Les décisions de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) concernant les médias au Bénin notamment les médias en ligne viole plusieurs dispositions tant au plan national, régional qu’international. C’est ce qu’on retient du communiqué de presse de l’ONG Article 19. Dans le communiqué, Article 19 demande à la HAAC du Bénin «de reconsidérer sa décision de fermer tous les médias en ligne qui n’ont pas l’autorisation de la HAAC et de réformer le cadre juridique des médias ». Car, pour cette ONG qui depuis 10 ans œuvre pour la défense de la liberté d’expression et l’accès à l’information, l’autorité de régulation ne devrait pas exiger des médias en ligne de s’enregistrer auprès d’un organisme public.
Pour Fatou Jagne Senghore, directrice régionale de Article 19 Afrique de l’Ouest, «fermer les médias en ligne uniquement parce qu’ils n’ont pas demandé d’autorisation est une grave violation de la liberté d’expression et de l’accès à l’information ». Elle souligne que «les médias en ligne sont essentiels pour informer le public ». Pour rappel, le 7 juillet 2020, la HAAC a ordonné la fermeture des médias en ligne pour violation de l’article 252 du code de l’information et de la communication de 2015. Cette loi exige à tous les sites internet qui fournissent des informations audiovisuelles et écrites de demander l’agrément de la HAAC.
L’ONG Article 19 se dit choquer que la décision de la HAAC crée un climat de peur au sein des médias en ligne. Fatou Jagne Senghore estime que «la HAAC doit éviter toute action violente qui menace la liberté des médias ». Et sa décision de fermer les médias en ligne «constitue une atteinte grave à la liberté des médias et une forme de censure qui prive les citoyens de l’exercice de leur droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information ». Cette organisation fait remarquer que de telles exigences de la HAAC, qui est un organisme public, peut faciliter l’ingérence du gouvernement dans le contrôle des médias. La HAAC doit s’en tenir à son rôle qui consiste à garantir et assurer la liberté et la protection de la presse et de réglementer le travail des médias.
Violation des droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information
Selon Article 19, en prenant cette décision, «la HAAC a violé sa propre loi organique de 1992, la Charte africaine et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) qui garantissent le droit à l’expression et à l’information ». L’ONG rappelle que la liberté d’expression, d’information et la liberté des médias sont protégées par la Constitution de la République du Bénin en son article 8. Mieux, le principe 16 de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique encourage les États à autoréguler les médias par des moyens impartiaux, rapides et peu coûteux et favorise l’établissement de normes élevées dans les médias. Elle recommande au Bénin, le respect des engagements internationaux auxquels il a souscrit notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH).
La HAAC, habituée à fermer les médias
Article 19 rappelle que ces dernières années, la liberté des médias s’est détériorée et les autorités continuent de menacer les médias et les journalistes. En 2020, le Bénin a perdu 17 places dans le classement mondial de la liberté de la presse, passant de la 96e à la 113e place actuelle. En 2019, la radio Soleil FM avait été suspendue suite au refus de la HAAC de renouveler sa licence. En 2018, La Nouvelle Tribune, un journal quotidien avait également été suspendu pour «propos outrageants à l’égard du chef de l’Etat». En 2017, dans son procès pour «fermeture abusive » de la télévision Sikka, le tribunal a condamné la HAAC à payer une amende de 50 000 000 de francs CFA et à rouvrir le média. Sikka TV est une chaîne de télévision appartenant à un homme politique, qui était candidat à la présidentielle de 2016. En 2016, HAAC avait ordonné la fermeture de 4 médias audiovisuels pour diverses raisons.
Or, à en croire l’ONG, lors de l’Examen Périodique Universel de 2017, il a été recommandé d’empêcher la suspension arbitraire des médias. Le Bénin a accepté cette recommandation mais doit encore la mettre en œuvre. Car, «dans la pratique, le Bénin continue de prendre des mesures drastiques pour restreindre le droit d’accès à l’information et la liberté d’expression ». Et «les décisions abusives de fermeture de médias par la HAAC sont de plus en plus fréquentes au Bénin et constituent une atteinte à la liberté des médias ». Les autorités du Bénin doivent veiller au respect des obligations nationales et internationales du pays, protéger la liberté d’expression et l’accès à l’information et créer un cadre favorable pour garantir la liberté des médias.
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