Coronavirus: Quid des africains confinés en Chine ? ou le casse-tête chinois du continent africain

Plusieurs pays, dont la France, les Etats- Unis, l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud, le Bangladesh, et le Sri Lanka, s’efforcent d’évacuer leurs ressortissants de Wuhan, la ville chinoise à l’origine de l’épidémie du nouveau coronavirus, qui a déjà tué 360 personnes et contaminée plus de 17.000 personnes. Mais qu’en est-il des Africains sur place ?

D’après mes informations, un étudiant camerounais de la ville de Jingzhou dans la province du Hubei a été diagnostiqué positif au coronavirus. Selon le communiqué de son université datant du 2 févier 2020, il serait pris en charge et répondrait bien au traitement de l’hôpital.

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J’aimerais attirer l’attention sur les difficultés que rencontre la communauté africaine en Chine et sur le silence assourdissant de son non-rapatriement.

Hormis le Maroc et l’Algérie, qui ont envoyé des avions pour rapatrier leurs concitoyens – 167 marocains, 36 algériens, 10 tunisiens et quelques Libyens soumis à une quinzaine de jours d’observation-, les autres pays africains ont donné comme mot d’ordre à leurs ressortissants le confinement…

Des étudiants africains de Wuhan à Beijing, décrivent une atmosphère assez morbide, et ont peur de sortir car c’est un virus qui se transmet par l’air. Et pourtant, pour se nourrir, il faut sortir ! Mais là encore il faut être doté d’un masque, de gants et selon un africain qui vit dans la capitale chinoise depuis plusieurs décennies « se désinfecter à l’alcool à 90° ou même à l’eau de Javel en rentrant». Ces derniers articles de protection sont en ruptures de stocks dans les magasins, et la nourriture se fait rare si on ne se lève pas de bonheur.

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Avec le temps qui passe, ils rencontreront des difficultés réelles et ils appellent donc à l’aide pour les sortir des zones touchées et mise en quarantaine. La pression psychologique est grande, rester cantonné à la maison sur une période non déterminée, c’est beaucoup d’anxiété voire ca créé de la psychose.

Certaines ambassades africaines ont déja demandé de l’assistance financière auprès de leurs gouvernements respectifs en faveur de leurs communautés.« Nos besoins sont plus que d’ordre financier » s’insurge un étudiant africain. « Que faire avec de l’argent sur mon compte dans une ville déserte ? La ville de Wuhan est mise en quarantaine parce qu’elle est l’épicentre du virus donc ultra infectée. Peu importe les millions que j’aurais cette somme ne me servira pas à grande chose (…) si je ne peux pas trouver un endroit assez saint et rassurant pour m’approvisionner» ajoute t-il dans une lettre adressée à son ambassade.

Mutisme des médias face à la situation africaine

En regardant le JT de la chaîne France 24, j’ai eu les larmes aux yeux en voyant ces parents français rassurés de retrouver leurs enfants fraîchement rapatriés. Quid des parents de ces jeunes africains restés confinés en Chine sans aucune porte de sortie? A t-on pensé à les interroger ?

Il faut savoir que la Chine est la deuxième destination choisie par les jeunes Africains après la France pour leurs études universitaires. Le nombre d’étudiants africains résidant en Chine était de 80 000 en 2018 selon des chiffres fournis par le ministère de l’éducation chinois, un chiffre destiné à augmenter, car le gouvernement chinois a décidé d’accorder 50 000 bourses universitaires au continent africain jusqu’en 2021.

Le30janvier,l’OMS a décrété l’urgence internationale face à l’épidémie. Les autorités chinoises n’envisagent pas la fin de cette situation avant juin2020.

Plusieurs questions me taraudent…qu’est-ce qui empêche les pays africains de se réunir et voir dans ces circonstances un plan d’urgence avec leurs partenaires chinois pour des solutions pratiques, adéquates, et immédiates?

En discutant au téléphone avec un diplomate africain basé à Beijing, j’ai pu comprendre que plusieurs facteurs constituaient un frein au rapatriement : d’abord, le manque de moyens médicaux et de structures d’accueil pour accueillir les ressortissants africains dans leur pays respectifs. En effet,sur place,ils devraient être mis à l’isolement pendant deux semaines, avec un risque inhérent de propagation sur le continent africain…

Faut-il pour cela laisser ses ressortissants à l’épicentre d’une épidémie mondiale au vu des tensions sur les ressources sur place, n’est-ce pas plus dangereux ?

D’autre part, le casse-tête diplomatique : rapatrier systématiquement les ressortissants africains pourrait jeter un doute sur la capacité des Chinois à maitriser et gérer la crise. L’inquiétude est d’autant plus grande que la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique.

Une diplomatie bouche-bée même sur des questions de vie ou de mort ?

Ne condamne-t-on pas de facto tous ceux qui ne sont pas – encore – infectés en les laissant sur place à Wuhan ?Est-ce qu’en laissant ces africains, c’est la seule façon d’empêcher le virus d’arriver sur le continent ? Pour l’instant, aucun cas de coronavirus n’a été signalé en Afrique.

Pour limiter les risques de contamination par des voyageurs en provenance de Chine, les aéroports des capitales africaines renforcent leurs dispositifs sanitaires.Plusieurs pays tels que le Ghana, le Sénégal, le Kenya, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud ou encore le Nigeria et la Côte d’Ivoire ont mis en place des mesures de prévention dans les aéroports pour les vols venant de Chine afin de diagnostiquer d’éventuels cas de coronavirus.

Cependant, des voyageurs chinois en provenance de Wuhan ou d’autres villes chinoises ont été ou sont autorisés à voyager dans de grandes villes africaines. La question du contrôle et de la mise en observation dans ce cas se pose. En Mauritanie par exemple, c’est l’ambassade de Chine qui a demandé à ses ressortissants récemment arrivés de rester confinés pendant 14 jours au moins pour empêcher la propagation éventuelle du nouveau coronavirus. Quelles sont les dispositions que les états africains eux même prennent sur leur territoire?

Pourquoi les africains sont laissés pour compte dans l’épicentre du virus ?

J’en appelle à une vraie prise de conscience panafricaniste. En effet, les 9 et 10févrierseront réunis en Ethiopie les chefs d’États africains pour le sommet annuel de l’Union africaine. C’est donc l’occasion pour qu’une solution soit trouvée pour cette communauté en Chine…avant qu’il soit trop tard.

Raïssa Girondin est une journaliste indépendante, spécialiste des questions africaines. Elle a travaillé auparavant pour la Voix de l’Amérique, basée aux États-Unis, à la présentation du débat télévisé Washington Forum, et du journal radio. Juste avant, elle a présenté le journal télévisé en langue française pour le media d’Etat chinois CGTN, depuis Beijing. Elle a fait ses premiers pas journalistiques dans la presse écrite à Paris avec Amina, le magazine de la femme africaine et a débuté sa carrière avec le groupe français Lagardère en tant que professionnelle de la communication.

3 réponses

  1. Avatar de hugues
    hugues

    voyant les gigantesques moyens mis en place pour le confinement de la population et le traitement des malades, on ne peut que constater que les chiffres des chinois contaminés et décédés du coronavirus sont incroyablement faibles : cette épidémie s’aggrave en pandémie :  » Les mesures de prévention et de protection en cas de pandémie  » : ***

  2. Avatar de Tchité
    Tchité

    Si les moyens financiers étaient le problème, les états auraient pu mettre leurs efforts ensemble pour un rapatriement en masse organisé.

    La Chine a construit un hôpital en 10 jours.

    Rien n’est impossible si on y croit6et s’y met.

  3. Avatar de Tchité
    Tchité

    Les vies des nôtres sont déjà banalisées sur le continent par nos dirigeants, qui ne pensent qu’à leurs intérêts et non à celui des leurs.

    Voilà maintenant, un cas d’épidémie mondiale où chaque état responsable court au secours de ses concitoyens. Nos dirigeants réactifs ne savent pas encore à quel sein se vouer pour venir à l’aide des leurs.

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