nous voulons éviter le chaos à notre pays et le désespoir à nos enfants.
L’Etat béninois ou la marche d’un invertébré extrait p7à57
Bonne gouvernance au Bénin: ma contribution, Éditions du Flamboyant, 2005, 148 pages Copyright flamboyant
Donc le desert de competence etait prevu, mais n’a ete fait.
Bel hommage , que lui rend mon journal préféré en publiant ces beaux et vertueux écrits de ce digne fils du bénin Adjaho , qui je crois s’il était vivant ã l’ère de talon , aurait ravaler ses belles productions intellectuelles , serait dans la sauce talonienne , n’était il pas le beau-frère de talon qui a même nommée la veuve adjaho ambassadrice ?
Et puis adjaho ne pourrait même pas plaider auprès de *** la misére que lui **** fait subir à mon journal préféré que des klébés comme magbedo, agadjavi monwé viennent infecter , polluer , défigurer