Financée par l’Union Européenne et réalisée par Aziz Mossi dans le cadre du Programme de l’Union européenne de prévention de l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest et dans le Bassin du Lac Tchad (PPREV-UE II), une étude a permis de relever les déterminants de l’avènement de la radicalisation et l’extrémisme violent au Bénin.
L’étude a concerné trois zones du Bénin exposées aux risques. Il s’agit de Nikki-Pèrèrè (département du Borgou), Malanville-Segbana (département de l’Alibori) et Djougou-Bassila (département de la Donga). Et elle montre que le Bénin n’est pas à l’abri de la radicalisation ni de l’extrémisme violent. Menée par une équipe de huit experts l’étude a relevé quatre déterminants d’une menace potentielle d’extrémisme violent dans les espaces frontaliers.
Les déterminants liés à la religion
Selon l’étude, le nord du Bénin est caractérisé par une forte proportion de musulmans et le département de l’Alibori est le département le plus islamisé du Bénin avec 81,3% de musulmans. Elle renseigne qu’à l’exception des villes comme Matéri ou Natitingou, «il existe une diversité de courants islamiques qui peuvent être classés en deux grands groupes: les Salafistes minoritaires et les Soufistes majoritaires».
Chacun de ces deux groupes est caractérisé par des divergences internes liées aux interprétations du Coran et de la Sounna. Les conflits sont fréquents entre les partisans d’un islam ancien et traditionnel et ceux qui prônent une approche plus radicale véhiculée notamment par de jeunes Béninois (ou Nigérians) revenus au pays après des études dans les pays du Golfe.
A en croire cette étude, «les différends entre les courants religieux de l’islam pourraient potentiellement conduire certains acteurs à se radicaliser même s’il convient d’appréhender ces phénomènes avec prudence et nuance, le processus de radicalisation pouvant entraîner le passage à des actes violents lorsqu’il est combiné avec des déterminants complexes et multiples mentionnés ci-dessous». De même, l’interrelation étroite entre les courants islamiques du Bénin et leurs homologues des pays voisins touchés par des actes terroristes constitue également un facteur de risque.
Les déterminants d’ordre socio-économiques
L’étude révèle que le nord du Bénin est constitué de territoires multiculturels. Certains groupes socioculturels, tels que les Peuhls, sont stigmatisés et se perçoivent souvent comme discriminés en raison des conflits qui les opposent aux agriculteurs dans un contexte de raréfaction et d’appauvrissement des terres cultivables et de pression démographique.
Le nord du Bénin se caractérise également par un faible taux d’alphabétisation. Et «l’ampleur du chômage des jeunes en particulier est une source potentielle de tension sociale, de basculement dans la criminalité et constitue un terreau fertile à l’endoctrinement».
Les déterminants politiques et stratégiques
La forte disponibilité des fonds en provenance des États du Golfe et de certains pays africains entraine le développement d’organisations ou d’associations islamiques qui investissent dans le domaine social à travers la construction de mosquées, de forages, de puits, d’écoles islamiques ou encore de centres de santé.
Elles sont gérées par les élites islamiques béninoises qui ont été formées dans ces pays. Ceux-ci, diplômés des pays arabes, n’obtenant pas d’équivalence de leur diplôme auprès de l’État béninois, nourrissent une certaine frustration à l’égard de l’État et se reconvertissent notamment dans la création d’écoles coraniques.
Les déterminants liés à la défaillance de l’État dans ses missions régaliennes
La longue absence de l’État dans les espaces frontaliers contraste avec le profond ancrage des normes religieuses dans les habitudes et les comportements des citoyens. Le processus de décentralisation connaît des difficultés et la part des ressources de l’État affectées aux communes demeure limitée. Selon les informations de l’étude, «ce manque alimente le sentiment d’abandon de la population, la remise en cause de l’État et de l’ordre républicain par les citoyens des zones frontalières».
Les problèmes de gouvernance locale font également partie des facteurs qui alimentent la frustration. La porosité des frontières et l’insuffisance des moyens de surveillance et de renseignements augmentent aussi les risques sécuritaires. Il ressort que le phénomène de radicalisation se nourrit de diverses formes d’injustices subies par les acteurs sociaux, notamment les jeunes, aboutissant à leur marginalisation/exclusion des débats, des espaces et des services publics.
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